Aux surbookings des hôtels et dépassements au niveau des postes frontaliers, s'ajoutent des prix majorés à plus de 30%. La dernière mésaventure portée à la connaissance de la presse est survenue avant-hier. Un jeune couple de la région est du pays, C. S. et H. M. fraîchement mariés, était censé partir au Caire via Tunis pour leur voyage de noces. Après avoir acheté, dans une agence de voyages constantinoise Bellara Voyages en l'occurrence, le package, la route est prise vers Tunis. Leurs parents sont appelés, hier, par l'agent de voyages les avertissant que la réservation sur le vol TU 143W Tunis-Le Caire d'avant-hier, soit le 10 août à 23h30 a tout simplement “sauté du système” bien qu'elle soit confirmée. Apportant les preuves de leur bonne volonté, les responsables de l'agence algérienne remettront aux concernés les traces de la réservation (l'historique du dossier, sa confirmation et même une copie d'un fax de confirmation). Une façon de dire que la faute incombe à Tunis Air. Désorientés, les parents du jeune couple, qui étaient déjà sur la route de Tunis avec des billets portant la mention OK dans leurs poches et retirés la veille, s'en remettent à la presse comme c'est le cas dans ce genre de situations où tout le monde fuit ses responsabilités et ses engagements. Selon Mme Assia T., de Bellara Voyages, qui s'exprimait hors d'elle, “les cadres de Tunis Air à Alger sont injoignables et d'après la standardiste, seule interlocutrice disponible, la faute incombe à Egypt Air, co-affréteur avec Tunis Air dudit vol”. Cette explication ne semble pas convaincre l'agent de voyages. “Il s'agit bien d'un titre de voyage de Tunis Air et à cette dernière d'assumer ses responsabilités.” Nous avons essayé de joindre par téléphone le siège de Tunis Air à Alger, mais sans succès. La première fois, le responsable censé apporter le point de vue de la compagnie était absent, selon la préposée au téléphone. ? partir de 15h, le téléphone ne répondait plus. Même nos questions envoyées par fax sont restées sans suite. Il faut dire que ce genre de pratiques existent aussi chez certaines compagnies. Quand l'usager s'en rend compte à l'embarquement, il est trop tard et c'est souvent l'agent de voyages qui est accusé d'émettre des billets fictifs. Dans ce cas, l'anomalie a été découverte à temps, ce qui est rare dans la profession. ? noter qu'à cause des défaillances, des transporteurs algériens — Air Algérie et l'ENMTV — des milliers d'Algériens passent par les aéroports et ports tunisiens lors de leurs déplacements en Orient et en Europe. Même les émigrés algériens, qui se rendent au bled, utilisent de plus en plus cette piste. Selon des transporteurs algériens, le nombre d'Algériens qui utilisent les tarmacs et quais tunisiens pour leurs déplacements à l'étranger se rapproche de celui de la ligne Alger-Tunis. Ainsi le tourisme algérien, dans les deux sens du flux, est bénéfique à toutes les économies de la région, sauf algérienne. Quand ce drame économique s'accompagne d'autres humains, la chose devient dure à supporter même par des frères. En tout cas, aussi bien les us de la profession que le règlement Iata prévoient le traitement de ce genre de défaillances avec des mesures d'indemnisation des usagers et d'autres coercitives contre les compagnies. Certaines législations, dont l'algérienne, les incriminent car considérées comme de fausses écritures. Ce dernier épisode de Tunis Air n'en est qu'un. Il s'ajoute à d'autres. Celui des hôteliers et du personnel des postes frontaliers. Les hôteliers tunisiens se sont fait la réputation d'être des champions de la pratique du surbookinng, qu'ils ne sont pas capables de maîtriser comme technique, à l'exception de ceux qui activent sous une enseigne internationale. Le surbooking est la vente par l'hôtelier d'un nombre de lits supérieur à celui de la capacité d'accueil selon des normes étudiées. ? chaque problème, ils sacrifient les réservations confirmées par les Algériens sur l'autel de celles des Occidentaux et des nouveaux touristes venus des pays de l'Est, pourtant plus regardants sur les dépenses. En basse saison, c'est carrément du mépris. Un groupe de dentistes algériens a été surpris le mois de mai dernier de se voir attribuer, dans un 4 étoiles de Sousse, des chambres non refaites sous prétexte que celles “remises à neuf” étaient destinées à des touristes allemands attendus pour le lendemain. Le plus grave est l'interdiction aux femmes porteuses de hidjab ou de foulard de fréquenter les piscines de certains hôtels sous le fallacieux prétexte de la préservation de l'hygiène des lieux. Dans cette catégorie de clientèles, on trouve surtout les Algériennes dont le hidjab est plus une étiquette culturelle qu'autre chose. ? ces détails s'ajoutent, cette année, de nouvelles pratiques commerciales. Les agences algériennes habituées à commercialiser la destination tunisienne sont surprises par la flambée des coûts producteurs (tarifs de cession hôteliers- agences de voyages) que leur proposent leurs partenaires de l'autre côté de la frontière. Les majorations varient entre 10 et 30%. ? cela s'ajoute le durcissement des conditions de paiement. Les agences algériennes sont obligées de payer à l'avance leurs partenaires tunisiens sous forme d'avances sans aucune garantie de trouver des lits en juillet et août. En effet, pour avoir des lits en haute saison, les agents algériens sont obligés de recourir à la conditionnalité du “plein pour vide”. Dans le jargon hôtelier, cela veut dire que l'agence algérienne doit payer à l'avance les chambres même si elles ne seront pas occupées. L'ONTT tente de rectifier le tir comme en mettant les numéros de téléphone des commissaires locaux de tourisme à la portée des agents algériens ou en sanctionnant des hôtels comme ce fut le cas l'année passée, mais le problème prend l'ampleur d'une “tare culturelle”. Après les attentats de Djerba puis les évènements du 11 septembre, la Tunisie s'est retournée vers les marchés algérien, libyen et saoudien pour faire face à la défection des Occidentaux. Ces frères arabes seront à la hauteur en éliminant le déficit en demande et, mieux, ils “boosteront” l'ensemble de l'industrie hôtelière tunisienne lui permettant d'atteindre ses objectifs stratégiques. Libyens et Algériens ne sont détrônés que par les Français. Aujourd'hui que la menace de 2001 n'est plus là et que les marchés traditionnels sont moins hostiles, les professionnels tunisiens, heureusement pas tous, ne ratent aucune occasion pour se détourner de leurs frères arabes au point où il est légitime de se poser la question de savoir si la destination n'est pas en train de se fermer aux Algériens. Mourad KEZZAR