Visitée, il y a de cela 40 ans, par Bouteflika à l'époque où le maire, Djilani Daboussi, était député, Tabarka est aujourd'hui un grand pôle touristique... «Je ne veux pas bronzer, idiot!» Tel est le slogan institué depuis les années 70 dans la ville du corail, Tabarka. Petit village néanmoins très charmant, situé à 30 km des frontières algériennes (après El-Kala), 3 km à peine de côte, et de 500 habitants Tabarka, la cité tunisienne «festive» est devenue avec le temps un grand pôle touristique, une bonne affaire commerciale pour les tours opérateurs tunisiens. La proximité du Maghreb et de l'Europe, en fait une destination de rêve, à bon «marché». Tabarka, ou la Tunisie par extension, est connue pour son tourisme balnéaire. Les Algériens viennent en troisième position après la Libye et la France. 850.000 Algériens ont visité, l'an dernier, Tabarka. «Il y a une augmentation par rapport à l'année d'avant», nous a certifié Khaled Khaled, directeur tunisien de marketing et de la communication. Le tourisme tunisien est un exemple classique du concept de «package tour», nous fait-il comprendre. Cependant, on ne connaît pas la fréquence de la venue des Algériens à Tabarka car nous dit-on: «La fréquence des Algériens à Tabarka reste inconnue. Tabarka est un point de passage, étant une ville frontalière. Tous les Algériens qui viennent en Tunisie passent obligatoirement par ici. On ne sait pas s'ils restent à Tabarka parce qu'ils n'ont pas la tradition de réservation via les agences de voyage avec un package, donc cela fausse un peu les donnes. L'objectif de notre office du tourisme tunisien est de développer ce genre de réservation précoce, d'achat de package. Cela permet aux clients de garantir une meilleure qualité de service et d'augmenter la durée de séjour de la clientèle algérienne.» Pourquoi Tabarka? De tous les Algériens rencontrés dans la ville du corail et interrogés, ils répondront pêle-mêle : pour la proximité, la publicité classique, la notoriété de la ville grâce à ces festivals de musiques du monde en été (jazz, raï, world music, latinos), le rapport qualité-prix et puis et surtout l'exemption de visa. Tout cela constitue des facteurs importants et incontournables qui poussent les Algériens à aller à Tabarka et puis, faut-il le noter, les Bônois en particulier, bien sûr. C'est qu'elle se trouve être le débouché maritime d'un immense arrière-pays forestier et agricole, face aux îles du bassin occidental de la Méditerranée. Le tourisme tunisien c'est aussi le développement du transport aérien. Aussi, nous informe M.Khaled Cheikh, cette année, on note une programmation de 46 charters qui desservent à partir d'Alger, Annaba et Oran, et avec l'aide de plusieurs agences de voyage principalement sur la haute saison - juillet, août et début septembre. Cela s'effectue grâce à Tunis Air et Air Algérie. L'année dernière, le nombre de charters se limitait à neuf. Une augmentation notable donc qui témoigne véritablement de l'engouement des Algériens pour Tabarka. «Les Algériens comme les Tunisiens, aujourd'hui, sont plus exigeants sur le plan de l'hébergement, de animation, et de la qualité du service. Les hôteliers ont bien conscience de cela. Nous avons une clientèle algérienne qui vient d'Europe (les immigrés). Nous la ciblons aussi, ce sont de très bons consommateurs, selon les hôteliers», affirme notre interlocuteur. Les Algériens aiment la Tunisie En effet, à quelques encablures de l'Algérie on ne se fait pas prier - ou très peu - pour aller passer des vacances à Tabarka. Il y en a pour toutes les bourses, des hôtels à quatre et cinq étoiles aux petits hôtels pour jeunes au centre-ville. «La demande est tellement forte qu'il faudra peut-être ouvrir les internats de lycées pour héberger les jeunes», nous assure-t-on. En effet, contrairement aux années 80, les auberges de jeunesse sont de moins en moins déployées dans la région. Toujours est-il, pourquoi aller dépenser des sommes faramineuses en Europe, quand on peut passer d'agréables vacances à peu de frais ? Il faut juste faire un petit effort supplémentaire pour les jeunes. C'est connu, les Algériens aiment la Tunisie, et Tabarka relève d'une préférence spécifique. Outre l'avion, beaucoup optent pour la route. «Nous faisons tout pour que l'accueil soit le meilleur possible aux frontières», confie M.Cheikh. Animé de bonne foi, M.Slouma, directeur de l'Ontt, s'est excusé, l'année dernière, pour tous les dérapages et désagréments au niveau des frontières. «Il n'y a pas de différence entre un touriste européen et un touriste algérien», avait-il ajouté tout en soulignant: «L'Etat coordonne, contrôle, supervise et veille à la durabilité. Dans le monde du tourisme, il y a parfois des dépassements. Cela existe malheureusement. Ce n'est pas inéluctable. On est en train de lutter contre.» Quelques chiffres Il faut savoir que le nombre d'entrées des Algériens sur les postes frontaliers de Meloula et Babouch est arrivé à 223.493. Le nombre d'entrées (des non-résidents) des Algériens à Tabarka pour l'année dernière est de 811.463 contre 728.309 en 2002, soit une augmentation de 11,4%. Les Algériens totalisent 581.137 nuitées globales en 2003, contre 497.832 en 2002, soit une différence de 16,7%. Cela veut dire que les Algériens séjournent plus longtemps à Tabarka. Même si pour la majorité, elle n'est qu'un transit pour aller à Monastir, Hammamet, Bizerte, etc. Rehaussé par une citadelle génoise et son fort antique situé aux Aiguilles, Tabarka, belle, altière, possède plusieurs cordes à son arc. A elle seule, elle réunit montagne et plage. Bourgade aux toits rouges, édifiée au tournant du XXe siècle, Tabarka a un charme authentique de petite ville tunisienne éloignée des grands centres urbains. Les Aiguilles sont une impressionnante formation rocheuse baignée par la mer et découpée par l'érosion. Une illumination les met en valeur la nuit. Ici, au Front de mer, les petits marchands de bracelets en corail et autres objets souvenirs ont élu domicile. Un petit espace est réservé pour les enfants avec un manège tourbillonnant. Vous ne pouvez rater ce petit magasin de bijoux baptisé Dar Ess'ad. Des Algériennes friandes d'originalité et de finesse y trouvent le compte, et leur bonheur, car l'une d'elles, nous a-t-elle affirmé: «Au moins là, on peut marchander et faire baisser les tarifs. Les gens sont généralement conciliants avec nous.» L'an prochain, le festival de jazz, qui sera à sa 10e édition, reconnu mondialement après ceux de Montréal, La Haye, Antibes et Montreux, sera transposé de la Basilique aux Aiguilles où il élira domicile dans un somptueux complexe culturel qui comprendra, outre la salle de spectacle, un amphithéâtre d'une capacité de 6000 places, un musée culturel et une bibliothèque. Des restaurants panoramiques seront construits d'ici à là sur cette partie qui domine la mer. Le but de ce complexe, nous dit-on, est de «renforcer le tourisme événementiel dans la région». Pour les Algériens, Tabarka a «les yeux bleus» pour reprendre une expression chère à un estivant algérien, qui se fait un point d'honneur à aller chaque année à Tabarka en se payant, dit-il, «des vacances de bourgeois». Connaissant son capital séduction, Tabarka ne cesse ainsi de multiplier les projets hôteliers. Plusieurs hôtels sont en cours de réalisation. Six, rien que pour cette année. On peut citer le Tabarka Beach hôtel de catégorie cinq étoiles. Installé à la cité Mordjane, avec une capacité de 450 lits et un centre de thalasso, cet hôtel a nécessité un investissement de 40 md et sera opérationnel pour la saison touristique 2005. Le Tabarka Center, un quatre étoiles et d'une capacité de 300 lits, sera, lui aussi, fin prêt l'an prochain. L'on retient aussi le projet d'un hôtel avec une unité de santé sera situé en plein centre-ville. D'un autre côté, l'hôtel Dar Ismaïl, d'une capacité de 300 lits, a engagé des travaux d'extension pour atteindre ainsi les 660 lits. A terme, Tabarka ambitionne d'avoir le meilleur positionnement en matière touristique. Elle l'a déjà, pour ces Algériens rencontrés ici et là à Tabarka. Mohamed Tahar est industriel à la retraite. Il est le patron des établissements Liana, spécialisés dans les pâtes, semoule et autres céréales. Rencontré au milieu de la foule à la Basilique, à l'entracte d'un concert, ce dernier, venu d'Annaba avec sa smala, sa femme, ses enfants et petits-enfants, nous confie: «J'habite à Annaba, à une heure et demie de Tabarka, à peu près 120 km. Cela nous fait une sortie de temps en temps. Je viens souvent au Festival de Tabarka. Je vais aussi au festival de Montreux et de Perpignan. Mais se régaler à une heure et demie, c'est encore mieux ! On vient pratiquement une fois par mois, au minimum. En hiver, on part au hammam Bourguiba». Rencontré dans un hôtel au centre-ville, Chakib et Neyla, deux jeunes Algérois mordus de jazz, sont venus par route. C'est la première fois qu'ils viennent à Tabarka. «On en a beaucoup entendu parler à cause du festival de jazz. On est venu pour cela en fait puis on a découvert une ville supersympa, des gens adorables partout. On compte rester le temps du festival. Le reste c'est du bonus, ce qu'on peut avoir comme bonne expérience. C'est en plus. On a beaucoup d'amis qui sont amateurs de musique. Certains viennent depuis longtemps à Tabarka. Il nous en ont parlé», nous a déclaré la jeune espiègle. A propos des tarifs, elle explique: «Question prix, on a trouvé que c'était raisonnable. Vous ne pouvez pas passer des vacances en Espagne, en France ou ailleurs avec seulement 500 euros pour la semaine. C'est franchement bien. C'est décidé, l'année prochaine on reviendra en groupe avec des amis qui ne la connaissent pas encore. On essayera de s'organiser pour trouver un endroit sympa qui nous accueillera tous !». Amour de Tabarka... Elies est Tunisien originaire de Nabeul, mais travaille et vit à Tunis. Il est marié à une Algérienne Nina. «Ma femme et moi sommes amoureux de la ville. C'est un pèlerinage. On y vient depuis 9 ans, en 1995, l'année de la reprise du festival de jazz qui a connu ses années de gloire dans les années 70. Tabarka nous plaît beaucoup, car c'est une ville unique dans son genre car elle ressemble beaucoup à El-Kala, côté algérien. Il y a le mélange de la montagne, la mer. Ce que j'adore aussi dans la ville, ce sont les perspectives. Par rapport à ma ville natale, Nabeul, qui est complètement plate ici, il y a beaucoup de relief. C'est un peu comme Alger. De n'importe quel endroit, on peut toujours avoir de superbes vues. Avec des copains algériens, on part souvent au fort génois et on filme le lever du soleil.». Quel couple romantique ! Dans ce cas, c'est un rapprochement culturel...passionnant qui les a réunis. Meghache Bouzid habite à Bordj El Kiffan. Il est commerçant. C'est la première fois qu'il visite avec sa femme Tabarka. Il en est enchanté. L'an dernier, il voulait venir, mais il n'a pas pu, en raison de l'état de santé de son épouse qui était malade. Cette année, c'est chose faite et ils sont amplement satisfaits. «Cette région est plaisante et accessible», souligne M. Meghache. Il lui a suffi de contacter l'Ontt, à Hydra, et les voilà les pieds dans l'eau. Sabrina D., enseignante à Annaba, est le profil type des Bônois qui se plaisent à venir à Tabarka dès que l'occasion se présente pour changer d'air et se distraire. Elle témoigne: «Tabarka n'est pas très différente de Annaba. C'est comme chez nous mais là, on trouve des endroits pour s'amuser.» En effet, beaucoup d'Algériens avides d'évasion et de distractions viennent à Tabarka juste pour le goût du dépaysement. Un dépaysement somme toute relatif puisque la langue est quasi la même et les traditions aussi. Cela facilite en tout cas le contact et cela permet au moins de se sentir un peu comme chez soi. Même si la réalité touristique chez nous est tout autre, hélas. Au café des Andalous...c'est un délice pour les estivants. C'est le plus célèbre café maure de la ville, aux murs ornés de faïence et à la terrasse ombragée par les ficus. Situé à côté de la basilique, haut lieu de spectacle et de divertissement, c'est là où nous avons rencontré une grappe de jeunes gens algériens attablés, se délectant d'un verre de thé et autre chicha au goût de pomme. Faute de places disponibles à l'intérieur de la basilique, ils assistaient au concert dehors à partir d'un écran géant placé en face de ce café de rue. Un événement conférant à cette place une ambiance particulière. Une superbe ambiance de vacance et de farniente. Ce qui est en général va avec. A Tabarka, on vient en famille, en couple pour célébrer son voyage de noces ou en groupe de jeunes, amateurs de bonne musique. Selon le directeur de l'hôtel Montana (trois étoiles) situé en plein centre-ville, les Algériens ont constitué 50% du taux d'occupation l'année dernière. Ces derniers sont présents en moyenne saison, la période d'hiver et le printemps. Ils viennent, par ailleurs, le week-end, mais surtout en été. Beaucoup d'emmigrés descendent dans cet hôtel. «Nous travaillons en convention avec des agences de voyage d'Annaba, Alger et Constantine», nous confie-t-il. C'est sûr, Tabarka est, à n'en point douter, une station touristique où il fait bon vivre.