Le président russe a finalement entériné l'accord européen de cessez-le-feu en Géorgie mais avec des réserves. Le Kremlin n'entend pas plier bagages, liant le retrait de son armée à des négociations de fond sur le conflit. Pas question de lâcher les populations de l'Ossétie du Sud et l'Abkhazie. Et la Russie d'invoquer le précédent de Kosovo pour exiger l'abandon de la stratégie occidentale visant à l'encercler par des régimes hostiles. Par ailleurs, Washington s'est résolue à admettre, même du bout des lèvres, qu'isoler Moscou n'est pas facile. La Russie de 2008 n'est plus celle des années Eltsine, elle est devenue sous la houlette hier de Poutine et aujourd'hui du couple Poutine-Medvedev trop importante, aussi bien pour les Etats-Unis que pour ses voisines européens. Selon de sérieux analystes, les ?tats-Unis ont beaucoup à perdre si d'aventure les relations américano-russes retrouvaient leur niveau de la Guerre froide. De la coopération sur les dossiers nucléaires iranien et nord-coréen, aux accès vers l'Asie et l'Afghanistan, la Russie est un gros pourvoyeur d'hydrocarbures et de gaz, pour les européens notamment. La Fondation américaine Carnegie pour la paix internationale est formelle : Washington et Moscou ont bien trop besoin l'un de l'autre. D'ailleurs, le président américain, qui aurait bien souhaité redorer son blason avant de céder les clefs de la Maison-Blanche, s'est bien gardé de franchir la ligne rouge, se contentant depuis le début de la crise ouverte entre la Russie et la Géorgie, de mises en garde plutôt rhétoriques. Très peu de décisions concrètes sont venues marquer la désapprobation des Etats-Unis, sauf l'annulation d'un exercice naval conjoint et l'évitement de l'escale moscovite de la secrétaire d'?tat Condoleezza Rice qui s'est rendue à Tbilissi pour contraindre le président géorgien à signer avant les Russes l'accord de cessez-le-feu. Bush comme sa secrétaire d'?tat, ont prévenu la Russie que son intervention dans l'ancienne république soviétique handicapait sa candidature au sein d'organismes internationaux comme l'Organisation mondiale du commerce (OMC), mais Moscou qui remet de l'ordre dans ses affaires économiques est loin d'être pressé d'ouvrir les frontières à la liberté de commerce. En réalité, la détérioration des relations américano-russes ne date pas de l'affaire de la Géorgie. Les pommes de discorde sont nombreuses, comme le projet de bouclier anti-missile que les USA ont proposé à la Pologne et la République tchèque ou le soutien apporté à l'indépendance du Kosovo et à la candidature de la Géorgie à l'Otan. Washington et Varsovie ont signé l'accord autorisant le déploiement d'éléments du bouclier sur le sol polonais, ce qui ne va rien arranger aux relations américano-russes. Moscou rue dans les brancards allant jusqu'à menacer la Pologne. Il reste, en effet, à réaliser sur le terrain cet accord, ce qui peut prendre du temps. Washington sait qu'il ne peut pas tirer sur la corde, déjà suffisamment assez raide. Un ancien haut responsable du Département d'?tat, Strobe Talbott, aujourd'hui président de la Brookings Institution, reconnaît qu'isoler la Russie ne fait pas vraiment partie des options possibles. “La Russie ne peut pas être isolée, elle est trop grande, trop puissante”, a-t-il admis. Du reste, après avoir réuni son conseil de sécurité nationale, Bush a fait état de “progrès” dans la crise entre la Russie et la Géorgie, estimant que la signature par les deux pays de l'accord de cessez-le-feu proposé par l'UE et les ?tats-Unis était un motif d'espoir. D. B.