Vingt-quatre heures après l'attentat des Issers, les habitants tentaient hier de panser leurs blessures. “Je n'arrive pas à croire que des Algériens tuent avec autant de sauvagerie d'autres Algériens”, affirme Ahmed, le propriétaire d'un café touché par l'explosion. Son frère qui l'aidait à réparer les dégâts, et qui a participé au secours des blessés, n'arrive pas à trouver les mots pour expliquer la cruauté et la bestialité des auteurs de l'attentat. “Je n'ai jamais vu de ma vie autant de cadavres mutilés”, dit-il avant de s'étaler sur le cas de nombreux blessés qu'il a lui-même évacués et pris en charge. De nombreux autres citoyens qui ont vécu ces moments épouvantables ont tous été surpris par l'ampleur de la catastrophe. Une mère de famille habitant les lieux, encore abasourdie, nous accueille dans sa maison et nous relate la terrible journée passée avant-hier avec les blessés. “Ce sont tous des passagers d'un bus reliant Oran-Tizi Ouzou que j'ai accueillis dans la cour de cette demeure que vous voyez là.” Elle nous montre le salon et la cuisine complètement effondrés où étaient entassés deux familles originaires de l'ouest du pays. Son fils et son ami qui ont presque le même âge que les jeunes morts dans l'attentat ont laissé éclater leur colère. “Ce ne sont pas des musulmans qui ont fait ça, ce sont des gens venus d'un autre temps”, affirme le plus jeune. De l'autre côté de la rue, les habitants d'une belle maisonnette ne cachent pas leur colère contre les commanditaires de ces tueries. “Je doute que ce soit des Algériens et des musulmans qui ont fait ça”, nous dira Saïd qui ne tarde pas à déverser sa colère contre les autorités qui ne sont pas venues encore les voir. “En dehors du Croissant-Rouge et d'une équipe du CTC, personne n'a cherché après nous”, dit Lamine, qui reconnaît toutefois qu'un logement leur a été déjà attribué à Zemmouri pour loger provisoirement toute la famille. “Regardez, plusieurs équipes sont mobilisées pour réparer l'enceinte de la gendarmerie. Certes, c'est normal, mais nous aussi nous avons droit à de telles opérations de déblayage”, affirme Lamine qui s'apprêtait à démolir, seul et avec ses propres mains, un mur menaçant ruine. Son frère se demande où sont passées les cellules de psychologues promises par Ould Abbès pour venir en aide aux enfants et aux vieillards traumatisés. “Comment un pays qui vit des catastrophes permanentes de tout genre n'arrive pas à mobiliser des psychologues pour soutenir le moral des personnes fragiles ?” ajoute Lamine qui a du mal à calmer un de ses enfants qui a failli être écrasé par un mur. À une centaine de mètres, se trouve une tente verte que le Croissant-Rouge algérien vient de planter. Lors de notre passage sur les lieux, elle était inoccupée. Les riverains se sont d'ailleurs interrogés, hier, sur son utilité du moment que ce sont les sinistrés qui s'occupent de la réparation de leurs maisons et magasins ou des opérations de nettoyage. “Vous savez, nous avons peur qu'il nous arrive comme les commerçants de Naciria, dont les locaux se trouvent aujourd'hui en état de ruine malgré les promesses de Oul Abbès”, affirme l'un d'entre eux. Par ailleurs, au niveau des hôpitaux, les blessés ne sont pas nombreux. À Bordj Ménaïel, sur les 49 blessés admis le jour même de l'explosion, il n'en reste que 14, dont 4 viennent de subir, avec succès, des opérations chirurgicales. Cependant, 7 cadavres non identifiés se trouvent toujours au nivreau de cet hôpital. À Thénia, sur les 34 blessés admis, il ne reste que 2 blessés en observation. Selon le ministre M. Ould Abbès, en visite hier au niveau des hôpitaux de Bordj Ménaïel et de Thénia, plus de 29 cadavres ont pu être identifiés. Il a également indiqué que la plupart des victimes sont venues de 22 wilayas. À noter qu'une quarante-quatrième victime a succombé hier à ses blessures à l'hôpital de Tizi Ouzou, portant ainsi le nombre de morts à 44 et plus d'une centaine de blessés. M. T.