Un fourgon pénètre dans la caserne, et le conducteur, un kamikaze, se fait exploser au moment de la levée des couleurs, causant un horrible carnage. Samedi 8 juillet. Il est 7h50. Les habitants du quartier du port de Dellys sont tirés de leur sommeil par une très forte déflagration. Les résidents de ce quartier se mettent à leurs fenêtres et tous leurs regards sont pointés vers la petite caserne des gardes-côtes. En effet, un épais nuage de fumée, visible à des kilomètres, s'élève au-dessus de la caserne. Ce n'est qu'alors que les riverains réalisent qu'un attentat à la voiture piégée vient d'être commis. “Je voyais ma grand-mère en sang, mais j'étais loin de penser que sa blessure était due au souffle de l'attentat. Ce n'est qu'après que je compris, que la caserne d'en face venait d'être ciblée par un acte criminel, d'ailleurs ma propre maison, comme vous le voyez, a subi elle aussi de très gros dégâts. Pourtant, le lieu de l'attentat est situé à plus de 300 mètres”, témoigne un homme encore sous le choc. À notre arrivée sur les lieux, à 13h, le quartier est entièrement bouclé par un imposant dispositif sécuritaire. Personne ne peut s'approcher du port. Même les riverains sont invités à limiter leurs déplacements, pour ne pas entraver le travail de la Police scientifique dont les éléments recueillent tous les objets pouvant servir d'indices aux enquêteurs. Si le lieu exact de l'attentat est inaccessible, la violence de la déflagration est telle qu'elle a fait voler en éclats les vitres des bâtisses, situées sur les hauteurs de la ville. Ce sont d'ailleurs des habitants de cette partie de la cité balnéaire qui ont été les témoins oculaires et qui ont suivi en direct le déroulement de l'attentat. “J'étais à ma fenêtre comme tous les matins à cette heure-ci. En me réveillant, j'ai un réflexe celui de regarder la mer. Je n'ai pas fait attention au début au fourgon de marque Renault Trafic, qui entrait dans la caserne des gardes-côtes. Les militaires étaient dans la cour, comme tous les matins pour la levée des couleurs. Soudain, la voiture explosa. Tous les chalets volèrent en éclat pour ne plus former qu'un amas de tôle froissée. Je ne peux vous dire combien de morts il y a eu, la seule chose que je peux dire, c'est que l'explosion était d'une violence rare”, raconte un habitant résidant près de Bordj F'nar. Quant aux riverains, ils sont à la recherche de la moindre information sur l'état de santé des militaires qui sont devenus leurs amis, voire des intimes. “Nous connaissons tous les militaires qui sont dans cette caserne. Notre quartier est petit, en retrait de la ville. Je n'arrive toujours pas à croire qu'un attentat ait pu avoir lieu dans mon quartier. Tous les militaires, et je peux vous le jurer, sont des enfants de famille et très bien élevés. Nous les connaissons tous par leur prénom. Il suffit de quelques jours pour que nous adoptions les nouveaux militaires affectés à cette caserne”, dit un jeune du quartier. Sur un petit monticule, en face de la mer, est érigé un immeuble dont toutes les vitres ont volé en éclats. Une femme d'âge moyen nous invite à visiter sa maison pour constater les dégâts subis par son appartement. “Comment vais-je faire pour réparer alors que je n'ai pas les moyens”, se plaint-elle. Un homme d'âge moyen cette fois arrive et tente de la calmer. Ce même individu dont le toit de la maison s'est effondré, trouve le courage pour déclarer : “Croyez-moi, j'ai supporté les dégâts provoqués par le séisme du 22 mai 2003, car cela était la volonté de Dieu. Cette fois-ci, ce sont les militaires morts qui me font de la peine. Je me mets à la place de leurs parents lorsqu'ils recevront la nouvelle. Quant à ma toiture, je n'y pense même pas, il s'agit de dégâts matériels, et même si je n'ai pas d'argent je dormirai à la belle étoile, mais je n'arrive pas à retenir mes larmes en pensant à ces militaires morts que je connais, car ils me saluaient respectueusement en passant devant chez moi”, affirme un homme, dont la gorge est nouée par un sanglot. Des jeunes se placent aux endroits d'où ils peuvent observer ce qui reste de la caserne. “Venez voir, le crime commis par ceux qui prétendent suivre les préceptes de l'Islam. Je ne reconnais par leur islamité, car s'ils avaient un brin de foi, ils n'auraient pas commis un tel carnage, à quelques jours du Ramadhan, mois de piété. Non ils ne sont pas musulmans. Quant aux militaires, je peux vous assurer que c'étaient des hommes estimés par tous les habitants de Dellys”, tient à déclarer un homme dont la maison a été aussi touchée. D'habitude paisible cité balnéaire, Dellys semble triste en cette journée. Plusieurs magasins situés sur l'artère principale sont atteints, certains ont vu leurs vitres soufflées. Les rideaux des boutiques qui étaient fermées au moment de l'attentat sont pour leur part fracassés. Les habitants de Dellys n'arrivent toujours pas à en croire leurs yeux. “Je n'admets toujours pas qu'un attentat ait pu viser la caserne de notre ville”, dit un homme d'un certain âge. SaId Ibrahim