Justifiant son refus opposé jusqu'à présent à toute demande d'excuses ou de reconnaissance des dommages infligés aux peuples qu'elle a colonisés, notamment algérien, la France n'a pas manqué de réagir à la décision de l'Italie de présenter des excuses à la Libye, en considérant que cette décision concernait une «histoire spécifique» entre les deux pays. Comme si le colonialisme pouvait avoir plusieurs visages. Au lendemain de la signature d'un accord entre la Libye et l'Italie, portant une compensation pour la période coloniale, Paris a réagi en considérant que la décision de l'Italie portait sur «une histoire spécifique» entre les deux pays. «Nous avons pris note de ces développements qui viennent renforcer le rapprochement de la Libye avec la communauté internationale et en particulier avec les pays européens», a déclaré à la presse le porte-parole du ministère français des Affaires étrangères, Eric Chevallier. «Ils concernent un aspect particulier de la relation bilatérale entre l'Italie et la Libye, dont l'histoire commune est, par définition, spécifique», a-t-il ajouté. Pour Paris donc, le mea culpa de l'Italie ne concerne qu'elle et il n'y a aucune comparaison à faire entre le passé colonial de ce pays en Libye et celui de la France dans les autres pays du Maghreb, notamment en Algérie ou il a duré près d'un siècle et demi. Une longue période où le peuple algérien a subi un joug sans précédent dans l'histoire contemporaine. Dépossédés de leurs biens et de leurs terres, privés d'instruction, affamés, déportés, les algériens, plus que tout, se verront menacés dans leur existence culturelle et identitaire dans une politique d'acculturation qui malgré toutes les résistances ne pouvait, au bout d'un siècle et demi, que porter ses fruits. On ne conçoit par conséquent, pas en quoi l'histoire de l'Italie et la Libye peut elle être plus «spécifique» que celle de la France avec l'Algérie. Ce que l'on conçoit encore moins c'est que l'on puisse dans un Etat qui a bâti toute son existence sur le droit et les libertés, comme la France, dénie à tout un peuple son droit à des excuses pour 130 ans de liberté confisquée, d'humiliation et d'asservissement. Pour rappel, l'Italie a présenté samedi ses excuses solennelles à la Libye et s'est engagée à verser à ce pays 5 milliards de dollars sur les 25 prochaines années en reconnaissance des «dommages infligés» pendant la période coloniale (1911-1942).