“Je ne sais pas où on va, mais on n'est pas mal.” Sans être triomphaliste, l'avocat de Mohamed Ziane Hasseni affichait une grande confiance après l'audition du chef du protocole du ministère des Affaires étrangères par le juge chargé du dossier Ali Mecili. M. Hasseni a été entendu pendant une heure et vingt minutes par Baudoin Thouvenot qui a délivré un mandat d'arrêt dans l'affaire de l'assassinat de l'opposant Ali Mecili en 1987 à Paris. Un mandat qui a conduit le 14 août à l'arrestation du diplomate par la police à Marseille, puis à son inculpation et à son placement sous contrôle judiciaire. Pourtant, son identité ne correspond pas à celle figurant sur le mandat d'arrêt. Entendu lundi après-midi sur le fond du dossier, il a décidé immédiatement de faire appel de ces décisions. Un de ses avocats, Me Jean-Louis Pelletier, a saisi la chambre d'instruction de la cour d'appel de Paris pour “annuler cette mise en examen et ce contrôle judiciaire qui n'ont aucune justification”. La chambre d'instruction (ou d'accusation) statue sur les décisions du juge d'instruction susceptibles d'appel. Elle examine obligatoirement l'instruction de toutes les affaires criminelles avant qu'elles ne soient renvoyées, le cas échéant, devant la cour d'assises. “On ne sait pas quand on va plaider mais ce sera à une date très proche”, nous a indiqué Me Pelletier, précisant que s'il obtenait l'annulation de l'inculpation, il n'y aurait plus lieu de plaider sur le contrôle judiciaire. Dans ce cas, le diplomate aura dans le dossier le statut de “témoin assisté”, à mi-chemin entre celui de simple témoin et celui d'inculpé. À la fin de l'audition, le diplomate est apparu confiant, selon ses proches. “Il en est sorti avec le sentiment que le juge commence à douter des accusations.” Un sentiment partagé par son défenseur. Selon Me Pelletier, “on reste complètement dans le flou dans cette histoire”. “C'est à l'accusation d'apporter les preuves de la participation de mon client à cette curieuse affaire, qui s'est déroulée il y a plus de vingt ans”, a-t-il ajouté. “Mais je pense que le juge commence à percevoir les failles de l'accusation”, a expliqué Me Pelletier qui espère que le parquet restera sur sa position initiale. Le ministère public s'était, en effet, prononcé contre la délivrance par le juge du mandat d'arrêt, estimant qu'il ne s'imposait pas. “Je remarque une chose qui est presque unique, c'est que l'accusation n'est pas soutenue par le parquet. Ce qui est rarissime”, a observé l'avocat interrogé par Liberté. “Le seul élément contre mon client provient de témoignages fluctuants du colonel Mohammed Samraoui (en exil en Allemagne, ndlr) qui affirme que c'est M. Hasseni le coupable, sans apporter la moindre preuve”, a relevé Me Pelletier. Ali Mecili, 47 ans, exilé en France en 1965, avait été assassiné par balles le 7 avril 1987 dans le hall de son immeuble à Paris. Dans ce dossier, le mandat d'arrêt visait en réalité le nommé Rachid Hassani. Le diplomate plaide l'erreur des policiers français qui ont confondu entre Hasseni et Hassani. “Lorsqu'on part sur une quasi-homonymie qui ne veut pas dire grand-chose, je trouve que c'est boiteux”, a affirmé Me Pelletier pour dire que les soupçons sont infondés. Mieux, il indiqua avoir démontré les derniers arguments brandis par l'accusateur Mohamed Samraoui. Rencontré par le journal électronique français, Médiapart a affirmé sur un ton péremptoire avoir identifié M. Hasseni sur des photos qui lui ont été présentées comme le commanditaire du meurtre. “La personne qu'il affirme avoir reconnue n'est absolument pas Hasseni”, tranche Me Pelletier. C'est le témoignage de l'ancien officier converti en opposant qui a relancé l'affaire. Il affirme avoir été témoin d'une scène où le commanditaire de l'assassinat a remis une somme d'argent à l'exécutant du “contrat”, immédiatement identifié par la police française et renvoyé en Algérie. Au fil des jours, l'accusation apparaît de plus en plus fragile. M. Hasseni a déjà obtenu un allégement du contrôle judiciaire. En attendant la décision de la cour d'appel, il se présentera une fois par semaine à la police et non plus deux fois. Le célèbre avocat Jacques Vergès, interrogé récemment sur ce dossier par Liberté, l'a qualifié de “scandale”. “Il n'a pas le même nom. Il n'a pas le même prénom. Il n'a pas la même date de naissance. Il n'a pas le même métier. Et on l'arrête. C'est un haut fonctionnaire. On le fait voyager de nuit, menotté dans un train. Ensuite, on l'inculpe alors qu'on dit qu'il y a une confusion d'identité. Ensuite, on le met sous contrôle judiciaire. Je dis que c'est un scandale !” déclarait Me Vergès qui évoque un “délit de faciès” dans le dossier car s'il s'agissait d'un nom français, on n'aurait pas arrêté “Martin alors qu'on cherchait Marton”. A. OUALI