Américains et Russes se jaugent. Menaces en cascade. Dick Cheney, le pyromane de l'administration Bush, est allé jusqu'aux portes de Moscou pour mettre en garde un Kremlin qui jure ne pas céder d'un pouce face à une stratégie visant à contenir la Russie comme au temps de la guerre froide. Alors que Cheney était en Géorgie et en Ukraine, l'USS Mount Whitney, navire amiral de la VIe flotte américaine, a pris la mer pour rallier dans les prochains jours la Géorgie, où deux autres bâtiments de la marine américaine ont déjà acheminé de l'aide humanitaire alors que la Russie a critiqué l'arrivée récente en mer Noire de plusieurs navires de l'Otan. Le Premier ministre russe Vladimir Poutine, s'interroge sur la nécessité de convoyer de l'aide humanitaire à bord de bateaux militaires armés de systèmes de missiles ultramodernes. L'ex-président russe, qui n'a pas révisé la Constitution pour s'ouvrir un troisième mandat et qui a placé au Kremlin un proche à lui, a assuré que la Russie aurait une réponse à cette situation. Bruits de bottes : Washington durcit le ton contre Moscou. L'administration américaine veut maintenant la Géorgie dans l'Otan et demain l'Ukraine, après avoir arraché aux Polonais un accord pour l'installation d'une base antimissiles. Washington, qui n'a pas abandonné sa vision unipolaire d'un monde sous ses bottes, a mis en cause, jeudi, la crédibilité de la Russie après son invasion de la Géorgie, accusant le couple Medvedev-Poutine de vouloir modifier de façon “illégitime” la carte de la région. “Les actions de la Russie ont suscité de graves doutes quant aux intentions de la Russie ainsi que sur sa crédibilité en tant que partenaire international, non seulement en Géorgie, mais dans toute la région, ainsi qu'au sein de la communauté internationale”, devait affirmer le vice-président américain, Dick Cheney, à son arrivée à Tbilissi. Cheney a ouvertement demandé aux alliés des Etats-Unis, notamment l'UE, de se positionner en faveur de la Géorgie, dans la crise qui l'oppose à son voisin russe. Un air de guerre froide : “Désormais, la responsabilité du monde libre est de se mettre du côté de la Géorgie”, a martelé Cheney lors d'une conférence de presse conjointe avec le président géorgien, Mikhaïl Saakachvili. Cheney a apporté un appui ferme au pouvoir en place à Tbilissi, alors que Medvedev accuse Saakachvili d'avoir provoqué le conflit et ne le reconnaît plus comme interlocuteur valable, le traitant de “cadavre politique”. La menace américaine est montée d'un cran. Cheney n'a laissé aucun doute quant au soutien américain à l'adhésion de la Géorgie à l'Otan, démarche farouchement dénoncée par la Russie. “L'Amérique soutient fermement le programme d'adhésion de la Géorgie à l'Otan et son intégration à terme dans l'alliance atlantique”, a-t-il assuré. Alors qu'à son sommet de Bucarest, en avril dernier, l'Otan n'était pas parvenue à accorder son violon sur la question, la France et l'Allemagne ayant jugé inopportune l'adhésion de la Géorgie pour ne pas réveiller “l'ours” russe. Cheney ne s'est pas contenté de la Géorgie, il s'est rendu dans la profondeur géostratégique des Russes. Avant Tbilissi, il était en Azerbaïdjan, pour rassurer les alliés américains dans l'ex-URSS et surtout se prononcer en faveur d'une augmentation du nombre d'oléoducs et de gazoducs depuis le Caucase, pour diversifier les sources d'approvisionnement pour l'Occident en contournant la Russie. La Géorgie est justement la voie de transit-clef pour les hydrocarbures de la mer Caspienne vers l'Ouest. Après Tbilissi, Cheney s'est rendu en Ukraine, confrontée à une grave crise politique où les russophones ruent dans les brancards. Pour ne pas arranger les choses, le président ukrainien, Viktor Iouchtchenko et son Premier ministre Ioulia Timochenko, sont en conflit ouvert. La coalition gouvernementale pro-occidentale est en train de se décomposer. D. B.