Pour faire barrage aux velléités de récupération politique, les autorités ont instauré le préalable d'une autorisation pour l'ouverture des restaurants de la rahma pendant le Ramadhan. Une démarche qui ne fait toujours pas l'unanimité, notamment chez les privés qui dénoncent l'amalgame. Pas moins de trois milliards de dinars ont été consacrés au financement des actions de solidarité en direction des familles démunies pour le mois de Ramadhan. Ces opérations concernent 4 à 5% de la population algérienne. Elles comprennent à la fois la distribution d'environ 1,5 million de couffins du Ramadhan au niveau de 1 500 points de stockage, mais aussi l'ouverture de 500 “meïdet Ramadhan”. Un chiffre qui a été revu à la baisse en comparaison avec les deux dernières années. Le nombre de “restos du cœur” est passé de 800 à 500 à l'échelle nationale. Nul ne connaît les raisons de cette diminution. Cela ne veut sûrement pas dire que le nombre de pauvres a diminué d'autant que les produits de base ont subi une grande inflation. Aucune explication n'a été donnée par les services du ministère de la Solidarité. Nous apprendrons seulement que le département de Ould-Abbès collabore tout au long de l'année avec 12 000 associations caritatives, mais restreint le nombre de ces collaborations durant le mois sacré. De toute évidence, seules certaines d'entre elles ont eu le droit de participer à l'opération Ramadhan 2008. Pour sa part, le ministère de la Solidarité, préfère renforcer les restaurants du Croissant-Rouge et ceux des Scouts musulmans d'Algérie. Quant aux autres associations désireuses d'y participer, elles doivent nécessairement travailler de concert avec le Croissant-Rouge algérien, la DAS (Direction de wilaya de l'action sociale) ou les collectivités locales, notamment les APC qui délivrent les autorisations d'ouverture des “restos du cœur”. “Une association à caractère caritatif n'a pas besoin d'aide ou d'autorisation pour ouvrir un resto du cœur car c'est stipulé dans ses statuts. Comment voulez-vous que la société civile ainsi que les citoyens s'impliquent et activent dans leurs quartiers ?”, réclament nombre d'associations qui préfèrent rester anonymes. En effet, pour ouvrir un restaurant de la rahma durant le mois de Ramadhan, il faut déposer un dossier au niveau de l'APC pour avoir une autorisation. Les collectivités locales expliquent cela en évoquant avant tout des problèmes liés à l'hygiène. Mais ce qu'elles craignent le plus, c'est une éventuelle manipulation politique qui pourrait se cacher derrière la charité ; c'est du moins ce que nous a fait comprendre un élu de l'Algérois qui a requis l'anonymat. “Nous n'avons pas le droit de délivrer l'autorisation d'ouverture de restaurants de la rahma à des associations engagées. Nous ne voulons pas que le mois sacré soit utilisé à des fins politiques”, a-t-il déclaré. Partant de ce principe, plusieurs APC n'ont pas accordé à l'association El-Islah Wal Irchad l'autorisation d'ouvrir des restaurants de la rahma. Elles leur reprochent d'être le prolongement d'un parti politique, le Mouvement de la société pour la paix, (MSP). D'autres demandes d'ouverture de “meïdat Ramadhan” ont été refusées dans d'autres régions sous prétexte qu'il n'y aurait pas assez de nécessiteux. C'est le cas pour Naftal à Bouira et d'un particulier à Gué-de- Constantine. Mais est-ce la meilleure façon d'éviter cette “manipulation politique” puisque ces restrictions touchent aussi à des bienfaiteurs informels qui s'en plaignent ? C'est le cas de Hamid, commerçant grossiste installé à Belouizdad (ex-Belcourt). Alors qu'il avait l'habitude à chaque mois de Ramadhan de convertir son dépôt en “resto du cœur”, cette année il s'est vu refuser cette autorisation. Il a donc carrément aménagé un espace dans son domicile à cet effet. “Personne ne peut m'interdire de recevoir des personnes chez moi et de leur donner à manger !”, clame-t-il. Son ami Ahmed, un autre commerçant, n'a pas pu avoir le fameux césame. “Faut-il demander la permission de quelqu'un pour venir en aide aux pauvres ?” s'indigne-t-il. Cette année, Ahmed a décidé de venir en aide bénévolement aux Scouts musulmans algériens, mais que fera-t-il l'année prochaine ? Peut-être s'organiseront-ils autrement ! NABILA AFROUN