Pour la plupart des professionnels et des experts dans le monde de la presse, la dernière annonce par le président de la République de dépénalisation du délit de presse est intervenue tardivement tout en demeurant utile. Le manque de précision sur les délais et la manière d'appliquer cette nouvelle décision du chef de l'Etat dans son discours du 15 avril suscite quelques interrogations chez la corporation qui a exprimé en général son optimisme par rapport à la question. Rencontrés sur les lieux de travail ou rapportés par des agences de presse, les professionnels de la presse et des experts s'attendent, en effet, à beaucoup de choses à l'issue de l'abrogation de l'article 144 du code pénal stipulant des peines d'emprisonnement pour les délits de presse. «Il s'agit d'une revendication unanime pour l'ensemble de la corporation de la presse depuis plusieurs années. Cette décision vient en tout cas conforter la famille de la presse et lui permettre d'évoluer mais nous espérons que les détails sur son application ne tarderont pas aussi à venir», ont affirmé dans le même sens des journalistes et des éditeurs de la presse nationale rencontrés le lendemain du discours du président à la maison de la presse Tahar Djaout» à Alger. pour les universitaires spécialisés dans la science de l'information et des spécialistes en droit, les opinions versent également dans l'optimisme. Rapporté par l'APS, le Pr Brahim Brahimi, directeur général de l'Ecole nationale supérieure du journalisme et des sciences de l'information (ENSJI) a estimé que la nouvelle décision vient mettre fin à une situation que les professionnels de la presse n'ont pas cessé de dénoncer, à savoir la pénalisation du délit de presse qui constitue une restriction majeure à la liberté d'expression. «L'Algérie, qui était à l'avant-garde du monde arabe dans le pluralisme médiatique, se trouve actuellement à la traîne, à cause de ces lois restrictives», a affirmé le professeur. Et de considérer que la loi d'avril 1990 relative à l'information, a été à l'origine du pluralisme médiatique en Algérie et d'un nombre d'acquis en matière de liberté de la presse. Il a déploré le fait que des dispositions de cette loi furent gelées après l'instauration de l'état d'urgence. Pour M. Brahimi, les autorités du pays «ont mis du temps mais ont fini par répondre aux doléances des professionnels de la presse et celles des experts, lesquels ont souvent attiré l'attention sur les dangers de l'article 144 bis», a-t-il dit. Et de relever, par ailleurs, que la loi de 1990, quand elle a été promulguée, a eu elle aussi ses contradicteurs qui avaient souligné, «à juste titre». L'intervenant a estimé que cette loi est restrictive, eu égard à ses articles 86 et 87 qui prévoient des peines de prison allant de 5 ans à 10 ans. Pour sa part, l'universitaire Ahcène Djaballah, enseignant à l'ENSJI, souligne que même si l'intention du président de la République de dépénaliser le délit de presse «arrive en retard», il n'en demeure pas moins qu'elle sera «utile» pour l'avenir de cette profession en Algérie. Il a toutefois exprimé sa déception pour l'absence de détails sur cette question, estimant, à ce propos, que le chef de l'Etat «aurait pu se montrer et annoncer clairement les nouveautés qui seront introduites dans le paysage médiatique et ce qui va changer dans la loi sur l'information». Le Pr Abdeslam Benzaoui, directeur adjoint à l'ENSJI, conçoit, quant à lui, que ces annonces «n'ont pas surpris ni déçu» les professionnels de la presse nationale, qui s'attendaient à ce genre d'ouverture. «La décision de dépénaliser le délit de presse est importante, dans la mesure où elle va remettre le train du pluralisme médiatique en marche», a-t-il affirmé dans une déclaration à l'APS. Le bâtonnier Miloud Brahimi considère, lui aussi, que cette décision «est à accueillir positivement» et « qu'on ne peut qu'applaudir la décision de dépénalisation du délit de presse, puisqu'elle va approfondir la liberté de la presse», a-t-il déclaré tout en appréhendant les délais de son application. Par ailleurs, le secrétaire général par intérim du Syndicat national des journalistes (SNJ), Kamel Amarni, a exprimé, quant à lui, ses inquiétudes face aux annonces faites par le chef de l'Etat sur la presse nationale. Pour lui, «le président de la République a abordé la question de la dépénalisation du délit de presse dans le code pénal, sans citer le code de l'information qui prévoient de lourdes peines de prison pour les journalistes». Le journaliste, qui qualifie de «très bonne» la loi sur l'information d'avril 1990, plaide toutefois pour l'amendement de deux de ses articles (86 et 87) qui prévoient des peines de prison pour les délits de presse. Il préconise également l'adoption de dispositions pour réglementer la presse électronique qui n'existait pas au moment de la promulgation de la loi de 1990, en plus d'un article sur la composante du conseil supérieur de l'information. Synthèse de Radia Z.