L'annonce par le président de la République de la possibilité de dépénaliser le délit de presse, même si elle est jugée «tardive», est accueillie avec «optimisme» par des universitaires spécialisés dans les sciences de l'information et des spécialistes du droit. L'abrogation éventuelle de l'article 144-bis du Code pénal prévoyant des peines d'emprisonnement pour le délit de presse, «vient en réponse à une revendication de l'ensemble de la famille de la presse», a observé le Pr Brahim Brahimi, directeur général de l'Ecole nationale supérieure du journalisme et des sciences de l'information (ENSJI). Pour lui, la nouvelle «vient confirmer une réalité» que les hommes de la presse n'ont eu de cesse de dénoncer, à savoir la pénalisation du délit de presse qui constitue, à son avis, une restriction majeure à la liberté d'expression. C'est dans ce sens que le Pr Brahimi assène : «L'Algérie qui était à l'avant-garde du monde arabe dans le pluralisme médiatique, se trouve actuellement à la traîne, précisément à cause de ces lois restrictives». Considérant que la loi d'avril 1990 relative à l'information a été à l'origine du pluralisme médiatique en Algérie et d'un nombre d'acquis en matière de liberté de la presse, il a déploré le fait que des dispositions de cette loi furent gelées après l'instauration de l'état d'urgence. Pour M. Brahimi, les autorités du pays «ont mis du temps mais ont fini par répondre aux doléances des professionnels de la presse et celles des experts lesquels ont souvent attiré l'attention sur les dangers de l'article 144-bis». Il relève par ailleurs que la loi de 1990, quand elle a été promulguée, a eu elle aussi ses contradicteurs qui avaient souligné, «à juste titre», a-t-il estimé, que cette loi est restrictive, au égard à ses articles 86 et 87 qui prévoient des peines de prison allant de 5 ans à 10 ans. Allant dans le même sens, l'universitaire Ahcène Djaballah, également enseignant à l'ENSJI, souligne que même si l'intention du président de la République de dépénaliser le délit de presse «arrive en retard», il n'en demeure pas moins qu'elle sera «utile» pour l'avenir de la profession en Algérie. Il a toutefois exprimé sa déception pour l'absence de détails sur cette question, estimant, à ce propos, que le chef de l'Etat «aurait pu se montrer et annoncer clairement les nouveautés qui seront introduites dans le paysage médiatique et ce qui va changer dans la loi sur l'information». Le Pr Abdeslam Benzaoui, directeur adjoint à l'ENSJI, pense, pour sa part, que ces annonces «n'ont pas surpris ni déçu» les professionnels de la presse nationale qui s'attendaient à ce genre d'ouverture. «La décision de dépénaliser le délit de presse est importante, dans la mesure où elle va remettre le train du pluralisme médiatique en marche», a-t-il encore estimé. Pour le Pr Benzaoui, il ne s'agit pas cependant d'amender les lois dans la précipitation car ce genre d'aménagements doivent être opérés dans la «sérénité». Le bâtonnier Miloud Brahimi considère lui aussi que cette décision «est à accueillir positivement», car, a-t-il dit, elle relève d'une revendication de la presse nationale. «On ne peut qu'applaudir la décision de dépénalisation du délit de presse, puisqu'elle va approfondir la liberté de la presse», a-t-il déclaré à ce sujet. Il a toutefois émis des «appréhensions» quant aux délais de son application, appelant à ce qu«'elle ne connaisse pas le même sort que celui qui a été réservé à la décision de dépénaliser l'acte de gestion, dont l'application traîne encore». a-t-il relevé. L'ancien président du Conseil, gelé depuis plus de 6 ans, a estimé, de son côté, que la création de ce conseil, il y a dix ans, relevait d'une «coquetterie de journalistes». «Nous avons créé un conseil sans penser aux moyens, sans discuter avec nos vis-à-vis des pouvoirs publics, et fatalement nous avions été droit dans le mur», a-t-il souligné à ce propos. C'est ainsi qu'il a expliqué que durant les 4 ans d'existence de ce Conseil, une cinquantaine de dossiers avaient été traités, mais sans que ses recommandations aient été suivies d'effet. Tout en insistant sur la nécessité de mettre sur pied un conseil d'éthique et de déontologie, l'ancien directeur de la publication du quotidien Le Soir d'Algérie a appelé à une réflexion sur le nouveau conseil pour en déterminer les moyens et en fixer «clairement» ses missions et ses attributions.