“L'annonce est en soi positive. Elle vient consacrer sur le plan formel une dépénalisation de fait appliquée depuis plusieurs années par les tribunaux et les cours”. Une semaine après le discours du chef de l'Etat à la nation, les lectures et autres conjectures sur la portée, la sincérité, voire la profondeur des réformes annoncées continuent à meubler les chroniques du microcosme politico-médiatique algérois. Entre les applaudissements des uns et les appréhensions des autres, le consensus est loin d'être établi. Mais si l'on ne peut, a priori, douter de l'intention des hautes autorités d'aller vers des changements ou des aménagements, c'est selon, il reste que certaines réformes envisagées, comme la dépénalisation du délit de presse, suscitent de légitimes appréhensions, du moins au sein de la corporation. Interrogés sur la question, les avocats sont formels : “L'annonce est positive.” Mais, tempèrent-ils, beaucoup de travail reste à faire. “On applaudit naturellement”, déclare d'emblée Me Miloud Brahimi. “C'est une revendication de la presse, ça ne fait que la renforcer dans son rôle”, soutient-il. “Toutefois, ajoute-t-il encore, j'espère que ça ne sera pas comme la dépénalisation de l'acte de gestion.” Autrement dit, l'avocat, qui a toujours milité pour une dépénalisation partielle du délit de presse, souhaite que ces annonces soient suivies d'effet. “On l'attend toujours, on attend de voir.” Concernant les inquiétudes exprimées par la presse, via le syndicat national des journalistes (SNJ), Me Brahimi les trouve “fausses”. “Ce sont de fausses inquiétudes”, dit-il, sans plus de détails. Habitué des prétoires, pour avoir plaidé plusieurs affaires liées au délit de presse, Me Khaled Bourayou, lui aussi, accueille favorablement l'annonce. “L'annonce est en soi positive. Elle vient consacrer sur le plan formel une dépénalisation de fait appliquée depuis plusieurs années par les tribunaux et les cours”, (voir entretien). Mais pour prometteuse qu'elle soit, la dépénalisation ne doit se faire sans conférer au délit de presse une procédure singulière qui tranche avec la manière dont il est appréhendé jusque-là par les pouvoirs publics, soutient Me Bourayou. Aussi, juge-t-il, à l'inverse de Me Brahimi, les inquiétudes de la corporation fondées dès lors que les médias lourds vont demeurer, à la lumière du dernier discours, sous la contrôle du pouvoir. L'avocat, qui a défendu de nombreux journalistes, n'hésite pas à plaider le libre accès à l'information, la sanction de la rétention de l'information et la formation, seul gage d'un exercice de qualité du métier. “Il importe de sanctionner judiciairement la rétention et/ou le refus de fournir l'information par l'administration publique ou de tout autre organisme et institution quelles que soient leur nature juridique et leur position dans la hiérarchie fonctionnelle de l'Etat”, soutient Me Bourayou. Mais de façon plus globale et eu égard aux interférences de la politique, l'avocat juge impératif une justice indépendante, sans quoi la liberté d'expression n'est rien. Autant dire qu'il y a loin de la coupe aux lèvres…