Depuis quelques semaines, les Algériens âges, sexes et couches sociales confondus, suivent avec inquiétude ce qui se passe à notre frontières est en direction de la Tunisie et de la Libye. La situation d'insécurité qui s'est installée dans ces deux pays rappelle celle vécue chez nous durant plus d'une décennie. C'est pourquoi les révélations faites il y a quarante-huit heures à la télévision tunisienne, anciennement la 7, sont importantes et gravissimes. L'auteur Tewfik est un ancien officier supérieur des renseignements tunisiens. «L'ex-président de la République Zine El-Abidine Benali travaillait en étroite collaboration avec les services du Mossad israélien. Ces derniers lui ont permis de mettre en place un système d'écoutes téléphoniques sur toutes les lignes de personnalités politiques, diplomates, responsables, journalistes et autres organisations civiles en Tunisie et d'installer aussi des agents chargés d'espionner au jour le jour les activités de l'ensemble des institutions de l'Etat et d'établir un rapport circonstancié sur tout comportement suspect. Ses tentacules dépassaient nos frontières», a affirmé cet ancien officier devant la caméra. Analysés, certains de ses propos pourraient expliquer les différentes affaires de trafic d'armes et de drogue et contrebandes diverses. Comme ils expliqueraient les nombreuses opérations illicites de transfert de fonds de l'Algérie vers les banques tunisiennes et de là vers celles européennes, la disparition de plusieurs dizaines de jeunes harraga interpellés par les services de sécurité tunisiens en haute mer ou ayant accidentellement échoué sur les plages tunisiennes. C'est dire tout le pourrissement qui caractérisait la gestion de ce pays et les répercussions aux plans politique, social et économique sur l'Algérie. Entre autres, le rejet par Zine El-Abidine de la résolution onusienne sur l'autodétermination du peuple sahraoui et le soutien qu'il a clairement exprimé au Maroc dans sa démarche de colonisation du Sahara occidental. Le trafic d'armes, de drogues et de devises, avec la mise en place de réseaux animés par les services spéciaux tunisiens à la frontière avec l'Algérie et la contrebande du carburant algérien se poursuivent toujours tout le long de la bande frontalière. L'équivalent, en jerricans ou réservoirs, de plusieurs dizaines de camions citernes prennent quotidiennement la destination du territoire tunisien. D'importantes quantités d'essence et gazoil y sont bradées contre des dinars tunisiens. La loi de la mafia algérienne du carburant s'applique aux automobilistes locaux contraints et forcés d'effectuer des dizaines de kilomètres à l'intérieur du pays pour s'approvisionner. Alors que l'on s'attendait à une baisse de la monnaie tunisienne comparativement à celle nationale au vu des derniers bouleversements dans la région, l'inverse se produit. D'où les questionnements sur ce qui pourrait justifier le fort taux de change (70 DA pour 1 DT). Situation paradoxale au regard du peu d'intéressement aux produits de ce pays qu'accordent les Algériens en déplacement touristique en Tunisie. Nos ressortissants n'ont d'yeux que pour la détente et les loisirs qu'ils ne trouvent pas au pays. C'est tout le contraire de nos voisins de l'est qui, majoritairement, hantent les marchés hebdomadaires traditionnels comme ceux d'El-Kala (Tarf), de Souk Ahras et de Tébessa. Après avoir fait le change sur le marché parallèle à leur avantage, ils font pratiquement main basse sur tous les produits de l'électroménager, la vaisselle, les ustensiles de cuisine, l'habillement, les pièces de rechange automobiles… «Ces dernières années, les Algériens en partance pour la Tunisie sont attirés par la possibilité d'y séjourner sans appréhender une quelconque atteinte à leur intégrité physique ou à leurs biens. Ce qui n'est plus le cas depuis février 2011. On est loin de la période où tout chauffeur de taxi faisait rapidement le plein de son véhicule dans les deux sens. Même le dinar tunisien n'est plus demandé comme il l'était avant. Quant à la sécurité des biens et des personnes on ne peut garantir de rien. C'est pourquoi je ne trouve pas d'explication à cette hausse de la monnaie tunisienne», avoue Abdelkrim B., un chauffeur de taxi sur la ligne Annaba-Tunis. Situation inexplicable aussi pour d'autres Algériens qui argumentent l'énorme coup de buttoir généré par la révolution de la jeunesse tunisienne. Elle a réduit à néant un ordre tunisien établi et hérité de l'après-Bourguiba. Dans le big bang ayant suivi l'acte d'immolation du défunt Bouazizi et la fuite du dictateur Zine El-Abidine Benali, une nouvelle Tunisie naît, bouge et se cherche vaguement. Dans les brumes de Tunis la capitale comme dans d'autres gouvernorats, particulièrement ceux frontaliers avec l'Algérie, la liberté s'est éveillée. L'imprévisible aussi. Comme les opérations de transfert de fonds illicites qui se sont multipliés donnant plus de valeur au dinar tunisien. Chaque jour, que ce soit à Tébessa, Souk Ahras, El Tarf, El Oued, Aïn Amenas…, des milliards changent de mains. A Tébessa surtout où les animateurs de ce marché ne se cachent plus pour proposer la monnaie nationale tunisienne. Il y a quarante-huit heures, les gendarmes en opération de contrôle dans la wilaya de Tébessa ont intercepté un automobiliste en possession de 5 fusils de chasse et de munitions provenant de Tunisie. Nos sources affirment que le trafic d'armes a repris après une période d'accalmie générée par la pression quotidienne exercée par les gendarmes. Les postes frontaliers algériens, qui ressemblent à des passoires, facilitent les mouvements des trafiquants et des contrebandiers. On entre en Algérie comme dans un moulin et on en sort tout aussi facilement avec l'équivalent de plusieurs dizaines de millions en produits divers importés par l'Algérie pour les besoins de la consommation nationale. Il faut dire que la Tunisie, état policier d'hier, n'est pas celle d'aujourd'hui où l'on voit partout roder l'incontrôlable. La révolution qui devait amener ce pays à rejoindre les démocraties grâce au canal navigable ouvert par Mohamed Bouazizi a aujourd'hui de l'eau jusqu'à la taille. Le nouveau gouvernement tente d'écoper en vain un fleuve qui rompt ses écluses mises en place par Zine El-Abidine et son épouse. Chaque jour, des milliers de jeunes Tunisiens tentent l'aventure de la harga à destination de l'Europe. Et puis survient le plus explosif : la révolution libyenne aux portes de cette même Tunisie et de l'Algérie. Mouammar El-Gueddafi, le guide de la révolution comme il aime se qualifier, a rogné ce qui lui restait de marge pour calmer la colère du peuple libyen. Depuis plus de cinquante jours la majorité de ce peuple qui vit à nos frontières ne veut plus entendre parler de Gueddafi et de sa famille à la tête du pouvoir. La révolution a éclaté à Benghazi, elle s'est étalée et s'étale davantage vers l'est de la Libye malgré les assassinats collectifs perpétrés quotidiennement par le guide et son armée de mercenaires. Ce même Gueddafi s'était fait un plaisir d'armer les terroristes algériens. Au début des années 1990, il avait ordonné à ses services spéciaux d'inonder l'Algérie de 5.000 armes de poing. Le voilà aujourd'hui, sous la pression des révolutionnaires, à quémander la neutralité de l'Algérie et à appeler aussi à une solution politique pour tenter de calmer ses populations. Aux abois, il ne fait plus confiance à ses fils, ses ministres et son armée forte de plusieurs milliers d'hommes dont 50.000 mercenaires. Quelles couleuvres tentera-t-il de faire avaler demain à la communauté internationale quand il aura à répondre de ses crimes ? Jusqu'à quand pourra-t-il résister en poursuivant les assassinats de femmes et d'enfants avant d'être renvoyé au destin des Benali, Moubarak, Abdellah Saleh, Bachar Al-Assad… ? A. Djabali