Le Pakistan se trouve dans une situation diplomatique inconfortable au lendemain de la mort d'Oussama Ben Laden, tué lors d'une opération militaire menée par les Etats-Unis qui ont maintenu leur allié pakistanais à l'écart. Le dirigeant d'Al Qaïda, homme le plus recherché de la planète depuis une décennie, a été abattu dans une luxueuse résidence qu'il occupait à Abbottabad, ville de garnison à une soixantaine de kilomètres au nord d'Islamabad, la capitale. La situation géographique de ce repaire dans lequel Ben Laden se cachait peut-être depuis plusieurs années pose l'embarrassante question de l'inefficacité de l'armée et du renseignement pakistanais ou de leur éventuel manque de volonté à appréhender le dirigeant islamiste. Le président Asif Ali Zardari a rompu lundi un silence gêné en rédigeant une tribune pour le Washington Post dans laquelle il reconnaît que ses services ont été volontairement oubliés dans la préparation de l'opération. Zardari s'étend peu en revanche sur la question qui agite le Congrès américain, à savoir comment le chef d'Al Qaïda a pu vivre tranquillement à proximité de la capitale. Le président pakistanais défend du bout des lèvres ses services de renseignement et son armée, se contentant de dire que Ben Laden ne se trouvait pas où ils le pensaient. «Bien que l'opération de dimanche n'ait pas été une action conjointe, une décennie de coopération et de partenariat entre les Etats-Unis et le Pakistan a conduit à l'élimination d'Oussama Ben Laden comme menace persistante contre le monde civilisé», écrit Zardari. John Brennan, responsable des questions de lutte contre le terrorisme à la Maison Blanche, a expliqué que le Pakistan n'avait été informé qu'une fois tous les appareils impliqués dans l'opération hors de son espace aérien. Si la disparition d'Oussama Ben Laden peut être considérée comme une victoire pour Barack Obama, à un peu plus d'un an de l'élection présidentielle, son administration va devoir composer avec le mécontentement des parlementaires du Congrès. Certains estiment qu'il est temps de revoir l'aide financière et militaire fournie au Pakistan, qui s'élève à 20 milliards de dollars depuis les attentats du 11 septembre 2001. Cette assistance a pour but d'aider l'armée pakistanaise à lutter contre les activistes réfugiés au Pakistan, dont ils se servent comme base arrière à leurs actions en Afghanistan. Cet effort en faveur d'une sécurité qui est apparue défaillante est d'autant plus difficile à admettre pour les élus américains que l'heure est aux réductions des déficits budgétaires. «Notre gouvernement est dans une situation financière difficile. Apporter des contributions à un pays qui ne nous soutient pas totalement pose un problème à beaucoup», a estimé Dianne Feinstein, présidente de la commission du renseignement du Sénat. La Maison Blanche a admis que le mécontentement des parlementaires était fondé alors qu'existaient déjà des doutes sur la volonté de coopération d'Islamabad dans la lutte contre Al Qaïda. «Il est certain que l'endroit où il (Ben Laden) se trouvait près de la capitale pose des questions. Nous discutons de ce sujet avec les Pakistanais», a dit John Brennan. Pour le conseiller présidentiel, il est «inconcevable que Ben Laden n'ait pas disposé d'un système de soutien dans le pays où il a pu vivre pendant une période de temps prolongée». Ce sentiment de doute est repris par le journal The News qui résume la tonalité générale de la presse pakistanaise mardi. «L'incapacité du Pakistan à repérer l'homme le plus recherché du monde est choquante», écrit-il. Le Pakistan possède une longue histoire de relations ambiguës avec les militants islamistes qu'il a abrités pour des raisons stratégiques dans le contentieux persistant qui l'oppose à son voisin indien. Cette crainte envers l'Inde explique le soutien qui fut apporté aux taliban afghans ainsi qu'aux séparatistes du Cachemire. G. T.