On pourrait se poser de nombreuses questions sur la venue de l'émir du Qatar à Alger, malgré le silence diplomatique autour de l'ordre du jour principal de cette visite, notamment les questions libyenne et syrienne, et d'autres dossiers ouverts qui sont également d'actualité sur les scènes maghrébine et arabe. En dépit de la vision commune qu'ont Alger et Doha sur de nombreuses questions, dont celle de la Palestine, surtout depuis l'agression israélienne contre Ghaza, et en dépit de la réunion des deux pays au sein de l'axe Alger-Damas-Doha qui était alors opposé, sous l'ère Moubarak, à l'axe Le Caire-Ryadh, des divergences ont commencé à poindre. Cela depuis que Doha a non seulement cautionné l'ingérence occidentale en Libye, mais également servi de base de lancement pour les attaques contre Kadhafi, fournissant soutien financier et logistique au Conseil national de transition, l'organisation libyenne née de l'insurrection contre le régime libyen, très vite reconnu par la France et par le Qatar, seul pays arabe à l'avoir fait au jour d'aujourd'hui. Une organisation qui a accusé l'Algérie de soutenir militairement le régime de Kadhafi, mais qui a fini, la semaine passée, par revoir ses propos et ses cartes, certainement en vue de relations à venir avec le voisin algérien dans le cas où il accéderait effectivement au pouvoir en Libye. Alger chicanerait le Qatar sur sa propension à nourrir les élans de guerre civile en Libye, suivant en cela les desseins occidentaux, alors que la solution politique que prônent l'Union Africaine, l'Algérie en tête, la Russie, la Chine et l'Allemagne, n'est pas considérée avec beaucoup d'intérêt, sachant ce qu'il en coûte en vies humaines au peuple libyen. Cela d'autant que l'Algérie avait à maintes reprises mis en garde contre le risque d'un dérapage sécuritaire dans toute la sous-région face à la menace terroriste que représente AQMI et les effets que cela pourrait induire si des armes et des équipements militaires passaient entre les mains de cette organisation à la faveur de la déliquescence sécuritaire en Libye. Cheikh Hamad Ben Khalifa Al-Thani pourrait également échanger avec son homologue algérien des points de vue sur la question syrienne qui se décline sous le double enjeu de sécurité et de stabilité internes, et de gestion de la question de la décolonisation du Golan. Que devient, à ce titre, l'axe Alger-Damas-Doha ? La question devrait avoir des éléments de réponse dans les heures qui suivront. Enfin, un des points, et qui n'est pas des moindres, qui devrait être soulevé dans le cadre de cette visite, c'est celui de la proposition faite au Maroc de devenir membre du Conseil de coopération des pays du Golfe, à un moment où des crises politiques secouent des républiques du monde arabe, dont le Yémen qui ne s'est jamais vu proposer la moindre solution de sortie de crise. Une proposition qui intervient dans un contexte particulier, celui d'une reprise de contact sérieuse entre Alger et Rabat en vue, peut-être, de solutions sérieuses et durables entre les deux pays. Cela, surtout, avec les crises libyenne et tunisienne, dont les peuples des deux pays se retrouvent pratiquement enclavés dans leurs frontières horizontales, alors que la rive nord est devenue impraticable. Voudrait-on désenclaver le Maroc en délocalisant sa polarité économique en direction des monarchies pétrolières du Golfe, pour davantage enclaver l'Algérie ? Ahmed Rehani