Plusieurs questions se posent concernant le système financier algérien, poumon du développement du pays, devant l'autonomiser et non être un acteur passif de la redsitribution de la rente des hydrocarbures. Enjeu de pouvoir, cela explique que les réformes structurelles annoncées depuis plus de trente années sont souvent différées, les banques publiques représentant plus de 90 % du crédit octroyé. I) C'est une banalité et une évidence d'affirmer aujourd'hui que le système financier algérien a besoin d'être réformé, car n'existant pas de banques accompagnant les véritables investisseurs et pas une véritable Bourse des valeurs, une hérésie économique des entreprises étatiques dominantes souvent déficitaires achetant des entreprises étatiques déficitaires, ni Sonatrach, ni Sonelgaz, ni une grande entreprise privée comme Cevital n'étant cotée en Bourse. Nous irons plus loin en reformulant la notion de réforme pour envisager la notion de refondation du système financier. Nous ne nous intéresserons pas particulièrement à l'économie des hydrocarbures, mais à l'économie en général et aux entreprises en particulier qui sont les vraies créatrices de richesses. L'économie algérienne est une économie totalement rentière avec 98 % d'exportation d'hydrocarbures et plus de 70 % d'importation des besoins des ménages et des entreprises. Tout est irrigué par la rente des hydrocarbures donnant ainsi des taux de croissance, de chômage et d'inflation fictifs. Quelles sont les raisons de notre démarche ? La richesse nationale créée puise sa source dans la relation du triptyque stock physique (stock ressources naturelles d'hydrocarbures)-stock monétaire (transformation : richesse monétaire)-répartition (modalités et mécanismes de répartition : investissement, consommation, fonds de régulation). La société des hydrocarbures ne créait pas de richesses ou du moins très peu. Elle transforme un stock physique en stock monétaire (champ de l'entreprise) ou contribue à avoir des réserves de change qui, du fait de la faiblesse de capacité d'absorption, sont placées à l'étranger. Alors, pourquoi continuer à épuiser les réserves sachant qu'à ce rythme on ne dépassera pas quinze ans pour le pétrole et vingt-cinq ans pour le gaz en tenant compte de la forte consommation intérieure et de la rentabilité économique des gisements. La richesse ne peut apparaître que dans le cadre de la transformation du stock de monnaie en stock de capital et là est toute la problématique du développement. Cette transformation n'est plus dans le champ de l'entreprise mais se déplace dans le champ institutionnel (problème de la répartition). Dans cette relation, le système financier est-il- passif ou à l'inverse actif ? Un système, par définition, n'est jamais neutre, il porte toujours en lui un ou plusieurs enjeux. II) Le système financier algérien porte en lui la substance de l'enjeu du fait qu'il cadre parfaitement la politique économique développée jusqu'à présent et son corollaire, les sources et les modalités de son financement, du fait que l'on a affaire à une économie de nature publique au sens où la totalité des activités quelle que soit leur nature se nourrissent de flux budgétaires, c'est-à-dire que l'essence même du financement lié à la capacité réelle ou supposée du Trésor. L'analyse des lois de finances de l'année et des lois de finances complémentaires et les modalités de répartition du budget de l'Etat sur la période 2000-2011 avec un colossal déficit budgétaire pour 2011 (33 % du PIB) avec les risques de tensions inflationnistes à l'avenir que l'on comprime artificiellement par des subventions transitoires le prouvent si besoin est. On peut considérer que les conduits d'irrigation, les banques commerciales et d'investissement, opèrent non plus à partir d'une épargne puisée du marché, éventuellement un reliquat du travail, mais par les avances récurrentes (tirage : réescompte) auprès de la Banque d'Algérie pour les entreprise publiques qui sont ensuite refinancées par le Trésor public en la forme d'assainissement : rachat des engagements financiers des EPE auprès de la Banque d'Algérie, plusieurs dizaines de milliards de dollars entre 1991/2011 alors que plus de 70 % de ces entreprises sont revenues à la case de départ. En ce qui concerne la majorité des entreprises privées dont plus de 80 % ont une organisation familiale peu ouverte au management stratégique, il en existe, certes, mais ce sont des exceptions. Sans vouloir les stigmatiser, une analyse rapide de leur structure du capital et de leur structure de financement montrent à l'évidence qu'elles sont dans des positions d'endettement vis-à-vis du système financier que ce soit pour leur investissement ou pour leur exploitation courante. Elles sont entièrement dépendantes de «monnaie hydrocarbure». Les entreprises algériennes, d'une manière générale, ne peuvent être compétitives et encore moins innovantes du simple fait qu'elles ne disposent d'aucun savoir. C'est tout juste si, grâce un faisceau de relations pour les «futées» d'entre elles, elles arrivent dans le cadre de partenariat à s'insérer dans un marché captif. Une simple observation du champ le prouve aisément. La nature de la richesse, les modalités de sa formation et les mécanismes de sa répartition forment la trame du système économique algérien et ne se réfèrent pas aux lois d'une «économie de marché». Obéit-il à une doctrine ou à une théorie économique ? Rien n'est moins sûr ni évident. C'est un système économique construit sur un ensemble de réseaux portés par des intérêts financiers individuels à court terme, développant ensuite à long terme des stratégies d'enracinement. La théorie de l'enracinement nous enseigne que les élites créent des situations et des processus de manière à ce qu'elles se considèrent, à juste titre, indispensables. Cet enracinement n'est possible en réalité que par le fait de l'absence de définition de stratégie économique. Les erreurs de management quotidien sont couvertes grâce au transfert financier qui transite par le système financier et qui irrigue le système économique. C'est la répartition de la rente par les canaux ou les conduits du système financier. Les erreurs stratégiques sont possibles par le «siphonage des hydrocarbures» dont la conséquence, le modèle de développement par les hydrocarbures devient un obstacle majeur. Si l'on observe la ligne du temps, c'est-à-dire les dates qui consacrent les moments de stagnation puis de régression et, parfois, des avancées, elle présente clairement certaines caractéristiques propres à justifier la conséquence énoncée plus haut. Si l'on construit un graphique avec en ordonnées une échelle de date (1980-2011) et en abscisses le prix du baril de pétrole (0-150 dollars), à prix constants, on trace une courbe et on remarque parfaitement les moments de stagnation et de régression d'une part et les moments d'avancées d'autre part. Il y a une corrélation étroite : plus le prix du pétrole est bas plus il y a émergence de potentiel de développement en ressources matérielles et ressources humaines ; en revanche, plus le prix du pétrole s'accroît plus le potentiel de développement décélère, stagne et tend au final à régresser si le renchérissement du prix du baril de pétrole perdure. En conclusion, la rente des hydrocarbures non autonomisée (syndrome hollandais dont la corruption socialisée) freine les réformes, le développement basé sur la bonne gouvernance, l'entreprise et son soubassement, la valorisation du savoir, condition de la dynamisation des segments hors hydrocarbures. Cette rente, au lieu d'être une bénédiction peut devenir une malédiction pouvant entraîner une grave dérive politique, économique et sociale.