Quatre machinistes blessés, dont un éjecté de l'arrière du train, auraient été évacué vers l'hôpital dans un état grave, 14 wagons neufs de transport de minerai pleins à ras bord voués à la ferraille, leur cargaison de phosphate destinée à l'exportation irrémédiablement perdue, la voie ferrée de Djebel Onk fermée à la circulation ferroviaire pour une longue durée, des bateaux contraints de prolonger de plusieurs jours leur séjour en rade au large des côtes de Annaba ou à payer des surestaries, telles ont été les premières conséquences du déraillement dans la matinée d'hier du train de minerais assurant le transport du phosphate de Djebel Onk (Tébessa) vers le port de Annaba. Ces répercussions ne s'arrêtent pas à ce niveau quand on sait que la même ligne ferroviaire assure également le transport du phosphate vers les complexes d'engrais phosphatés de Annaba et d'Arzew (Oran). Certes, à ces deux niveaux, l'exploitation des réserves de ce type de matière première amortira durant quelques jours le manque d'approvisionnement des installations de production de différents produits issus de la transformation pétrochimiques. Ce déraillement de train de minerai a eu lieu à 7h30 hier matin, à hauteur du point kilométrique 114 entre la localité de Boulhaf Dir à 14 km du chef-lieu de la wilaya Tébessa. Au titre de première conséquence, il y a la mise hors service de la ligne ferroviaire Djebel Onk-Tébessa pour plusieurs jours, selon des cheminots du centre de jonctions des voies ferrées de Jdir. Cette nouvelle perturbation dans l'approvisionnement des deux complexes d'engrais phosphatés est intervenue au moment même où la demande des agriculteurs sur les produits phytosanitaires a atteint son point culminant. Ce déraillement aurait entraîné un impact négatif plus important s'il s'était déroulé quelques kilomètres plus bas. C'est-à-dire après le centre de jonction qui relie toutes les voies ferrées sur celle de Tébessa-Annaba. Celle-ci est aussi utilisée pour le transport quotidien de 6 000 tonnes de minerai de fer nécessaires au haut fourneau du complexe sidérurgique El-Hadjar. L'appréhension quant à l'impact préjudiciable qu'aurait eu ce déraillement de train sur la production du minerai, s'est rapidement dissipée à la société ArcelorMittal El-Hadjar. C'est en tous les cas l'interprétation à accorder à la déclaration de Mohamed Guedha, directeur chargé de la communication. «Il y a eu effectivement un déraillement au niveau du tronçon ferroviaire Djebel Onk-Tébessa. Il n'aura pas d'impact sur le transport de minerai de fer pour les besoins de notre complexe», dira-t-il. Ce qui n'est pas le cas du côté du complexe Fertial Annaba. Déjà confrontées à une rupture de stock de potasse, les installations de production de la zone phosphate étaient déjà à l'arrêt dans l'attente de cette matière première. Mélangée au phosphate, la potasse permettait la production des engrais phosphatés destinés en grande partie pour le secteur national de l'agriculture. La nouvelle du déraillement du train de phosphate a rapidement fait le tour des coopératives agricoles et des agriculteurs de plusieurs régions de l'est du pays. Et pour cause, la spéculation sévissant sur les produits phytosanitaires dont les prix sont, selon de nombreux acteurs directs dans le secteur, pratiquement inaccessibles. Interrogé, un ancien cadre du complexe Fertial a affirmé : «Même si cette interruption d'approvisionnement du complexe devrait être brève, elle intervient à un très mauvais moment. Elle s'ajoute à la rupture de stock de potasse. Le complexe Fertial de Annaba a besoin de 300 tonnes/jour pour sa production d'engrais phosphatés. Cet incident devrait se répercuter négativement sur l'approvisionnement en engrais phosphatés du secteur agricole grand consommateur.» L'autre impact négatif pouvant résulter de ce déraillement consiste en la perturbation du réseau commercialisation du groupe des entreprises publiques économiques Ferphos. A l'exportation, notamment, qui permet à ce groupe d'enregistrer son plus important chiffre d'affaires annuel. L'incident est intervenu au moment où, sous l'impulsion de son nouveau staff directorial, le groupe Ferphos enregistre une réelle reprise de ses activités. Ce coup d'arrêt du transport de phosphate s'il venait à durer lui serait très préjudiciable. Ferphos aura certainement des difficultés à calmer l'impatience de ses clients étrangers. Même sa filiale chargée du transport des minerais ne pourra pas, à elle seule, avec une cinquantaine de camions en piteux état, répondre aux sollicitations des ses clients dont la société mixte algéro-espagnole Fertial. Enfin, ce déraillement rappelle au ministère des Transports, et à son homologue des Mines, toute l'opportunité de la réalisation d'une nouvelle ligne ferroviaire pour le transport du minerai ou du moins, le renforcement de celle existante. Ce point kilométrique 114 n'est-il pas le point noir inscrit sur le registre de la SNTF à l'origine d'un grand nombre de perturbations dans l'approvisionnement des complexes Asmidal et de sidérurgie El-Hadjar. Ce fut le cas en 2005 où, durant plusieurs jours, ces deux entités socioéconomiques avaient été contraintes de procéder à un ralentissement de leur production.