Plus d'un mois de grève déclenchée le 27 avril dernier par près de 1400 travailleurs de la Somiphos, et leurs 250 collègues travaillant au niveau des installations portuaires de Annaba (IPA). Mille et neuf cent cinquante dinars/jour de perdus pour chaque tonne de phosphate transportée – depuis les sites miniers de Djebel Onk (Tébessa) – par la Société nationale des transports ferroviaires (SNTF) et la filiale Sotramine pour le compte de la société Ferphos Group. Pour sa part, celle-ci enregistre une perte sèche de 110 dollars/t sur les 200 000 t exportées/mois. Le calcul peut, ainsi, aisément être fait pour évaluer le préjudice financier occasionné par plus d'un mois de grève ouverte déclenchée le 27 avril dernier par près de 1400 travailleurs de la Société des mines et phosphate (Somiphos) basée à Bir El Atter (70 km au sud de Tébessa), et leurs 250 collègues travaillant au niveau des installations portuaires de Annaba (IPA). Les protestataires réclament une augmentation de 12 000 DA sur le salaire de base ainsi que leur part du bénéfice annuel de l'ordre de 6 milliards de dinars, réalisé par l'entreprise en 2010. Malgré toutes ces pertes auxquelles s'ajoutent les 500 000 dollars de frais induits par le départ vide de 7 navires – restés en rade pendant des semaines – et environ 200 000 dollars de surestarie, payés rubis sur l'ongle par Somiphos, laquelle pèse plus de 70% du portefeuille Ferphos Group, aussi bien en termes d'effectifs, d'activité que de chiffre d'affaires. A ce jour, aucune réaction à ce qui s'apparente à un véritable crime économique n'a été signalée. La direction générale et Manadjim El Djazaïr – holding nouvellement créé dont dépend Ferphos Group – n'a toujours pas bougé d'un poil pour parvenir à un compromis avec les grévistes. Comment interpréter ce mutisme ? Elle espérait un essoufflement de la contestation en laissant pourrir la situation, mais ne s'imaginait pas rencontrer une telle détermination, rétorquent des travailleurs rencontrés, hier, au siège de Ferphos Group (Annaba), où ils observaient un sit-in, et dont les portes restent encore hermétiquement fermées à la presse. «Hamdi Bakhouche, le DG, est en déplacement à Alger, à part lui, personne ici n'est habilité à vous parler», ne cessait-on de nous répéter à chaque tentative de prendre contact avec les responsables du groupe. Quant à Mohamed Bekaï, le SG de la Fédération nationale des travailleurs des mines et assimilés (FNTMA), et El Hadi Brahmi, SG du syndicat de Ferphos Group, ils étaient injoignables durant toute la journée d'hier. Même chose pour Farid Benhadji, le président du groupe minier Manadjim El Djazaïr. Une grève n'a pas besoin d'être longue pour être efficace tel que l'illustre l'exemple d'ArcelorMittal. Ce qui n'est, semble-t-il, pas le cas à Ferphos Group, déplore un groupe de travailleurs de l'IPA. Tout en dénonçant la précarité de leurs conditions de travail, ils estiment que la bonne santé dont jouit actuellement l'entreprise rend légitimes leurs revendications salariales et les 700 000 DA par ouvrier comme part sur les bénéfices annuels. En effet, si Ferphos est désormais une entreprise riche, les travailleurs des sites miniers et des IPA ne bénéficient pas pour autant de la «manne» qui, toujours d'après eux, profite essentiellement à certaines catégories d'employés. Plus encore, une bonne partie des grévistes interrogés trouvent qu'ils ne bénéficient pas de la même sollicitude de la part de l'employeur que leurs pairs des cinq autres filiales ou des employés de Ferphos siège. Malgré la reprise sensible des exportations du phosphate et la hausse du chiffre d'affaires, leurs conditions socioprofessionnelles n'ont pas pour autant évolué. Une situation qui suscite chez la plupart d'entre eux le sentiment d'être des «laissés-pour-compte». Pourtant, se désolent-ils, si Ferphos Group commence à renouer avec les performances des années 2006, 2007 et 2008, c'est bien grâce aux efforts et au dévouement des mineurs de Djebel Onk et aux ouvriers des IPA.