Après le record enregistré durant la campagne Tomate Industrielle 2010 ayant permis d'atteindre 40 000 tonnes de concentré de tomate, l'Algérie se prépare à en enregistrer un autre dans la même spéculation agricole en 2011. En effet, à l'issu de la récolte prévue pour être entamée dès la fin du mois de juin prochain, plus de 600 000 tonnes de tomate industrielle prendront la route des 7 unités de transformation encore en exploitation pour produire 60 000 tonnes de C.T. C'est du moins les prévisions établies par les directeurs des services agricoles (DSA). Ils se sont exprimés sur la base des bilans d'évaluation avancés par les agriculteurs producteurs de tomate industrielle portant sur l'état végétatif des cultures sur une surface globale de 16 000 ha. Cette surface est principalement concentrée à Annaba, El Tarf, Guelma et Skikda. C'était à l'occasion de la réunion organisée jeudi dernier au siège de la DSA de Annaba et présidée par M. Lakhdar Merakchi, directeur général de l'Office national interprofessionnel des légumes et des viandes (ONILV). Des bilans apparemment fiables car tenant compte de la réalité du terrain, des dernières attaques du mildiou à l'origine de la perte de 20% de la production totale, et en ce qui concerne la production du C.T, des capacités de trituration des 7 unités existantes. Elles étaient 22 en 2006. Regroupées dans l'Association des conserveurs de tomate (Actom), aujourd'hui dissoute, elles se disputaient la production d'à peine 20 000 tonnes de CT. Le ministère de l'Agriculture semble avoir trouvé un palliatif en créant le Comité national interprofessionnel (CNI) dont la présidence est assurée par Messaoud Chebah. Depuis, faillites et difficultés financières aggravées par la perte de change ont eu raison d'une douzaine d'entre elles qui ont fermé. Lors de cette réunion de Annaba, agriculteurs, techniciens de l'Institut national de protection des végétaux (INPV), ingénieurs agronomes et spécialistes du commerce des produits phytosanitaires ont souligné l'atout dont dispose le pays dans le domaine de l'agriculture et de l'agroalimentaire dans les régions de l'extrême Est du pays. «Un atout majeur qui est aussi un atout d'avenir que nous ne maîtrisons toujours pas pour cause d'égoïsme de certains qui incite à la destruction de la filière tomate algérienne. Ils sont pour beaucoup dans la dernière place que notre pays occupe en matière de production agricole, dont celle de la tomate industrielle et du concentré de tomate», a estimé Messaoud Chabah, ingénieur agronome, président du CNI et anciennement président de la Chambre d'agriculture d'Annaba. Un avis que partagent plusieurs participants qui ont également exprimé leur conviction en un avenir de la T.I en Algérie, pour peu que chacun, agriculteurs, conserveurs et pouvoirs publics, apporte une réelle contribution en coordonnant ses efforts. Il faut dire que la longue crise vécue jusqu'à ces dernières années par la filière tomate industrielle a fait redécouvrir à ses principaux animateurs les vertus de la complémentarité dans les actions. Particulièrement dans les 4 régions connues pour être les principales productrices de ce type de culture en Algérie. Elles ne manquent pas d'atouts issus d'une longue tradition revivifiée du travail de la terre imposé par l'immensité des parcelles tirées au cordeau. Le ministère de l'Agriculture et du Développement rural a, ces dernières années, mené campagne pour préciser la mission des uns et des autres. Les 4,00 DA/kg de subvention qu'il accorde aux agriculteurs producteurs de T.I et les 1,50 DA aux conserveurs sont des stimulants non négligeables. Cette subvention est à l'origine des performances réalisées par certains agriculteurs qui ont réalisé 1200 quintaux/ha. « Que doit-on faire lorsque nous enregistrons un rendement supérieur à celui mentionné sur la convention de livraison de T.I signé préalablement avec le conserveur ? Qui prendra financièrement en charge cet excédent de production et a-t-on pris les dispositions nécessaires en termes d'emballage pour la transformation ?» S'est interrogé un importateur de la wilaya de Guelma dont le rendement à l'hectare avait dépassé les 1200 quintaux. Bien qu'il ait été précisé que tout excédent est pris normalement en charge dans le strict respect des dispositions prévues, et que l'emballage pour le conditionnement de la totalité de la production du C.T suffira amplement à y faire face, il reste que la plupart des participants se sont accordés sur les faiblesses de l'industrie nationale de transformation agroalimentaire dont celle de la T.I. Un autre aspect et non des moindres dans cette filière stratégique porte sur les produits phytosanitaires. On a imputé à bon nombre de producteurs étrangers, principaux fournisseurs des imputs et autres intrants agricoles, la commercialisation de produits phytosanitaires très dangereux. «Beaucoup de ces produits que nous utilisons encore chez nous sont interdits dans la majorité des pays du monde. Pire, ils le sont aussi dans les pays européens où ils sont produits car très dangereux pour la santé humaine. D'autres sont inoffensifs à combattre les maladies des végétaux parce qu'inadaptés à notre climat», révèle un des agriculteurs. Cette situation a entraîné la réaction du président du CNI. Il a dénoncé ce qu'il estime être des tentatives multiples de saboter la filière algérienne de la tomate industrielle. Selon lui, certains conserveurs agiraient pour imposer l'importation du triple concentré de tomate et ainsi, gagner beaucoup en limitant leurs activités au conditionnement. La démarche est synonyme de disparition de la filière, de la production nationale de C.T et de plusieurs milliers de postes de travail sur les 120 000 qu'offre annuellement la culture et la transformation de la tomate industrielle. Ce qui a entraîné la réaction du DG de l'ONILV. Il a souligné toute la vigilance qu'accordent les pouvoirs publics à la santé des citoyens et à l'économie nationale à travers des textes réglementaires. «Cette année, nous sommes à 50% de la satisfaction des besoins nationaux en CT. Nous devons travailler pour atteindre les 80% les prochaines années. Nous avons les capacités de développer toutes nos cultures et le secteur de l'agroalimentaire», dira M. Lakhdar Merakchi.