Le Hezbollah libanais envisage de se lancer dans une nouvelle confrontation armée avec Israël pour détourner les pressions occidentales en faveur du renversement du président syrien Bachar al Assad, son allié et protecteur, dit-on de source proche du mouvement chiite. Ses dirigeants, qui disposent d'une milice solide, armée à la fois par Damas et Téhéran, s'inquiètent du soulèvement populaire entamé à la mi-mars en Syrie et sont décidés à tout faire pour empêcher les Etats-Unis et leurs alliés d'encourager la contestation pour obtenir le départ d'Assad. «Le Hezbollah n'interviendra jamais en Syrie. Il s'agit d'une affaire intérieure pour le président Bachar. Mais, quand il voit l'Occident s'en mêler pour le renverser, il ne peut pas se contenter du rôle de spectateur», explique un responsable libanais idéologiquement proche du mouvement pro-iranien. «Il s'agit d'une bataille existentielle pour le groupe et le moment est venu de rendre la politesse (du soutien syrien). Il le fera en détournant une partie de la pression internationale.» Les puissances occidentales ont perdu un allié de poids avec le renversement d'Hosni Moubarak en Egypte et s'efforcent désormais de redessiner la carte stratégique du Proche-Orient en poussant Assad vers la sortie pour le remplacer par quelqu'un de mieux disposé à l'égard d'Israël et hostile au Hezbollah, estiment les dirigeants du mouvement. «La région est en guerre, une guerre entre le bien et ce qui est soutenu par Washington (…) La Syrie est le bien», résume un responsable arabe proche de Damas basé au Liban. «La guerre pourrait être une option» Si une guerre ouverte entre la Syrie, Iran et le Liban d'un côté, et Israël de l'autre semble exclue, l'hypothèse d'un nouvel embrasement avec le seul Hezbollah l'est beaucoup moins. «Des conflits limités sont envisageables ici ou là mais personne n'a intérêt» à une guerre régionale, confirme l'observateur libanais Oussama Safa. «La région va évidemment vers des changements radicaux (…) On ne sait pas très bien comment ce sera géré et où cela mènera.» Fondé il y a près de trente ans pour combattre l'occupation israélienne du Sud-Liban, le Hezbollah a livré il y a cinq ans à l'Etat hébreu une guerre de 34 jours qui n'a pas modifié le rapport de forces. Ses roquettes ont infligé de sérieux dégâts en Israël et l'incursion de Tsahal en territoire libanais ne l'a pas empêché de poursuivre ses tirs. Depuis, son arsenal, alimenté via la frontière syrienne, s'est encore enrichi, malgré la vigilance des casques bleus de la Finul, selon les services de renseignement occidentaux. «Aucun allié de la Syrie n'accepterait sa chute, même si cela rebat les cartes (…) La guerre avec Israël pourrait être une option», poursuit le responsable arabe. Tout est possible, jugent certains analystes, «y compris l'ouverture de fronts sur le plateau du Golan et au Sud-Liban». «Le vide était néfaste» A Beyrouth, les alliés de Bachar al Assad ont d'ores et déjà accompli un premier geste en sa faveur. Après cinq mois de vacances du pouvoir, le Premier ministre Nadjib Mikati a formé la semaine dernière un gouvernement qui fait la part belle à la coalition pro-syrienne emmenée par le Hezbollah. Najbi Mikati a été désigné après la démission en janvier de Saâd Hariri, dont le gouvernement d'union nationale n'a pas résisté au départ des ministres issus du Hezbollah. Le mouvement chiite s'en est retiré après lui avoir demandé en vain de prendre ses distances avec le Tribunal sur le Liban (TSL) chargé de faire la lumière sur l'assassinat de son père, Rafic Hariri, ancien premier ministre tué en février 2005 dans un attentat à Beyrouth. Le TSL va probablement prononcer l'inculpation de plusieurs membres du Hezbollah et certains pensent que l'absence prolongée de gouvernement était délibérée. Il s'agissait, disent-il, d'éviter une nouvelle crise politique lorsque l'acte d'inculpation tombera. «Les nôtres ont d'abord pensé que le vide était dans notre intérêt mais, après les événements de Syrie, nous avons constaté qu'il était néfaste», explique le responsable libanais. «Dans sa forme nouvelle, le gouvernement ne permettra pas que le Liban soit utilisé contre la Syrie et (s'opposera) à ceux qui font le jeu des Etats-Unis à ses dépens», ajoute-t-il.