En mai 2011, l'Allemagne, première puissance économique européenne, décide de renoncer à l'énergie nucléaire. Berlin fermera ainsi ses derniers réacteurs nucléaires en 2022. La décision prise par l'Allemagne est intervenue quelques semaines après la catastrophe nucléaire de Fukushima au Japon. Juste après les Allemands, les italiens diront à leur tour non au nucléaire lors d'un référendum. Pas moins de trois pays européens, et non des moindres, l'Allemagne, l'Italie et la Suisse, se sont engagés à ne plus produire d'électricité à partir du nucléaire à l'avenir. Aussi paradoxal que cela puisse paraître et après la catastrophe nucléaire de Fukushima qui a vu une montée en puissance des opposants au nucléaire dans le monde, Youcef Yousfi, notre ministre de l'Energie et des Mines, déclarait à l'APN au mois d'avril dernier : «Nous allons peut-être recourir au nucléaire à long terme, nous n'avons pas d'autre alternative», avant d'ajouter que «l'Algérie doit se préparer pour ce choix car il faut entre dix et quinze ans pour faire des études pour la construction de la première centrale». Au moment où le ministre algérien de l'Energie compte lancer les études, qui seront chèrement payées, d'ici à dix ans, de la première centrale nucléaire dans notre pays, Berlin compte fermer son dernier réacteur nucléaire dans onze ans. Selon le ministre allemand de l'Environnement, le parc nucléaire de son pays compte dix-sept réacteurs. Huit d'entre eux ne sont, à l'heure actuelle, pas reliés au réseau électrique : il s'agit avant tout de vieux réacteurs que le gouvernement allemand a décidé de fermer pendant trois mois pour effectuer des contrôles de sécurité. Ils ne seront plus remis en service. Six autres réacteurs fermeront à la fin de 2021, tandis que les trois réacteurs les plus modernes seront mis hors service un an après, en 2022. En Europe, la catastrophe nucléaire de Fukushima semble avoir convaincu définitivement certains pays industrialisés de renoncer à produire de l'énergie électrique à partir de l'uranium enrichi. Plus que jamais, les peuples sont convaincus que les centrales nucléaires ne sont pas très sûres, malgré les déclarations rassurantes de certains gouvernements occidentaux. D'où cette forte opposition des populations à tout projet de construction de nouvelles centrales nucléaires un peu partout dans le monde. En raison des risques d'accident nucléaire qui hantent les gouvernants et les populations, les coûts de construction d'une centrale nucléaire sont devenus de plus en plus lourds à supporter. Au mois de décembre 2005, la Finlande avait lancé la construction d'une nouvelle centrale nucléaire dans la région d'Olkiluoto. Elle devait être équipée d'un réacteur de dernière génération, l'EPR, un réacteur pressurisé européen. Le marché de réalisation d'un montant de trois milliards d'euros a été confié au français Areva et à Siemens. Le réacteur, d'une puissance de 1 750 MW, devait être livré en 2009. En raison de problèmes techniques, la centrale nucléaire ne doit être opérationnelle qu'à la fin de l'année 2011 et le coût de la centrale dernière génération d'Olkiluoto a été multiplié par deux, soit six milliards d'euros. En France, un autre réacteur EPR d'une puissance de 1 600 MW est actuellement en construction sur la Manche. Son coût dépasse les quatre milliards d'euros. A ce prix, le coût du kWh produit par les centrales nucléaires de dernière génération est de plus en plus élevé. Et la facture ne s'arrête pas là. Selon des experts, au coût de production du kWh d'énergie nucléaire, il faudra ajouter les dépenses liées au stockage des déchets radioactifs et celles liées au démantèlement des anciennes centrales mises hors service. La puissance du lobby nucléaire français En Europe, malgré la catastrophe de Fukushima, la France reste l'un des rares pays à continuer à défendre farouchement l'option nucléaire. Et pour cause, les 58 réacteurs nucléaires en marche produisent 74 % de l'électricité en France, ce qui classe ce pays au premier rang mondial en termes de production d'électricité à partir du nucléaire. Mais, en France, on compte aussi 12 réacteurs nucléaires à l'arrêt et deux centrales nucléaires en cours de démantèlement. Les coûts de démantèlement des centrales nucléaires sont très lourds, 50 milliards d'euros, soit l'équivalent de cinq mille milliards de dinars. Mais dans une centrale nucléaire, il n'y pas que les lourds coûts de construction et de démantèlement, nous trouvons aussi les coûts très élevés du stockage des déchets radioactifs. En France, il existe trois centres de stockage de déchets radioactifs en exploitation d'un coût de 20 milliards d'euros, soit l'équivalent de deux mille milliards de dinars. Selon les experts et après la catastrophe de Fukushima, les coûts de sécurisation des centrales nucléaires seront de plus en plus élevés à l'avenir. Mais aussi paradoxal que cela puisse paraître, au moment où l'Allemagne, la Suisse et l'Italie disent non au nucléaire, l'Arabie saoudite et l'Algérie annoncent des projets de construction de centrales nucléaires dans les dix années à venir. Au mois de mai 2011, l'Arabie saoudite, pays renfermant les plus importantes réserves de pétrole au monde, annonçait la construction de 16 réacteurs nucléaires d'ici à 2030. Bénéficiant d'une énergie à très bon marché, l'Arabie saoudite est considérée comme étant un pays énergétivore. Riyad justifie cet impressionnant programme de construction de centrales nucléaires par la nécessité de faire face à l'importante hausse de la demande en électricité dans les vingt années à venir. Le coût global des 16 réacteurs a été estimé à cent milliards de dollars. Et le groupe français Areva semble le plus indiqué pour arracher une part importante de ce juteux marché avec son réacteur de dernière génération, l'EPR, d'une puissance de 1650 mW et coûtant la bagatelle de cinq milliards de dollars. Quelques semaines auparavant, au mois d'avril 2011, le ministre algérien de l'Energie et des Mines, Youcef Yousfi, déclarait au Parlement que l'option de recourir au nucléaire à long terme est inévitable même si le choix du lieu d'implantation des centrales reste à faire. Bien avant lui, Chakib Khelil, ancien ministre algérien de l'Energie et des Mines, assurait que l'Algérie construira sa première centrale nucléaire en 2020. Et, évidemment, c'est le français Areva qui serait appelé à fournir les équipements de cette première centrale nucléaire.