La catastrophe au Japon a relancé le débat sur le nucléaire dans le monde même si le directeur de l'énergie nucléaire au Commissariat à l'énergie atomique (CEA), Christophe Behar, considère que le recours à l'énergie nucléaire est un «impératif ». Les Etats-Unis poursuivent, l'Allemagne suspend, l'Inde s'inquiète et la France veut tirer toutes les leçons... Partout dans le monde, la catastrophe de Fukushima a remis le débat nucléaire sur la table. La presse internationale se pose la question : «Peut-on se passer des 17% de la production d'électricité provenant du nucléaire dans le monde ?» La réponse est que «c'est peu probable», indique-t-on. Dans le contexte politique actuel, et notamment dans les pays du Moyen-Orient, principaux producteurs de pétrole, le risque est réel quant aux approvisionnements mondiaux, comme l'a montré cette semaine le regain de tension entre l'Arabie Saoudite et l'Iran au sujet de Bahreïn. Ensuite, il ne faut pas oublier que le nucléaire permet d'obtenir des tarifs compétitifs pour l'électricité dans les pays dépourvus d'énergies fossiles. En revanche, un gel des nouveaux projets nucléaires dans le monde paraît inévitable, comme après Tchernobyl, en 1986. Une nouvelle glaciation symbolisée par l'instauration, dès cette semaine en Allemagne, d'un moratoire de trois mois sur l'allongement de la durée de vie de 17 réacteurs et l'arrêt provisoire de 7 centrales anciennes. La catastrophe de Fukushima aura des répercussions sur le modèle économique de la filière nucléaire dans les prochaines années. Six pays disposent des ¾ de l'énergie nucléaire dans le monde Début 2011, 29 pays exploitaient 443 réacteurs nucléaires qui produisent 14% de l'électricité dans le monde. Six pays se détachent en assurant les trois quarts: les Etats-Unis, la France, le Japon, la Russie, l'Allemagne et la Corée du Sud. Viennent ensuite une série de pays disposant d'un parc de centrales nucléaires d'importance, avec pour certains des réacteurs mis en service il y a plus de trente ans et pouvant constituer une menace à l'avenir, rapporte le site Challenges.fr. Aux Etats-Unis, il est prévu depuis 2010 des mesures pour lancer la construction des premiers réacteurs nucléaires américains depuis près de 30 ans. Epineuse question pour un pays qui a été marqué par le grave accident de la centrale de Three Mile Island en 1979, en Pennsylvanie. Depuis cette date, les Etats-Unis avaient tourné le dos à l'énergie nucléaire. Ils comptent aujourd'hui 104 réacteurs nucléaires en fonctionnement. Tous ces réacteurs ne fournissent aujourd'hui que 20% des besoins en électricité du pays. La France, deuxième puissance nucléaire au monde, après les Etats-Unis, compte 58 réacteurs en activité. Elle est également le pays le plus nucléarisé au monde, avec 75% de sa production d'électricité provenant du nucléaire. Elle n'est pas prête à remettre en cause la prépondérance du nucléaire dans sa production énergétique. Après le premier choc pétrolier de 1973, 36 réacteurs émergent dans l'Hexagone de 1974 à 1976. Se pose désormais la question de l'âge du parc français qui possède 51 réacteurs de plus 20 ans, dont 23 entre 25 et 30 ans d'âge et 14 de plus de 30 ans. Le Japon est la troisième puissance mondiale en termes de génération d'électricité via ces 54 réacteurs nucléaires, dont la capacité est de l'ordre de 49 gigawatts. Avant le séisme et ses conséquences sur la centrale de Fukushima, Tokyo projetait de faire passer la part du nucléaire dans sa production totale de 30% à 50% d'ici à 2030. 2 centrales étaient en construction et 12 en projet. La situation dans la centrale de Fukushima Daiichi depuis le tremblement de terre ne cesse de se dégrader, chacun des six réacteurs présentant des problèmes d'une gravité extrême pour certains. Ainsi, les trois premiers réacteurs sont pratiquement hors de contrôle après des explosions d'hydrogène et l'incapacité à les refroidir par manque d'eau. La Russie possède un parc de centrales nucléaires vieillissant, avec 32 réacteurs opérationnels répartis sur 10 sites, d'une puissance de 24.242 mégawatts qui ont produit 169,4 milliards de kilowatts en 2010. Ils assurent 17,8% de la production électrique. Mais cette part devrait augmenter puisque le gouvernement entend doubler sa part dans la production. En 2030, elle doit atteindre 25% du total généré. Selon l'Agence américaine de l'énergie (EIA), près de la moitié des réacteurs en service sont des réacteurs RBMK, à l'origine de la catastrophe de Tchernobyl de 1986. La durée de vie d'une centrale est de l'ordre de 30 ans. Or 15 centrales ont au moins 30 ans d'âge. Haro sur les parcs vieillissants L'Allemagne n'a pas tardé à réagir après la catastrophe japonaise. La chancelière Angela Merkel a annoncé la fermeture provisoire des 7 plus vieux réacteurs nucléaires de son parc, mis en service avant la fin des années 1980 et qui compte au total 17 réacteurs. En septembre 2010, la chancelière allemande avait pourtant prolongé de 12 ans la durée de vie prévue de ses centrales, et ce malgré une opinion publique plutôt hostile. Cette décision a été finalement suspendue pour trois mois. Il semble désormais acquis que le réacteur de Neckarwestheim 1 (Bade-Wurtemberg), en service depuis 1976, ne sera plus jamais relancé. Le nucléaire représente 22% de la production d'électricité en Allemagne. Selon Greenpeace, les 8 plus anciennes centrales n'en fournissent que 5%. La Corée du Sud occupe la sixième place mondiale en termes de capacité nucléaire. Sa première centrale remonte à 1978. Elle possède désormais 4 centrales avec un total de 20 réacteurs. 12 nouveaux réacteurs doivent compléter le dispositif d'ici 2022. L'objectif est de générer la moitié de l'électricité via le nucléaire à cette date. Le pays est devenu un sérieux concurrent sur le marché de l'exportation de technologies dans ce domaine. Le groupe Kepco a remporté un contrat de 20 milliards de dollars aux Emirats arabes unis au détriment de la France en 2009. Le Royaume-Uni possède 10 centrales nucléaires et 19 réacteurs en activité. Moins de 20% de sa production d'électricité proviennent du nucléaire. Son parc de réacteurs est toutefois vieillissant, les plus anciennes remontant au début des années 1960. Les centrales d'Oldbury et Wylfa doivent ainsi être fermées cette année. C'est pourquoi le gouvernement a relancé son programme de construction de centrales nucléaires en 2008 et a retenu en octobre dernier 8 nouveaux sites, tous à proximité de centrales existantes. Les autorités doivent donner en juin prochain un feu vert à l'utilisation de la technologie EPR des groupes français Areva et EDF, et AP1000 de l'américain Westinghouse, pour la construction de nouveaux réacteurs nucléaires.