«Sans sûreté, il ne peut y avoir de nucléaire, et il n'y a pas de frontière en cas d'accident.» L'accident de la centrale nucléaire de Fukushima au Japon a relancé le débat sur le nucléaire. Si les verts, à travers cette catastrophe, trouvent de nouvelles raisons pour demander l'abandon du nucléaire, les gouvernements préfèrent orienter le débat sur les mesures de sûreté. Il est vrai que la catastrophe est survenue à la suite d'un séisme de magnitude 8,9 sur l'échelle de Richter suivi d'un tsunami, alors que la centrale nucléaire de Fukushima Daiichi a été construite pour résister à un séisme de 7,9 sur la même échelle. En réalité, l'accident, qui a pris des proportions très graves, est dû au fait que le tsunami a mis hors service les générateurs diesel de secours pour les pompes de refroidissement vu que, comme prévu, la centrale s'est éteinte lorsque la Terre a commencé à trembler. Mardi passé, le Centre de recherche stratégique et sécuritaire (CRSS) de Ben Aknoun a accueilli l'ambassadeur conseiller, Hocine Meghlaoui, pour une conférence-débat sur le thème : «La sécurité nucléaire, à la lumière de la catastrophe japonaise». L'exposé introductif au débat a été axé sur le potentiel des centrales nucléaires dans le monde et les questions de sûreté. Mais une remarque importante a été faite par l'ancien négociateur du Traité de non-prolifération nucléaire pour le compte de l'Algérie. Après la catastrophe et mis à part le mouvement des Verts, le nucléaire civil n'a pas été remis en cause. Pratiquement tous les pays ont annoncé la vérification de leur parc nucléaire. Hocine Meghlaoui cite, à ce propos, le président Obama qui n'a pas remis en cause le nucléaire, et qui a demandé de procéder à la vérification des installations des centrales nucléaires. Juste après l'accident de Fukushima, le Président américain a déclaré que toutes les sources d'énergie ont leurs inconvénients, en soulignant que les installations aux Etats-Unis sont étroitement surveillées et construites pour résister aux tremblements de terre. Les Etats-Unis tirent 20% de leur électricité de l'énergie nucléaire. Dans un témoignage fait devant le Congrès américain, le secrétaire américain à l'énergie, Steven Chu, a déclaré : «Le peuple américain doit avoir pleine confiance que les Etats-Unis ont des règles de sécurité rigoureuses mises en place pour veiller à ce que notre puissance nucléaire soit produite de façon sécuritaire et responsable.» En France, pays ou l'électricité produite à partir de l'énergie nucléaire représente environ 78%, il n'est pas question d'abandonner le nucléaire.Pour le président français, Nicolas Sarkozy, «la France a pris des engagements sur la réduction des gaz à effet de serre. Pour les remplir, il n'y a pas cent cinquante solutions, il y a le nucléaire…». «Il n'y a pas d'alternative à l'heure actuelle» «Il n'y a pas d'alternative à l'heure actuelle», a-t-il indiqué. En Allemagne, pays ou le mouvement des Verts est très fort et s'oppose au nucléaire et où l'opinion est généralement opposée au nucléaire, l'ancien chancelier allemand, Helmut Kohl, dans un article publié par le quotidien Bild, a indiqué qu'«il ne faut pas renoncer à l'énergie nucléaire dans l'urgence, sans disposer d'alternatives crédible». «En cas d'abandon du nucléaire par l'Allemagne, ce serait une erreur fatale de penser que d'autres pays suivront notre exemple. Nous devons comprendre que le monde ne renoncera pas à l'énergie atomique tant qu'il n'y aura pas d'alternative convaincante, compétitive et écologiquement propre», a indiqué l'ancien chancelier. Après l'accident dans la centrale japonaise de Fukushima, les autorités allemandes ont décidé de suspendre l'activité de sept centrales nucléaires dans le pays pour un délai de trois mois. En Allemagne, 22,6% de l'électricité provient des centrales nucléaires. L'ancien chancelier a indiqué qu'il fallait tirer les enseignements de la catastrophe japonaise en inspectant les centrales nucléaires allemandes et en prenant en charge le problème du stockage des déchets nucléaires. «La sortie du nucléaire devra se faire avec prudence» Après avoir soutenu le nucléaire, la chancelière allemande, Angela Merkel, a marqué une pause en déclarant que la crise au Japon «est un événement qui bouleverse le monde et va le changer. Et c'est pourquoi, je pense qu'il est juste d'observer une pause de réflexion». Et d'ajouter : «Plus tôt on sortira de l'énergie nucléaire, mieux ce sera.» Mais des observateurs ont estimé que c'est la perspective des élections qui l'a amené à réagir de la sorte. Toutefois la chancelière reste prudente : «La sortie du nucléaire devra se faire avec prudence», a-t-elle indiqué, et il devra se dérouler sur «des bases rationnelles». L'argument de l'indépendance est aussi avancé par la chancelière qui a indiqué : «Discuter de façon rationnelle signifie qu'il ne sert à rien de fermer des centrales nucléaires si c'est pour importer de l'énergie nucléaire de chez nos voisins.» L'ambassadeur, Hocine Meghlaoui, avance aussi un argument de taille en indiquant que «sans sûreté, il ne peut y avoir de nucléaire, et il n'y pas de frontière en cas d'accident». Il est vrai que si votre voisin dispose d'une centrale nucléaire, vous n'êtes pas à l'abri des conséquences d'un accident qui survient chez lui. Pour Hocine Meghlaoui, que nous avons sollicité en marge de la conférence, l'enjeu reste la sûreté : «Il y a l'Agence internationale de l'énergie atomique, et chaque Etat doit avoir son autorité indépendante, pour qu'il n'y ait pas de conflit entre l'opérateur et le contrôleur.» Pour lui, «le problème de sûreté n'est pas propre à un pays ou à une installation nucléaire donnée ; il est propre à tous les pays et à toutes les installations, car la sûreté est la base du nucléaire civil». Le séisme, qui a provoqué la panne du système de refroidissement de la centrale nucléaire de Fukushima et qui a donné lieu à plusieurs explosions qui ont secoué les réacteurs et entraîné le rejet d'éléments radioactifs dans l'atmophère, a déjà permis de tirer une première conclusion : celle d'éviter les zones sismiques pour ce type d'installations industrielles. Pour Hocine Meghlaoui, le secrétaire général de l'AIEA : «L'organisation d'une conférence sur la sécurité, et il faut laisser la question aux experts pas aux politiciens pour arriver à une sécurité maximum.» En réalité, l'accident du Japon soulève deux grandes questions : la première est quelle est l'alternative qui permettra d'abandonner le nucléaire pour assurer la sécurité énergétique, vu que le grand retour du nucléaire a été amorcé en 2005, après la hausse des prix du pétrole et la perspective annoncée de la fin des énergies fossiles. Et la deuxième : quelles sont les garanties qui permettront d'assurer une sécurité pour tous les pays, y compris ceux qui abandonnent le nucléaire ou ceux qui ne le choisissent pas.