La vaste entreprise que s'est fixée notre pays, la recherche d'un passé culturel, la passionnante, l'exaltante tâche de redécouverte et de rénovation n'écartent pas l'hypothèse des véritables découvertes. Découvertes en ce sens que de nobles figures des mondes scientifique et artistique, dont les valeurs furent étouffées pendant de nombreuses années, ne sont connues actuellement que par quelques cercles, le plus souvent d'amis. Leur tâche est aujourd'hui de divulguer ce qu'ils savent. L'un d'eux a voulu rendre un vibrant hommage au cheikh Abderrahmane Ben El-Haffâf... Après cette mise en demeure céleste, toutes déclarèrent spontanément, Aïcha en tête, que rien au monde ne les détournerait de la voie de Dieu, et en récompense de leur soumission, elles obtinrent la définition exacte de leur rôle auprès du Prophète. «O femmes du Prophète ! vous n'êtes point comme les autres femmes ; si vous craignez Dieu, ne montrez pas de complaisance dans vos paroles, de peur que l'homme dont le cœur est atteint d'infirmité ne conçoive de la passion pour vous. Tenez toujours un langage honnête. Restez tranquilles dans vos maisons, n'affectez pas le luxe des temps passés de l'ignorance (avant l'Islam) ; observez les heures de la prière ; faites l'aumône ; obéissez à Dieu et à Son Prophète, Dieu ne veut qu'éloigner l'abomination de vous toutes de sa famille et vous assurer une pureté parfaite». Ayant charge de missionnaire et par surcroît, d'organisateur d'Empire, Mohamed avait sans cesse l'esprit en mouvement. Les problèmes qui se présentaient à lui demandaient des solutions urgentes, et ces solutions, il les recevait par la révélation. A toute heure de la journée et de la nuit et même dans son lit, le Prophète reçut ces révélations. Mais si dans la journée et au milieu des croyants, on était sûr de trouver toujours des secrétaires ainsi que des mémoires fidèles pour colliger la parole divine, il n'en eût pas été de même durant la nuit si le Prophète avait été seul. Or, l'être dont la présence continuelle peut être supportable, la nuit, c'est l'épouse. D'autre part, l'humanité ne peut exiger d'une seule épouse de veiller toutes les nuits et cela pendant des années. Pourtant, c'était la règle chez les femmes du Prophète de passer la nuit assises devant lui pendant qu'il dormait. Il existe plusieurs traditions qui constatent le fait. Les épouses du Prophète remplissaient donc auprès de lui les fonctions de gardiennes de la parole divine, mais chacune ne devait veiller qu'une nuit sur neuf. «Repassez dans votre mémoire les versets du Coran que l'on récite dans vos maisons ainsi que (les paroles de) la sagesse ». depuis le jour de la révélation de ce verset, les vénérées mères des croyants eurent conscience de leur rôle dans l'Islam. Elles savaient que ce rôle était de recueillir les versets du Coran et les paroles que prononçait le Prophète en leur présence et de les graver dans leur mémoire. La réponse que fit un jour Zaïneb Bent-Jahch à Omar nous fixe sur le degré de compréhension de ce rôle dans l'Islam : «Tu es animé de jalousie à notre égard ô Ibn-El-Khatab ; cependant la révélation descend parmi nous». Dès que ce rôle fut compris et précisé définitivement, le privilège de prendre d'autres femmes fut retiré au Prophète : «Il ne t'est pas permis de prendre d'autres femmes que celles que tu as, ni de les échanger contre d'autres, quand même leur beauté te charmerait, à l'exception des esclaves que tu peux acquérir». Ce verset explique le privilège du Prophète ; si la pluralité de ses épouses n'avait pas eu d'utilité pour l'établissement de la religion, l'obligation pour lui de les conserver ainsi que l'interdiction d'en prendre d'autres seraient incompréhensibles, d'autant plus que ces femmes n'avaient de mère que le nom. En effet, comment se fait-il donné un seul enfant à l'homme qui en avait eu sept de Khadidja ? Ce fait extraordinaire pose également le dilemme suivant : Ou ces femmes étaient incapables de perpétuer l'espèce, alors leur réunion sous le même toit n'aurait pu se produire que par des voies surnaturelles, ce qui écarte toute idée de bassesse de la part du Prophète. Ou ces femmes étaient aptes à remplir leur fonction naturelle, mais Dieu les en dispensa, ce qui prouve qu'elles avaient d'autres rôles auprès du Prophète que celui d'épouses seulement. Leur multiplicité s'explique, chacune d'elles ne devant veiller qu'une nuit sur neuf. Ce qui leur permettait de remémorer pendant huit jours les paroles que prononçait le Prophète en leur présence et de rapporter à la postérité le dépôt sacré dont elles avaient la garde. En réalité, le monde ignore le degré de respect que professent les musulmans pour leurs mères adoptives. Les traditions rapportées par elles sont classées au même rang que celle des compagnons du Prophète. Et Hafça Bent-Omar, qui était experte en écriture, avait reçu la mission sacrée de garder chez elle l'unique manuscrit du Coran qui existât. Il reste deux questions que nous ne devons pas passer sous silence : les calomnies contre Aïcha et le mariage de Zaïneb. Calomnies contre Aïcha C'est l'histoire d'Aïcha qui a provoqué la grande loi du respect assuré à la femme musulmane à un degré qu'aucun peuple n'a égalé et sans qu'aucun changement d'autorité l'ait ébranlé jusqu'à ce jour. La fille d'Aboû-Bakr, âgée de 9 ou 11 ans, fut la seule vierge qu'eût épousé le Prophète, et le mariage bien entendu ne devait être consommé qu'après la puberté d'Aïcha. Le choix de cette enfant avait plusieurs raisons d'ordre religieux, donc social. Aïcha fut la première femme musulmane née et élevée dans le berceau de l'Islamisme. Elle était douée d'une intelligence rare et possédait une mémoire prodigieuse. Les centaines de traditions rapportées par elle, traditions concernant principalement les droits de la femme, mais embrassant toutes les questions religieuses, juridiques, sociales et même philosophiques, montrent le degré de son intelligence et la sûreté de sa mémoire. Non seulement Aïcha savait lire et écrire, mais elle mérita d'être classée parmi les premiers jurisconsultes, au même rang que les quatre Khalifes inspirés. Cédons maintenant la parole à notre mère adoptive pour nous raconter son histoire : «Quand l'envoyé de Dieu, dit-elle, voulait partir en expédition, il faisait tirer au sort entre ses femmes afin de savoir celle que le sort désignerait pour l'accompagner dans son voyage. Lors d'une des expéditions qu'il entreprit, il avait fait procéder de cette manière et le sort m'ayant désignée, je l'accompagnai. C'était après la révélation relative au port du voile : on me fit monter dans un palanquin où on m'installa et nous nous mîmes en route. Aussitôt que l'Envoyé de Dieu eut terminé cette expédition que l'on eut pris le chemin de retour et que nous approchâmes de Médine, ordre fut donné au milieu de la nuit de reprendre notre marche. Je me levai par nécessité pour m'isoler, en dehors du campement. Puis, je retournai au camp lorsque, portant la main à ma poitrine, je m'aperçus que mon collier d'agates de Dzaf-àr s'était détaché. Je revins sur mes pas à la recherche de mon collier et fus retenue sur place par l'envie de le retrouver. «Les gens chargés de s'occuper de ma monture prirent mon palanquin et le placèrent sur le chameau qui me servait de monture, supposant que j'étais dans le palanquin. A cette époque, les femmes étaient légères : elles ne pesaient point, car elles n'étaient guère en chair, ne mangeant que des bribes de nourriture. Aussi les gens ne trouvèrent-ils rien d'étonnant au poids du palanquin, lorsqu'ils le soulevèrent et c'est pourquoi ils le chargèrent. J'étais toute jeune femme à cette époque. On fit ensuit avancer le chameau et on se mit en route. (A suivre)