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Quelles gouvernance et institutions pour l'Algérie face aux bouleversements géostratégiques ? (I)
Publié dans La Nouvelle République le 27 - 09 - 2011

Les évènements actuels dans le monde arabe, qui préfigurent d'importants bouleversements géostratégiques au niveau mondial, interpellent des notions souvent galvaudées comme la gouvernance et la démocratisation des institutions. Or, ces notions ont été évoquées depuis que le monde est monde. Déjà, le grand philosophe Aristote et le grand sociologue maghrébin Ibn Khaldoun insistaient sur le fait que l'efficacité des institutions et la moralité des dirigeants politiques sont fondamentales pour bien gouverner la Cité. Cette analyse en deux parties interdépendantes retracera ce qu'est la bonne gouvernance et l'urgence d'institutions fiables pour une société participative.
I.- Qu'est-ce que la bonne gouvernance ? La gouvernance politique comprend la gouvernance mondiale ou globale qui désigne l'ensemble des règles d'organisation des sociétés humaines à l'échelle de la planète et la gouvernance locale qui désigne un ensemble d'institutions, de mécanismes et de processus qui permettent aux citoyens et aux groupements de citoyens d'exprimer leurs intérêts et leurs besoins, de régler leurs différends et d'exercer leurs droits et obligations à l'échelon locale. Quant à la gouvernance d'entreprises, elle recouvre l'ensemble des mécanismes qui ont pour effet de délimiter les pouvoirs et d'influencer les décisions des dirigeants, autrement dit qui gouvernent leur conduite et définissent leur espace discrétionnaire. Ce qui revient à poser la question centrale, objet de notre problématique, à savoir : quel est l'objectif de la bonne gouvernance pour l'Etat et l'entreprise ? Pour l'Etat, selon Pierre Calame, «le premier objectif de la gouvernance, c'est d'apprendre à vivre ensemble et à gérer pacifiquement la maison commune, d'y assurer les conditions de la survie, de la paix, de l'épanouissement et de l'équilibre entre l'humanité et la biosphère». Quant à l'objectif pour l'entreprise, c'est celui de l'amélioration du cadre juridique, institutionnel et réglementaire organisant la gouvernance d'entreprise, optimisant l'organisation (de l'entreprise) au niveau de la direction et du contrôle, réduisant les conflits d'objectifs entre dirigeants et actionnaires et, enfin, améliorer l'efficacité et l'efficience de l'entreprise et réaliser la croissance économique. Ainsi, cette nouvelle vision pose la problématique des liens entre la bonne gouvernance et les institutions, car l'opérationnalisation de la bonne gouvernance est assurée par les institutions en distinguant, d'un côté, les institutions politiques et juridiques qui contribuent à la construction d'un Etat de droit et à assurer l'accès de la population à la justice et à la sécurité, et de l'autre, les institutions économiques qui assurent le fonctionnement efficace et efficient de l'activité économique et la gestion optimale des ressources économiques et, enfin, les institutions sociales et communautaires, qui assurent l'amélioration de la qualité de la santé et de l'éducation des populations, ainsi que leur consultation et leur participation au processus de développement. Sur le plan politique et institutionnel, on distingue la voix citoyenne et la responsabilité — qui mesurent la manière dont les citoyens d'un pays participent à la sélection de leurs gouvernants —, ainsi que la liberté d'expression, d'association et de presse ; la stabilité politique et l'absence de violence qui mesure la perception de la probabilité d'une déstabilisation ou d'un renversement de gouvernement par des moyens inconstitutionnels ou violents, y compris le terrorisme ; l'efficacité des pouvoirs publics qui mesure la qualité des services publics, les performances de la Fonction publique et son niveau d'indépendance vis-à-vis des pressions politiques ; la qualité de la réglementation qui mesure la capacité des pouvoirs publics à élaborer et à appliquer de bonnes politiques et réglementations favorables au développement du secteur privé ; l'Etat de droit qui mesure le degré de confiance qu'ont les citoyens dans les règles conçues par la société et la manière dont ils s'y conforment et, en particulier, le respect des contrats, les compétences de la police et des tribunaux, ainsi que la perception de la criminalité et de la violence et, enfin, la maîtrise de la corruption qui mesure l'utilisation des pouvoirs publics à des fins d'enrichissement personnel, y compris la grande et la petite corruption, ainsi que «la prise en otage» de l'Etat par les élites et les intérêts privés. - Sur le plan de la bonne gouvernance d'entreprise, on distingue le traitement équitable des actionnaires qui désigne la capacité de l'entreprise à traiter équitablement tous les actionnaires, y compris les actionnaires minoritaires et étrangers. Tout actionnaire doit avoir la possibilité d'obtenir une réparation effective de toute violation de ses droits ; le rôle des différentes parties prenantes dans le gouvernement d'entreprise qui désigne la reconnaissance des différentes parties prenantes à la vie d'une société, tels qu'elles sont définies par le droit en vigueur ou par des accords mutuels, et devant encourager une coopération active entre les sociétés et les différentes parties prenantes pour créer de la richesse et de l'emploi et assurer une pérennité saine des entreprises financièrement ; les responsabilités du conseil d'administration qui désigne la capacité de l'entreprise à assurer un pilotage stratégique de l'entreprise et une surveillance effective de la gestion par le conseil d'administration, ainsi que la responsabilité et la loyauté du conseil d'administration vis-à-vis de la société et de ses actionnaires et la transparence et la diffusion de l'information qui désigne la capacité de garantir la diffusion en temps opportun d'informations exactes sur tous les sujets significatifs concernant l'entreprise (situation financière, les résultats, l'actionnariat et le gouvernement de cette entreprise). La version actualisée de l'année 2009 des indicateurs de gouvernance dans le monde, établie par des chercheurs de la Banque mondiale, montre que certains pays progressent rapidement dans le domaine de la gouvernance, notamment en Afrique, ce qui montre qu'un certain degré d'«afro-optimisme» serait de mise, selon Daniel Kaufmann, co-auteur du rapport et directeur de la gouvernance à l'Institut de la Banque mondiale, tout en reconnaissant que les données font aussi apparaître des différences sensibles entre les pays, voire entre voisins au sein de chaque continent. Les progrès sont en rapport avec les réformes dans les pays où les dirigeants politiques, les décideurs, la société civile et le secteur privé considèrent la bonne gouvernance et la lutte contre la corruption, comme des facteurs indispensables à une croissance durable et partagée. Mais en dépit des acquis en matière de gouvernance dans certains pays, d'autres, en nombre égal, ont vu leurs performances se dégrader sur plusieurs aspects de la gouvernance. Et d'autres, plus nombreux encore, n'ont montré aucun changement significatif. Les indicateurs donnent à penser que là où des réformes sont engagées, la gouvernance peut être améliorée rapidement. II- Institutions démocratiques, efficacité économique et société participative Pour faire respecter le contrat de coopération et induire une efficacité des institutions, il y a des règles de coopération, qui peuvent être informelles (comme les tabous, certaines traditions) ou formelles (écrites, codifiées comme le droit moderne). Les travaux empiriques relatifs aux institutions de gouvernance des entreprises et de gouvernance publique sont au centre de la problématique posée à la plupart des économies en transition : comment réussir le passage d'institutions économiques et politiques largement fondées sur des relations interpersonnelles à des institutions davantage fondées sur des règles. Les économies en transition sont, en effet, confrontées à une double évolution. D'abord économique avec la transition d'un système d'économie planifiée, ou de fort interventionnisme étatique, à celui d'une économie de marché. Ensuite politique avec le passage de système non-démocratique vers des systèmes plus démocratiques. Dans les deux cas, existent des organisations hybrides lors de l'évolution des systèmes opaques largement fondés sur des relations informelles entre intérêts privés, vers des systèmes prenant appui sur des mécanismes plus transparents et davantage respectueux des règles de droit, systèmes dans lesquels ceux qui exercent le pouvoir économique et politique doivent davantage répondre de leurs actes. C'est pourquoi l'on assiste dans bon nombre de pays dominés par la logique de rente qui caractérise souvent le modèle de gouvernance, la construction du cadre institutionnel ainsi que le processus de réformes non pas des logiques d'efficience économique mais la dominance du politique. Pour les économistes qui doivent éviter le juridisme, dans chacun de ces cas de figure, nous assistons à des logiques différentes tant pour la formation du salaire et du rapport salarial, du crédit et du taux d'intérêt qui renvoient à la nature du régime monétaire dualiste, la formation des prix et des profits dépendant dans une large mesure de la forme de la concurrence sur les différents marchés, la différenciation du taux de change officiel et celui du marché parallèle, de leur rapport avec l'environnement international (la sphère marchande étant souvent mieux insérée au marché mondial que la sphère réelle) et, en dernier lieu, leur rapport à la fiscalité, qui conditionne la nature des dépenses et recettes publiques en fait par rapport à l'Etat. Aussi, cette nécessaire intégration implique des règles contractuelles claires loin des relations néo-patrimoniales dominantes pour reprendre l'expression du grand sociologue Max Weber, la dualité des référentiels posant un problème pour une gouvernance globale cohérente, en précisant que la sphère informelle elle-même n'est pas homogène mais est traversée par des segments sociaux parfois à intérêts contradictoires. Cela renvoie à un élément stratégique : la confiance, toujours la confiance, sans laquelle ni système politique ni système économique fiables ne peuvent exister. (Suivra) I.- Qu'est-ce que la bonne gouvernance ? La gouvernance politique comprend la gouvernance mondiale ou globale qui désigne l'ensemble des règles d'organisation des sociétés humaines à l'échelle de la planète et la gouvernance locale qui désigne un ensemble d'institutions, de mécanismes et de processus qui permettent aux citoyens et aux groupements de citoyens d'exprimer leurs intérêts et leurs besoins, de régler leurs différends et d'exercer leurs droits et obligations à l'échelon
locale. Quant à la gouvernance d'entreprises, elle recouvre l'ensemble des mécanismes qui ont pour effet de délimiter les pouvoirs et d'influencer les décisions des dirigeants, autrement dit qui gouvernent leur conduite et définissent leur espace discrétionnaire. Ce qui revient à poser la question centrale, objet de notre problématique, à savoir : quel est l'objectif de la bonne gouvernance pour l'Etat et l'entreprise ? Pour l'Etat, selon Pierre Calame, «le premier objectif de la gouvernance, c'est d'apprendre à vivre ensemble et à gérer pacifiquement la maison commune, d'y assurer les conditions de la survie, de la paix, de l'épanouissement et de l'équilibre entre l'humanité et la biosphère». Quant à l'objectif pour l'entreprise, c'est celui de l'amélioration du cadre juridique, institutionnel et réglementaire organisant la gouvernance d'entreprise, optimisant l'organisation (de l'entreprise) au niveau de la direction et du contrôle, réduisant les conflits d'objectifs entre dirigeants et actionnaires et, enfin, améliorer l'efficacité et l'efficience de l'entreprise et réaliser la croissance économique. Ainsi, cette nouvelle vision pose la problématique des liens entre la bonne gouvernance et les institutions, car l'opérationnalisation de la bonne gouvernance est assurée par les institutions en distinguant, d'un côté, les institutions politiques et juridiques qui contribuent à la construction d'un Etat de droit et à assurer l'accès de la population à la justice et à la sécurité, et de l'autre, les institutions économiques qui assurent le fonctionnement efficace et efficient de l'activité économique et la gestion optimale des ressources économiques et, enfin, les institutions sociales et communautaires, qui assurent l'amélioration de la qualité de la santé et de l'éducation des populations, ainsi que leur consultation et leur participation au processus de développement. Sur le plan politique et institutionnel, on distingue la voix citoyenne et la responsabilité — qui mesurent la manière dont les citoyens d'un pays participent à la sélection de leurs gouvernants —, ainsi que la liberté d'expression, d'association et de presse ; la stabilité politique et l'absence de violence qui mesure la perception de la probabilité d'une déstabilisation ou d'un renversement de gouvernement par des moyens inconstitutionnels ou violents, y compris le terrorisme ; l'efficacité des pouvoirs publics qui mesure la qualité des services publics, les performances de la Fonction publique et son niveau d'indépendance vis-à-vis des pressions politiques ; la qualité de la réglementation qui mesure la capacité des pouvoirs publics à élaborer et à appliquer de bonnes politiques et réglementations favorables au développement du secteur privé ; l'Etat de droit qui mesure le degré de confiance qu'ont les citoyens dans les règles conçues par la société et la manière dont ils s'y conforment et, en particulier, le respect des contrats, les compétences de la police et des tribunaux, ainsi que la perception de la criminalité et de la violence et, enfin, la maîtrise de la corruption qui mesure l'utilisation des pouvoirs publics à des fins d'enrichissement personnel, y compris la grande et la petite corruption, ainsi que «la prise en otage» de l'Etat par les élites et les intérêts privés. - Sur le plan de la bonne gouvernance d'entreprise, on distingue le traitement équitable des actionnaires qui désigne la capacité de l'entreprise à traiter équitablement tous les actionnaires, y compris les actionnaires minoritaires et étrangers. Tout actionnaire doit avoir la possibilité d'obtenir une réparation effective de toute violation de ses droits ; le rôle des différentes parties prenantes dans le gouvernement d'entreprise qui désigne la reconnaissance des différentes parties prenantes à la vie d'une société, tels qu'elles sont définies par le droit en vigueur ou par des accords mutuels, et devant encourager une coopération active entre les sociétés et les différentes parties prenantes pour créer de la richesse et de l'emploi et assurer une pérennité saine des entreprises financièrement ; les responsabilités du conseil d'administration qui désigne la capacité de l'entreprise à assurer un pilotage stratégique de l'entreprise et une surveillance effective de la gestion par le conseil d'administration, ainsi que la responsabilité et la loyauté du conseil d'administration vis-à-vis de la société et de ses actionnaires et la transparence et la diffusion de l'information qui désigne la capacité de garantir la diffusion en temps opportun d'informations exactes sur tous les sujets significatifs concernant l'entreprise (situation financière, les résultats, l'actionnariat et le gouvernement de cette entreprise). La version actualisée de l'année 2009 des indicateurs de gouvernance dans le monde, établie par des chercheurs de la Banque mondiale, montre que certains pays progressent rapidement dans le domaine de la gouvernance, notamment en Afrique, ce qui montre qu'un certain degré d'«afro-optimisme» serait de mise, selon Daniel Kaufmann, co-auteur du rapport et directeur de la gouvernance à l'Institut de la Banque mondiale, tout en reconnaissant que les données font aussi apparaître des différences sensibles entre les pays, voire entre voisins au sein de chaque continent. Les progrès sont en rapport avec les réformes dans les pays où les dirigeants politiques, les décideurs, la société civile et le secteur privé considèrent la bonne gouvernance et la lutte contre la corruption, comme des facteurs indispensables à une croissance durable et partagée. Mais en dépit des acquis en matière de gouvernance dans certains pays, d'autres, en nombre égal, ont vu leurs performances se dégrader sur plusieurs aspects de la gouvernance. Et d'autres, plus nombreux encore, n'ont montré aucun changement significatif. Les indicateurs donnent à penser que là où des réformes sont engagées, la gouvernance peut être améliorée rapidement. II- Institutions démocratiques, efficacité économique et société participative Pour faire respecter le contrat de coopération et induire une efficacité des institutions, il y a des règles de coopération, qui peuvent être informelles (comme les tabous, certaines traditions) ou formelles (écrites, codifiées comme le droit moderne). Les travaux empiriques relatifs aux institutions de gouvernance des entreprises et de gouvernance publique sont au centre de la problématique posée à la plupart des économies en transition : comment réussir le passage d'institutions économiques et politiques largement fondées sur des relations interpersonnelles à des institutions davantage fondées sur des règles. Les économies en transition sont, en effet, confrontées à une double évolution. D'abord économique avec la transition d'un système d'économie planifiée, ou de fort interventionnisme étatique, à celui d'une économie de marché. Ensuite politique avec le passage de système non-démocratique vers des systèmes plus démocratiques. Dans les deux cas, existent des organisations hybrides lors de l'évolution des systèmes opaques largement fondés sur des relations informelles entre intérêts privés, vers des systèmes prenant appui sur des mécanismes plus transparents et davantage respectueux des règles de droit, systèmes dans lesquels ceux qui exercent le pouvoir économique et politique doivent davantage répondre de leurs actes. C'est pourquoi l'on assiste dans bon nombre de pays dominés par la logique de rente qui caractérise souvent le modèle de gouvernance, la construction du cadre institutionnel ainsi que le processus de réformes non pas des logiques d'efficience économique mais la dominance du politique. Pour les économistes qui doivent éviter le juridisme, dans chacun de ces cas de figure, nous assistons à des logiques différentes tant pour la formation du salaire et du rapport salarial, du crédit et du taux d'intérêt qui renvoient à la nature du régime monétaire dualiste, la formation des prix et des profits dépendant dans une large mesure de la forme de la concurrence sur les différents marchés, la différenciation du taux de change officiel et celui du marché parallèle, de leur rapport avec l'environnement international (la sphère marchande étant souvent mieux insérée au marché mondial que la sphère réelle) et, en dernier lieu, leur rapport à la fiscalité, qui conditionne la nature des dépenses et recettes publiques en fait par rapport à l'Etat. Aussi, cette nécessaire intégration implique des règles contractuelles claires loin des relations néo-patrimoniales dominantes pour reprendre l'expression du grand sociologue Max Weber, la dualité des référentiels posant un problème pour une gouvernance globale cohérente, en précisant que la sphère informelle elle-même n'est pas homogène mais est traversée par des segments sociaux parfois à intérêts contradictoires. Cela renvoie à un élément stratégique : la confiance, toujours la confiance, sans laquelle ni système politique ni système économique fiables ne peuvent exister. (Suivra)


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