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� PROPOS DE L�INTERVENTION MILITAIRE �OCCIDENTALE� EN LIBYE
R�actions de court terme et enjeux de long terme
Publié dans Le Soir d'Algérie le 11 - 09 - 2011


Par Nadji Safir, sociologue
La question de l�intervention militaire �occidentale� en Libye ne cesse de susciter des �changes de points de vue aussi nombreux que, l�gitimement, souvent passionn�s. En effet, �tant donn� le contexte international tout � fait exceptionnel dans lequel elle s�inscrit � les �volutions politiques en cours dans le Monde Arabe � et la proximit� imm�diate de ce pays avec le n�tre, ces r�actions se comprennent parfaitement et il est � l'honneur de tous les coll�gues et amis concern�s de manifester, soit leur approbation, soit leur inqui�tude, soit leur franche opposition et, ainsi m�me, d�alimenter un d�bat sain et salutaire.
Et c�est donc dans une optique de clarification, mais aussi de n�cessaire remise en perspective des �v�nements en cours, que je souhaiterais faire part de mon point de vue. I) Tout d'abord, il s�agit de bien savoir � quel type de r�gime on avait affaire en Libye puisqu�il s�agit d�un coup d��tat militaire perp�tr� en septembre 1969 et qui s�est vite transform� en une dictature personnelle, puis familiale, refusant syst�matiquement de remettre en cause, sous quelque forme que ce soit, un pouvoir d�tenu de mani�re absolue et privative � exceptionnellement caricaturale � pendant pr�s de 42 ans. En outre, la notion d��tat de droit n�y avait absolument aucun sens, puisque tout d�pendait des d�cisions d�une seule personne qui, de surcro�t, en contr�lant tout pr�tendait, contre toute �vidence et dans une logique de l�absurde, n�exercer aucune responsabilit� officielle. Il est donc tr�s surprenant qu�une fois sentant sa p�rennit� menac�e, le r�gime se soit lanc� dans de grandes diatribes faisant appel au droit, alors m�me qu�il avait toujours v�cu, au sens propre, comme un v�ritable hors-la-loi. Et ce, tout particuli�rement � l��gard de ses propres �citoyens� qu�il a syst�matiquement r�prim�s et qu�il a toujours menac�s des pires violences, d�s lors que la moindre volont� de contestation lui �tait oppos�e. Allant jusqu�� �voquer leur extermination ainsi que l�illustre le dernier �pisode des menaces directement adress�es aux habitants de Benghazi qui, fort heureusement, a enfin permis de conduire � l�adoption, le 17 mars dernier, de la r�solution 1973 du Conseil de s�curit� � faisant elle-m�me suite � la r�solution 1970 du 26 f�vrier � et dont la mise en �uvre a permis d��viter des massacres effroyables de populations civiles. II) Ensuite, il convient de faire la part des choses en ce qui concerne le s�rieux de certaines informations et �analyses� qui circulent beaucoup, notamment sur internet et qui souvent rel�vent de la pure propagande. A titre d'exemple, je pense aux sp�culations fumeuses sur la volont� �occidentale� de contr�ler le p�trole libyen ; d�j� exploit� depuis longtemps par les compagnies �occidentales� gr�ce � la technologie �occidentale �. Ou de contr�ler les capitaux libyens, d�j� plac�s aupr�s de grands �tablissements financiers �occidentaux� et notamment souscrits en bons du Tr�sor am�ricain ou bien encore investis par l�interm�diaire du fonds souverain �Libyan Investment Authority� dans des entreprises bien �occidentales�. Ou � celles, encore plus fantaisistes, relatives � la menace que feraient peser sur l�h�g�monie des grandes puissances de pr�tendus projets libyens de banque de d�veloppement ou de fonds mon�taire africains. Alors qu�il ne s�agit l� que de simples chim�res agit�es par le dirigeant libyen d�chu pour lui permettre de parader dans des sommets africains regroupant des dirigeants, souvent aussi peu l�gitimes que lui, dont le seul souci est de garder le pouvoir aussi longtemps que possible et dont bon nombre �taient devenus ses agents stipendi�s, gr�ce � l�utilisation faite de la rente p�troli�re libyenne. III) Enfin, pour ce qui concerne les performances postul�es du r�gime libyen d�chu, je rappellerai qu�eu �gard aux v�ritables crit�res de performance de notre �poque, selon le dernier rapport sur la science de l�Unesco de 2010, en termes de production scientifique, en nombre de publications par million d�habitants, la Libye �tait � 15,9. Etant entendu que la Tunisie �tait � 196,2 ; l�Alg�rie � 37,5 ; le Maroc � 36,9 et la Mauritanie � 4,3. La moyenne du Monde Arabe s��tablissait � 41,2 et la moyenne mondiale � 147,8. A titre indicatif, la Turquie avec 243,6 publications par million d�habitants et l�Iran avec 150,4 se situaient au-dessus de la moyenne mondiale de 147,8 ; ce qui �tait �galement le cas pour les pays arabes suivants, outre la Tunisie : Emirats Arabes Unis (147,2), Qatar (152,2), Jordanie (157,1) et Kowe�t (222,5). Par ailleurs, la performance de la Suisse �tait de 2 388,9, d�Isra�l de 1 459,2, du Canada de 1 323,3, des Etats-Unis de 1 022,7, de la Cor�e du sud de 682,9, du Japon de 585,70 et du Br�sil de 139,31. C�est dire dans quel �tat r�el �taient la soci�t� et l��conomie libyenne qui, toutes deux, �taient victimes, outre de la mal�diction du r�gime en place, de celle, trop courante � par ailleurs, affectant l�Alg�rie � dite des ressources naturelles. IV) Quant � l�analyse des rapports de force pr�valant dans le monde actuel, il ne sert � rien de ressortir les analyses les plus �cul�es sur l'imp�rialisme � marxistes ou autres � qui, formul�es dans des contextes historiques totalement diff�rents � de fait, du XIXe si�cle � sont d�sormais compl�tement obsol�tes car, aujourd�hui, nous avons besoin d'analyses nouvelles pour comprendre un monde totalement nouveau. En effet, il est en rapide transformation dans un contexte de grande transition historique, vers une nouvelle configuration mondiale �post-occidentale� de plus en plus domin�e par la centralit� de l�Asie et marquant la fin d'un long cycle de domination �occidentale � de cinq si�cles, d�but� en 1492 avec la conqu�te de l�Am�rique par les Europ�ens. Dans le nouveau contexte mondial, donc non seulement postcolonial, mais �galement �postoccidental �, les m�mes logiques de type �imp�rialiste�, exprimant une volont� de puissance, animent aujourd�hui tout autant les Etats-Unis que demain elles animeront la Chine. En tout �tat de cause, la firme am�ricaine ainsi que la compagnie chinoise qui interviennent quelque part dans le monde n'ont besoin de contr�ler ni physiquement, ni politiquement � et encore moins militairement � le territoire o� elles d�ploient leurs activit�s car tous les enjeux de contr�le r�el des processus �conomiques se sont d�plac�s, depuis plusieurs ann�es d�j�, vers l�amont de la production. V) En effet, l'importance croissante de la connaissance, en tant que facteur intervenant directement dans le d�roulement m�me du proc�s de production fait qu'aujourd'hui, de plus en plus, dans tout produit (bien ou service) il y a une cristallisation croissante de cette connaissance m�me. D�s lors, les v�ritables proc�s de contr�le effectif de l'�conomie � les plus d�cisifs aux plans national et, surtout, mondial � se d�calent de plus en plus vers l'amont des proc�s de production, constitu�s par les segments concentrant le maximum de cr�ation de haute valeur ajout�e � ceux de la conception � et n�cessitent, donc de moins en moins de pr�sence physique vers les segments d'aval � ceux de la production � et, donc, certainement encore moins de territoires � occuper. Comme le prouvent les processus de d�localisation croissante des activit�s de production vers les pays du Sud, les entreprises du Nord, contraintes de d�finir de nouvelles strat�gies d�adaptation aux �volutions du monde, sont de moins en moins int�ress�es par une pr�sence physique directe dans les pays du Sud. Quant aux mati�res premi�res, elles sont exploit�es dans le cadre de partenariats avec les firmes publiques et/ou priv�es locales qui, souvent, n'ont d'autre choix que d'entrer dans une relation servant les int�r�ts � y compris tous ceux li�s � la pr�dation et � la corruption, en l'absence d'un v�ritable projet national �des �lites du pays concern�. D�s lors, il convient de sortir des sch�mas visant � remettre � l�ordre du jour l�in�luctabilit� de nouvelles occupations coloniales telles que nous les avons connues dans la phase initiale d'expansion de l'Europe, � partir des XVI/XVIIe si�cles. VI) La mondialisation qui a certainement beaucoup d�aspects n�gatifs � notamment pour ce qui concerne de nombreux et graves d�ficits de r�gulation, particuli�rement du syst�me financier � ne doit pas pour autant �tre rendue responsable de tous les �maux de la terre�. C'est gr�ce � elle qu'aujourd'hui, nous entrons dans le monde �post-occidental� �voqu� et que les Etats-Unis sont, d�sormais, une puissance � certes encore dominante pour longtemps � mais objectivement inscrite dans une trajectoire de d�clin, encore relatif, bien s�r. C'est gr�ce � la mondialisation que des centaines de millions d'hommes sont sortis de la pauvret� en Asie, sur les vingt derni�res ann�es. Elle est en train, progressivement, de g�n�rer un nouveau cadre r�el et institutionnel qui permet une g�n�ralisation progressive de relations d'�changes de produits, d'informations, de connaissance et d'images, mais qui suppose, en m�me temps bien s�r, une d�marche d'ensemble, en termes de gouvernance globale, pour en am�liorer de mani�re durable le fonctionnement. Condition incontournable afin de r�duire et de ma�triser les nombreux d�s�quilibres - sociaux, �conomiques, g�ographiques, �cologiques, etc. � qui continuent de l'affecter lourdement et p�sent directement sur les conditions syst�miques des perspectives de la croissance mondiale. VII) Cependant, quoiqu�on puisse en dire, si les �quilibres mondiaux sont actuellement en train de changer, c'est gr�ce � la formidable lib�ration des �nergies qui s'est d�roul�e ces vingt derni�res ann�es, essentiellement en Asie, et qui, fondamentalement, a repos� sur le principe d�une r�gulation de l'�conomie par le march�. Que ce soit en Inde, dans les divers pays du Sud-est asiatique, en Cor�e, � Taiwan ou, principalement, en Chine c'est bien certainement gr�ce � l'adoption de ce type de r�gulation que les soci�t�s concern�es ont pu lib�rer et exprimer les immenses potentiels qu'elles recelaient. Dans le cas de la Chine, il convient de reconna�tre qu'en derni�re analyse, les politiques les plus efficaces contre l'h�g�monie am�ricaine � donc, effectivement anti-imp�rialistes eu �gard � la domination alors exerc�e par les Etats-Unis � auront �t� celles men�es depuis les r�formes inspir�es par Deng Xsiao-ping qui, en sensiblement trente ans, ont fait de l'�conomie chinoise la deuxi�me du monde, appel�e � court terme � en devenir la premi�re. Et l�ont ainsi mise sur une trajectoire ascendante, d�sormais irr�versible, mena�ant directement les positions dominantes
de l'Europe et des Etats-Unis dans tous les domaines � y compris militaires et g�ostrat�giques � et, ipso facto, introduisant de nouveaux �quilibres et rapports de force � l��chelle mondiale. VIII) Ceci dit, bien s�r, les Etats-Unis demeureront et probablement pour longtemps encore une grande puissance, notamment militaire, pesant de mani�re absolument d�cisive au sein de l�OTAN et dont les capacit�s de domination du monde resteront sur une longue p�riode tr�s importantes. Ainsi, en 2010, si on consid�re les d�penses militaires (hard power) des 20 premiers pays class�s dans le domaine, les Etats-Unis qui arrivent en t�te � suivis de la Chine � d�pensent � eux seuls, sensiblement, autant que les 19 autres, Chine comprise. Cette supr�matie se manifeste bien pour tout ce qui se rapporte aux capacit�s de projection de forces, notamment les porte-avions ; et c�est ainsi qu�ils en ont actuellement 11, contre 1 seul, lanc� cette ann�e, pour la Chine. En outre, les int�r�ts de leurs cercles dirigeants dominants ne correspondent pas toujours aux n�tres comme l'illustre l'exemple patent du soutien syst�matique qu'ils apportent � Isra�l et qui contribue � maintenir depuis trop longtemps le peuple palestinien dans une situation coloniale inacceptable ; ou bien encore leur intervention en Irak en 2003, dont ils essaient actuellement de se d�p�trer. Mais, en m�me temps, la soci�t� am�ricaine est une soci�t� ouverte, dynamique et cr�ative qui gr�ce � ces qualit�s dispose, entre autres, des meilleures universit�s et structures de recherche du monde gr�ce auxquelles elle a produit tous les attributs de l'�conomie num�rique qui ont compl�tement boulevers� notre monde et par l�interm�diaire desquels, aujourd'hui, nous �changeons : Internet, Google, Microsoft, Skype, ainsi que les divers r�seaux sociaux et autres blogosph�res. C�est cet ensemble d�attributs ainsi que son impressionnante production culturelle qui continuent de lui donner aux yeux du reste du monde une tr�s forte capacit� d'attraction (soft power) qu'aucun anti-am�ricanisme primaire ne pourra jamais significativement alt�rer et, encore moins, nier. IX) Si le monde de demain n�est pas encore pleinement sous nos yeux, il n�en demeure pas moins que les tendances lourdes majeures qui le g�n�rent sont � l��uvre depuis longtemps d�j� et, de plus en plus, ses contours commencent � se pr�ciser. En fait, � un horizon relativement proche � sensiblement 2030/2050 � sur la base de l��volution des tendances les plus r�centes, il est permis d�imaginer un monde fondamentalement multipolaire dont les principaux p�les, au nombre d�une dizaine, seront constitu�s de puissances d�abord �conomiquement pertinentes de par leurs dynamiques internes de cr�ativit� et celles de leur importante participation aux �changes �conomiques mondiaux : Etats- Unis, Union europ�enne, Chine, Inde, Japon, Russie, Br�sil, une Cor�e r�unifi�e ; ainsi qu��ventuellement, si leur trajectoire �conomique actuelle se confirme et si elles am�liorent substantiellement leurs performances dans les domaines de la science et de la technologie, l�Indon�sie et la Turquie. A partir de cette dizaine de p�les � �conomiques de base, en quelque sorte � ne devraient pas �merger, de par leur impact significatif au plan militaire, plus de deux ou trois puissances globales : Etats-Unis et Chine bien s�r et, peut-�tre, l�Inde, avec un r�le plus centr� sur des perspectives h�g�moniques en Asie m�me et ouvertes sur l�oc�an Indien. Au final, dans cette probl�matique, comme l�indiquent plusieurs hypoth�ses � d�j� tr�s s�rieusement et officiellement �voqu�es au sein des �lites dirigeantes russes elles-m�mes, conscientes des graves d�ficits syst�miques de leur pays, notamment d�ordre d�mographique � l�OTAN s��tendrait, selon la formule d�sormais consacr�e, de Vancouver � Vladivostok. Englobant l�Am�rique du Nord et l�essentiel de l�espace eurasien � Union europ�enne et Russie comprises donc, ainsi qu�au moins un pays musulman important, la Turquie � l�OTAN devrait clairement �merger comme la plus grande et la plus puissante alliance militaire au monde. X) Or, cette Alliance, quelles que soient les �volutions futures de sa configuration, est pour nous, aujourd�hui d�j�, un voisin avec lequel, depuis 2000, soit avant m�me le 11 septembre 2001, nous avons commenc� � entretenir d�importantes relations officielles de coop�ration. D�velopp�es, soit dans le cadre du �Dialogue m�diterran�en� � r�unissant notamment les autres pays de l�UMA, � l�exception de la Libye, ainsi que l�Egypte � soit dans un cadre bilat�ral, soit encore dans un cadre parlementaire et marqu�es par la visite du pr�sident Bouteflika au si�ge de l�Alliance, � Bruxelles, en 2001. Par ailleurs, depuis 2004, nous sommes �galement engag�s dans une initiative �5+5 D�fense� qui, outre les cinq pays de l�UMA, implique du c�t� europ�en cinq pays membres de l�Otan : Portugal, Espagne, France, Italie et Malte. Tout comme, sous un autre angle, il convient de ne pas oublier le r�le jou� par l�Otan en 1999 pour prot�ger les populations du Kosovo dans le cadre des �accords de Rambouille� et qui, finalement, a permis l��mergence, en Europe, d�un Etat ind�pendant et � majorit� musulmane. C�est donc dire qu�il convient de se m�fier de toute approche essentialiste qui, ipso facto, diaboliserait en soi l�Otan et/ou �l�Occident� et reviendrait � les utiliser comme un nouvel �axe du mal� � rebours, servant de repoussoir � assimilables � l�ogre, �ghoul� ou �bouloulou�, de notre enfance � et visant � imm�diatement d�clencher des r�flexes pavloviens de rejet. Car reprendre les clich�s d�hier, voire d�avant-hier, pour les plaquer tels quels sur les r�alit�s en rapide mutation d�aujourd�hui ne peut que conduire � de graves erreurs d�appr�ciation de telle ou telle situation et � beaucoup plus inqui�tant � surtout � une incompr�hension totale de la complexit� contemporaine que fa�onne tous les jours la jeunesse du monde, celle de nos pays en premier lieu, comme l�illustrent les �volutions dans nombre de pays arabes. XI) Cette incompr�hension des dynamiques contemporaines est pr�cis�ment patente dans les th�ses �complotistes� postulant l�intervention non d�clar�e d�acteurs ext�rieurs �occidentaux� et selon lesquelles tous les �v�nements actuels �taient pr�par�s depuis longtemps dans des officines obscures, des cabinets noirs et des �think tanks� myst�rieux. Et c�est ainsi que, quotidiennement, se d�versent sur nous, � n�en plus finir, des informations faisant �tat de tel ou tel document ou bien de tel ou tel conciliabule, tous �videmment plus ou moins secrets, datant de quelques ann�es et qui, bien s�r, avaient soigneusement tout �pr�par�. Ce �complotisme� vivace, pour l�essentiel, correspond � une perception du monde dans laquelle des superacteurs �occidentaux� ultrapuissants � v�ritables �deus ex machina� contemporains � agiraient en permanence en ma�tres ultimes des destin�es du monde dont ils manipuleraient sans cesse tous les autres acteurs. Que cette th�se soit v�rifi�e ou pas importe peu car en r�alit� elle ne r�sout aucun probl�me et n�est que d�un tr�s faible apport en termes de compr�hension des �volutions du monde et de formulation d�une vision et d�une politique globales � son �gard. En effet, elle repose sur une �vidence puisque, depuis que le monde existe, les dominants ont toujours essay� de maintenir et renforcer leur domination et, en sens inverse, les domin�s ont toujours essay� � � juste titre � de la contester pour se lib�rer. D�autant qu�en derni�re analyse, les faibles r�sultats de ces manipulations sont souvent patents et je n�en voudrai pour preuve que deux exemples. Les Etats-Unis ont pens� utiliser, comme un simple instrument �technique�, les combattants islamistes en Afghanistan pour chasser les Sovi�tiques et se sont retrouv�s attaqu�s sur leur sol le 11 septembre 2001. Tout comme, d�un autre point de vue, tous les � complots � � certainement bien plus que r�els � maniganc�s par les Etats-Unis pour contrer la R�publique populaire de Chine, depuis le 1er octobre 1949, ne l�ont pas emp�ch�e de devenir, � la fois, la grande puissance qu�elle est aujourd�hui et, par une admirable ruse de l�Histoire, le premier cr�ancier de son � ancien ? � ennemi. Car, en derni�re analyse, seule compte la volont� de changement des peuples, telle que mat�rialis�e dans leurs capacit�s effectives � �voluer au rythme du monde et � lui imprimer leur marque. XII) Or, aujourd�hui, le nouveau contexte mondial est le r�sultat d�une extension et d�un approfondissement des logiques de mondialisation qui, depuis longtemps d�j�, ont gagn� les domaines de la culture, des id�es, des symboles, des perceptions, des imaginaires et des r�ves m�mes, contribuant ainsi directement � bouleverser tout ce qui, dans chacune des soci�t�s, concerne les syst�mes de normes et de valeurs. La diffusion massive croissante des nouvelles technologies de l�information et de la communication � Internet, t�l�phones portables, t�l�visions satellitaires, r�seaux sociaux, etc. � dont, par ailleurs, les co�ts d�acquisition des produits ou d�acc�s aux services ne cessent r�guli�rement de baisser a compl�tement boulevers� tous les canaux traditionnels de circulation de l�information et de la connaissance. Et c�est ainsi que le �village global� chaque jour un peu plus en voie de r�tr�cissement dans lequel nous vivons permet � tous les peuples � et donc � ceux du Sud aussi � de s'ouvrir au monde, de mieux se conna�tre les uns les autres, de consid�rer qu'ils ont droit aux m�mes modes de r�gulation de la soci�t�, de l'�conomie, de l'Etat que ceux pr�valant dans les soci�t�s qu'ils consid�rent � le plus souvent l�gitimement � comme les plus avanc�es. Si besoin �tait, les migrations internationales du Sud vers le Nord sont l� pour prouver tous les jours la tr�s forte attractivit� du mod�le des soci�t�s ouvertes telles qu'elles fonctionnent en Europe et en Am�rique du Nord. XIII) Dans un tel contexte, il est tout � fait compr�hensible que
les peuples du Sud � arabes aujourd'hui, probablement africains subsahariens demain � estiment inacceptables les modes de gouvernance fondamentalement autoritaires et m�me carr�ment humiliants qui leur sont impos�s. Ils voient successivement �passer� � notamment gr�ce aux images quotidiennement v�hicul�es par les t�l�visions satellitaires � 3,4,5, voire plus, leaders dans les pays d�mocratiques alors qu'ils sont eux-m�mes soumis � la dictature pr�datrice se voulant �ternelle d'un seul leader local. Ou, encore plus grave, dans certains cas, apr�s son d�c�s, il est remplac� par son fils comme cela a pu �tre d�j� le cas en Syrie et au Gabon et, en Asie, dans un autre royaume de l�absurde, la sinistre Cor�e du Nord. A cet �gard, probablement encore plus que tous les autres, le r�gime libyen d�chu est absolument scandaleux car il repr�sente de mani�re caricaturale tous les d�fauts des syst�mes autoritaires en place puisque, pendant 42 ans, un pays entier a �t� g�r� comme une propri�t� personnelle. Evidemment, ce genre de r�gime pour mieux faire illusion va toujours se v�tir d'un apparat en �isme� quelconque, alors qu'en derni�re analyse seule compte pour lui la stricte p�rennit� du cercle familial �troit qui contr�le le pays. Les deux exemples patents de la Syrie et de la Libye montrent que les r�gimes maintenus en place par la terreur n'ont plus aucun projet national cr�dible. Actuellement, � la t�l�vision, tous les jours, on voit des chars de l�arm�e syrienne entrer en action contre des populations manifestant pacifiquement, alors qu'une partie du territoire national (le plateau du Golan) est occup�e depuis 1967. Dans le m�me sens, lors qu�en septembre 2007, l�aviation isra�lienne avait d�truit une importante installation strat�gique � � caract�re nucl�aire ? � syrienne, � aucun moment le r�gime n�a exprim� la moindre protestation. Situation absolument inimaginable et qui donne clairement une id�e de l�incapacit� de ce type de pouvoir � tourner ses canons vers une autre cible que celle constitu�e par son propre peuple. XIV) Alors, �videmment face � ces situations se pose la question de la souverainet� nationale qui, r�guli�rement, revient comme un th�me majeur dans les d�bats actuels. Encore faut-il savoir quel sens elle peut encore avoir dans le contexte de r�gimes dictatoriaux et pr�dateurs qui massacrent des populations civiles sans d�fense. Tout en �tant attach�, en termes de principe, bien s�r, au concept de souverainet� nationale, je consid�re que �la balle est dans notre camp� et que c'est � nous de lui donner un contenu r�el qui la rende digne d'�tre respect�e. Ou alors, la souverainet� nationale doit-elle devenir la simple justification l�gale du massacre des peuples � huis clos par les �lites pr�datrices locales qui consid�reraient comme de banales affaires internes, un processus d��limination physique non pas de citoyens, mais de serfs, voire d�esclaves ? Lorsque le pouvoir des Khmers rouges au Cambodge s�est lanc�, apr�s 1975, dans une entreprise d�extermination � maintenant clairement �tablie comme �tant assimilable � un g�nocide et jug�e comme telle par une juridiction internationale � fallait-il lui laisser les mains libres, au motif que, comme pouvoir en place, il �tait prot�g� par le principe de souverainet� nationale ? A cet �gard, il convient de relever que dans le cas du Cambodge, c�est le Vietnam voisin qui est intervenu et, au d�but de l�ann�e 1979, en renversant le pouvoir criminel des Khmers rouges, a mis fin au g�nocide en cours dans le pays. Qu�en est-il des contextes internationaux directs dans le monde arabe et en Afrique ? Les deux organisations r�gionales concern�es � Ligue arabe et Union Africaine � se sont largement discr�dit�es en devenant, de fait, des clubs de d�fense des int�r�ts des chefs d�Etat en place, proposant, � ce titre, des solutions formelles et �triqu�es, �r�inventant �ternellement l�eau ti�de� et ne tenant aucun compte des int�r�ts r�els des peuples. Une r�cente et timide avanc�e de la Ligue arabe sur la crise syrienne est en cours et devra �tre �valu�e au terme du processus engag� � l�aune de ses r�sultats. D�ailleurs, il est significatif que les coordinations des manifestations syriennes qui, symboliquement, donnent un nom � chaque vendredi ont d�cid� d�appeler celui du 9 septembre 2011 �vendredi de la protection internationale�, dans une d�marche qui, tr�s justement, relativise de beaucoup � voire, rejette � la fausse sacralit� dont certains pouvoirs veulent entourer la notion de souverainet� nationale, en la r�duisant � un simple instrument au service de leurs stricts int�r�ts de survie et de pr�dation. XV) Le monde arabe traverse actuellement une p�riode historique absolument essentielle car, pour la premi�re fois depuis la phase des luttes anticoloniales, il s'inscrit de nouveau dans le sens de l'histoire, et ce, dans la mesure o�, de plus en plus, y circulent et y prennent racine des dynamiques sociales significatives proc�dant de logiques intellectuelles et symboliques ouvertes sur l'universalit� ; notamment celles relatives � l�Etat de droit et aux droits de l�homme. Bien s�r, comme sous d�autres cieux, une hirondelle ne fera pas le �printemps arabe� d�autant que cette expression, forg�e � la va-vite ne correspond nullement � la temporalit� r�elle des �volutions n�cessaires � dans les �conomies, les soci�t�s et les consciences individuelles et collectives � qui sont d�j� en train de marquer la r�gion et qui vont demander encore beaucoup de temps. En effet, la gravit� des probl�mes accumul�s par la r�gion n'incite pas � croire � l�imminence de solutions miraculeuses que permettrait, ipso facto, de d�gager un processus d�mocratique. D�autant que lui-m�me n�est pas du tout garanti tant, sur le terrain, les conditions g�n�rales n�cessaires � son bon fonctionnement paraissent difficiles � r�unir, � consolider et � durablement pr�server. En effet, les d�ficits enregistr�s dans bien des domaines essentiels � justice et Etat de droit, structuration du champ politique, syst�mes d�enseignement, de formation et de recherche, ma�trise de la science et de la technologie, capacit�s r�elles des syst�mes productifs et faible productivit� du travail, etc. � laissent penser que toute la r�gion va �tre confront�e � une difficile phase de transition, probablement chaotique et appel�e � durer avant que ne soient r�alis�es les conditions d�une relative stabilit�, permettant donc un exercice satisfaisant de la d�mocratie. C�est dire que les choix � op�rer dans les ann�es qui viennent vont �tre difficiles et qu�il convient de ne pas se tromper � une fois, de plus � pour tout ce qui se rapporte aux orientations strat�giques � adopter ; ce qui ne ferait qu'aggraver les multiples crises en cours. Ce sera l�un des principaux enjeux pour les nouvelles �quipes dirigeantes port�es au pouvoir par les �volutions politiques actuellement en cours. XVI) Et ce, alors que, depuis de nombreuses ann�es, les publications de toutes natures s�amoncellent qui ne cessent de mettre en �vidence l�extr�me acuit� des probl�mes structurels qui se posent dans la r�gion. A commencer par les divers Rapports sur le d�veloppement humain dans le monde arabe publi�s par le Programme des Nations unies pour le D�veloppement � depuis le premier en 2002 � dont la lucidit� et le courage, voire la pr�science sont � saluer. En fait, par leur gravit�, les blocages identifi�s compromettent tant le positionnement actuel que, probablement surtout, les perspectives de la r�gion dans un nouveau contexte mondial largement domin� par la nouvelle �grande transformation � globale que constitue l�irr�versible processus de (r�)�mergence de plusieurs p�les asiatiques, Chine en t�te, bien s�r. Dont il faut bien �tre conscient qu�il fait directement peser sur la r�gion une s�rieuse menace d�aggravation du processus de d�clin qui, de mani�re g�n�rale, la concerne et qui, aujourd�hui d�j�, est particuli�rement sensible y compris � fait notable � au sein m�me d�un ensemble tr�s fortement symbolique auquel elle appartient, le monde musulman. L'exp�rience des pays asiatiques dont maintenant nous disposons prouve qu'en termes de politique �conomique il n'y a pas d'autre choix que celui de la participation de mani�re active aux �changes mondiaux de biens, de services et de connaissances. Car, en effet, de nouvelles illusions autoritaristes � islamistes ou autres � aux plans politique, �conomique et culturel risquent d'�tre fatales pour les pays de la r�gion dans le difficile contexte international qui s'annonce et qui sera impitoyable pour tous ceux dont les choix auront �t� effectu�s sur la base d'une analyse erron�e de la nouvelle phase historique dans laquelle l'humanit� est entr�e. Les nouveaux projets � formuler devront, certes, comporter une dimension �conomique centrale impliquant un repositionnement positif de la r�gion dans les �changes mondiaux, hors mati�res premi�res. Mais, n�cessairement multidimensionnels et complexes, ils devront �galement proc�der d�une d�marche globale assumant des dimensions culturelles et politiques ouvertes sur le monde. XVII) En fait, si nous voulons r�ellement avancer, nous devons d�finitivement �radiquer toute forme de �za�misme� de nos champs politique, bien s�r, mais aussi intellectuel, moral et psychologique et, au plus vite, (re)trouver les chemins de la cr�ativit� individuelle et collective. Les valeurs de libert�, de dignit�, de respect des droits de l'homme ne sont en aucun cas �occidentales� car elles ont leur pendant dans toutes les cultures du monde et il nous appartient de retrouver dans la n�tre les ingr�dients nous permettant de leur redonner toute la l�gitimit� sociale endog�ne qui doit �tre leur. Si les puissances �occidentales � les instrumentalisent � ce qui est souvent le cas � ce doit �tre consid�r� comme leur probl�me et non le n�tre. Et il nous appartient de les d�noncer pour ce qu'elles en font en nous effor�ant d'avoir autant de l�gitimit� qu'elles � en assumer, si ce n'est la
paternit� formelle, du moins l'effectivit� de la pratique et de la transmission du message dans nos soci�t�s. La meilleure illustration de ce type de probl�me est celle dite du �deux poids, deux mesures� trop souvent appliqu� dans les relations internationales � entre autres, � la question palestinienne qui nous concerne directement � et que nous devons fermement d�noncer ; encore fautil que nous soyons pleinement fond�s � le faire par la qualit� de notre vision et celle de nos pratiques. En tout �tat de cause, nous devons sortir de cette conception essentialiste de �l�Occident� comme ennemi h�r�ditaire et �ternel et r�gir nos rapports avec lui conform�ment � une vieille formule qui a fait ses preuves et selon laquelle nous n�avons ni amis, ni ennemis permanents, mais toujours des int�r�ts permanents. D�autant que cet �Occident�, aujourd�hui tant d�cri�, nous � Arabes et Musulmans � avons beaucoup contribu� � sa naissance intellectuelle par l�interm�diaire de deux fili�res d�cisives, l�une philosophique et l�autre scientifique, porteuses de logiques fondamentales de rationalit� qui ont longtemps parcouru notre propre histoire et que lui, tr�s intelligemment, a su assimiler et se r�approprier entre les XIIe et XVIe si�cles ; phase historique pr�paratoire de �sa Renaissance� et qu�il convient de ne pas oublier. Et c�est bien pourquoi, aujourd�hui, rejeter purement et simplement tout apport �occidental� c�est aussi nous amputer d�une grande et belle partie de nousm�mes. Alors que nous en avons besoin pour formuler un projet de modernit�, languissant depuis les impasses de la Nahdha au XIXe si�cle qui, malgr� beaucoup de bonnes questions, n'avait pas �t� en mesure de formuler les r�ponses n�cessaires. XVIII) Ceci dit, dans le nouveau contexte r�gional actuel, les positions prises par la diplomatie officielle alg�rienne sont totalement d�cal�es par rapport � des �volutions majeures qu�elle semble, contre toute analyse objective, ignorer ou vouloir faire semblant d�ignorer, commettant ainsi une grave erreur d�appr�ciation. Ne pas avoir reconnu, � ce jour, le Conseil National de Transition libyen va faire pour longtemps de la Libye un pays qui, d�une mani�re ou d�une autre, nous sera hostile. Et ce, alors m�me qu�en raison du conflit du Sahara occidental nos relations avec le Maroc sont dans une impasse qui dure depuis plus de 35 ans et dont, aujourd�hui encore, on ne voit aucune sortie pr�visible. En outre, il convient de prendre en consid�ration le fait que l��gypte, la Libye et la Tunisie, de par leur trajectoire partag�e de changement politique, vont n�cessairement d�velopper entre elles diverses formes de synergies et de solidarit�s communes. Par ailleurs, au Nord, les Etats-Unis et l�Union europ�enne vont renforcer leurs relations avec ces quatre pays � Maroc, Tunisie, Libye et Egypte � dont ils vont suivre avec le plus grand int�r�t les �volutions politiques futures. En m�me temps, au Sud, ind�pendamment m�me des cons�quences du changement de r�gime intervenu en Libye, les pays du Sahel sont appel�s � se transformer et pour tr�s longtemps en une zone de grande instabilit� chronique. Ce sera surtout en raison des tr�s lourdes contraintes de leurs perspectives d�mographiques (ainsi, en 2050 Mali et Niger r�unis auront une population totale de l�ordre de 98 millions d�habitants, pratiquement autant que Maroc, Tunisie et Alg�rie r�unis ; l�Alg�rie en ayant 47), des graves cons�quences attendues des deux crises globales, climatique et �cologique, ainsi que des diverses formes de terrorisme, crime organis� et trafics en tous genres affectant d�j� cet espace. C�est dire combien le pays risque de se retrouver pi�g� dans une inqui�tante et dangereuse situation combinant isolement croissant et voisinage porteur de risques, voire de menaces. Un contexte aussi contraignant ne pourra lui offrir que peu de r�elles possibilit�s d�action pour assurer un rayonnement ext�rieur dynamique, coh�rent et cr�dible, condition essentielle de d�fense des int�r�ts nationaux. XIX) Les mutations syst�miques en cours dans les deux contextes � mondial et r�gional � doivent �tre pour le pays l�occasion d�engager une profonde r�flexion et un large d�bat d�mocratique sur la fa�on dont nous concevons notre place dans le monde et qui suppose, �galement, une �valuation lucide de nos probl�mes internes. A l�issue d�un tel processus, nous devrions �tre en mesure de faire �merger notre �conception du monde� et de la place que nous souhaitons y occuper ; domaines pour lesquels la philosophie allemande a forg� le concept de �Weltanschauung�. De ce point de vue, tout en estimant � leur juste valeur les ind�niables atouts � de toutes natures � dont b�n�ficie notre pays et donc en affirmant le r�le important qu�il lui revient de jouer, notamment dans la r�gion, nous devons �galement op�rer notre �notre propre r�volution copernicienne� et cesser de croire ou de faire semblant de croire que le monde tourne autour de l�Alg�rie. En nous ouvrant de toute urgence au monde, nous devons sortir d�un inqui�tant t�te-�-t�te avec nousm�mes qui, depuis de trop nombreuses ann�es d�j�, n�a fait que d�velopper une mentalit� de �forteresse assi�g�e�. Les cons�quences catastrophiques de ce syndrome se mesurent objectivement chaque jour, sur la base du constat affligeant des faibles performances r�elles du pays � mis � part les nombreux indicateurs de plus en plus formels, strictement d�pendants de l�indispensable �apport en oxyg�ne � fourni par les ressources renti�res � dans tous les domaines qui comptent r�ellement pour b�tir l�avenir. Et ce, notamment, pour tout ce qui se rapporte � la production de biens � hors hydrocarbures � de services et de connaissances, en mesure de respecter les exigences de la comp�tition mondiale ; comme, par ailleurs, il en va pour l�emploi et la qualit� de vie. Tous domaines dans lesquels nos performances r�elles ne cessent de se d�t�riorer. XX) Le changement de r�gime intervenu en Libye, quels que soient les probl�mes dont il peut �tre porteur � et il y en aura n�cessairement � peut aussi offrir de nouvelles perspectives de relance du processus de construction du Maghreb. Car c�est notre seul espace naturel, dict� par notre forte communaut� de destin inscrite dans la �longue dur�e� historique, quels que soient les aspects, positifs ou n�gatifs, envisag�s et en direction duquel nous devrions nous inspirer de l�un des cinq principes sur lesquels se base officiellement l�actuelle diplomatie turque : �z�ro probl�me avec les voisins�. L�Union du Maghreb arabe vit depuis sa cr�ation, en 1989, une crise majeure, s�apparentant de plus en plus � un in�luctable processus de suicide collectif pour les cinq pays. En effet, chacun d�eux, � lui seul, n�a absolument aucune chance de formuler le moindre projet cr�dible d�insertion dynamique dans la mondialisation et ne peut que continuer de tourner en rond, en perp�tuant dans son petit coin ses actuels calculs et bricolages de court terme. D�autant que, les cinq pays de l�UMA r�unis repr�sentent, certes, un potentiel �conomique appr�ciable, mais ne forment � malgr� les hydrocarbures alg�riens et libyens, en eux-m�mes tr�s trompeurs � qu�un ensemble limit� � l��chelle du monde et des grands acteurs qui vont, de plus en plus, en dominer la sc�ne. En effet, sur la base de r�centes estimations du Fonds mon�taire international, avec une projection de PIB nominal en 2015 de l�ordre de 526 milliards de $, l�UMA � en additionnant les PIB des cinq pays � �p�serait �conomiquement � un peu plus que la Norv�ge ou l�Afrique du Sud et un peu moins que la Belgique ou la Suisse ; ou encore, sensiblement, la moiti� de la Turquie ou de l�Indon�sie, le tiers de l�Espagne et � peine plus que le sixi�me de la France. Et c�est dire combien le cadre � m�me tr�s limit� � l��chelle du monde � que repr�sente l�UMA doit constituer pour nous un seuil minimum de survie � atteindre, pr�server et consolider pour formuler, � la fois, notre propre projet national de sortie de crise et notre contribution � un projet commun de modernit� dont tous les peuples de la r�gion ont besoin. Au terme de cette r�flexion et � l�heure o�, dans certains cercles dirigeants des pays de l�Union europ�enne, on est en train de penser aux Etats- Unis d�Europe, je ne peux m�emp�cher de poser la question de savoir de quel poids pourront, dans le monde de demain, peser les �tats d�sunis du Maghreb. A cet �gard, il est toujours salutaire de relire l�immense et toujours n�cessaire penseur maghr�bin que fut Ibn Khaldoun et qui, dans La Muqaddima (Texte traduit par Abdesselam Cheddadi - Biblioth�que de La Pl�iade � 2002 � p 946) � propos de l��tat de la connaissance au Maghreb, d�crit ainsi une ambiance cr�pusculaire dont il convient, aujourd�hui plus que jamais, de se souvenir, pour ne plus avoir � la revivre : �Lorsque le vent de la civilisation eut cess� de souffler sur le Maghreb et sur l�Andalus et que le d�clin de la civilisation entra�na celui des sciences, les sciences rationnelles disparurent, � l�exception de quelques vestiges qu�on peut rencontrer encore chez un petit nombre de personnes isol�es, soumises � la surveillance des autorit�s de la Sunna�. Alors, prenons garde et mobilisons toutes nos forces � notre intelligence surtout � pour �viter qu�une fois de plus �le vent de la civilisation cesse de souffler sur le Maghreb�. En conclusion, je citerai le philosophe Jean-Paul Sartre qui avait �crit, en 1961, pour Les damn�s de la terre de Frantz Fanon, une tr�s belle pr�face, longtemps demeur�e c�l�bre. Mais en paraphrasant une phrase, emprunt�e � une autre de ses �uvres Saint Genet, com�dien et martyr, dans laquelle il �crivait : �L�important n�est pas ce qu�on fait de nous, mais ce que nous faisons nous-m�mes de ce qu�on a fait de nous�. De mon point de vue, donc : certes, l'important est ce qu'on a fait de nous, mais, aujourd�hui, le plus important, c�est ce que nous avons nous-m�mes d�j� fait de ce qu'on avait fait de nous ; et le plus d�terminant
c�est ce que nous envisageons, demain, de faire de ce que nous avons nous-m�mes d�j� fait de nous.
N. S.


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