Les forces syriennes appuyées par des blindés et des hélicoptères ont lancé mardi un assaut contre Rastan, ville du Centre-Ouest du pays devenue un point de rassemblement des déserteurs de l'armée, rapportent des habitants. Des dizaines de chars et de blindés sont entrés dans cette cité de 40 000 habitants située entre Homs et Hama, le long du grand axe routier reliant Damas, dans le Sud, à Alep, dans le Nord. L'assaut a été lancé après une nuit de pilonnage par des chars et des hélicoptères à la suite de deux jours de siège. Cette région du Centre de la Syrie est devenue, avec la province d'Idlib près de la frontière turque dans le Nord, un foyer de résistance armée aux forces de Bachar al Assad après six mois de manifestations réclamant la chute du régime. Des centaines de déserteurs y ont formé le «bataillon Khaled Ibn Al Walid», du nom du conquérant arabe de la Syrie, sous les ordres du capitaine Abdelrahman Cheikh. Le colonel Riad Al-Assad, l'officier de plus haut rang ayant fait défection depuis le début du soulèvement en mars, est actif dans la région. Les mutins attaquent depuis plusieurs jours des véhicules de l'armée et des barrages routiers tenus par les loyalistes et les «chabbiha», les miliciens pro-Assad. 2 700 Morts «Les chars se sont rapprochés de Rastan dans la nuit et les tirs de mitrailleuses et les explosions n'ont pas arrêté. Ils sont finalement entrés ce matin», a dit un habitant disant s'appeler Abou Kassem. Un autre résident a déclaré que des hélicoptères avaient tiré à la mitrailleuse près de son domicile dans les quartiers sud de Rastan, où plusieurs centaines de déserteurs s'étant rassemblés dans la ville, parfois dans des chars, ont tenté ces dernières semaines de résister aux forces gouvernementales. «On ne peut pas sortir de chez nous depuis deux jours et on n'a aucune idée du nombre de victimes», a dit cet habitant. Des opposants locaux ont évoqué un bilan de vingt blessés, ajoutant que l'intensité des combats avait empêché la plupart d'entre eux de gagner les hôpitaux. A 46 ans, Bachar Al-Assad est confronté à une contestation sans précédent depuis son arrivée au pouvoir en 2000, après le décès de son père Hafez, qui a lui-même dirigé le pays pendant trente ans. Les régions d'Idlib et de Homs fournissent traditionnellement le gros des troupes, en majorité sunnites, de l'armée, dont le commandement est entre les mains de la minorité alaouite dont est issue la famille Assad. Selon les Nations unies, la répression du soulèvement a fait 2 700 morts, dont une centaine d'enfants depuis mars, les autorités syriennes évoquant, pour leur part, 700 militaires et policiers tués par des «groupes terroristes» et des mutins. «Instinct de survie» D'après diplomates et observateurs, la répression est dirigée par un frère cadet du président, Maher, qui est le chef effectif de l'armée. Dans un discours aux Nations unies, le ministre syrien des Affaires étrangères a dénoncé lundi une «intervention étrangère» dans ce soulèvement en faveur d'un changement de régime. «Nous déplorons profondément la montée des agissements de groupes armés en Syrie, qui ne diminuent pas et, au contraire, se développent en spirale», a dit Walid Al-Moualem. Les Etats-Unis, qui ont pris des sanctions contre des personnalités du régime, ont prévenu que la poursuite de la répression incitait la population à basculer dans la résistance armée, ce à quoi elle s'est majoritairement refusée jusqu'à présent. «Il n'est pas surprenant, étant donné le degré de violences atteint ces derniers mois, de voir désormais (...) des opposants commencer à être violents vis-à-vis de l'armée par instinct de survie», a déclaré Mark Toner, porte-parole du département d'Etat. Malgré des sanctions américaines et européennes, la communauté internationale est désunie sur l'attitude à adopter vis-à-vis du régime de Bachar Al-Assad, qui alterne promesses de réformes et interventions militaires contre ses opposants. L'ambassadeur de Grande-Bretagne à Damas, Simon Collis, accuse sur son blog le pouvoir syrien de «rester déterminé à contrôler tous les aspects importants de la vie politique». «Il est habitué au pouvoir et il fera tout pour le conserver». «Le régime veut créer sa propre vérité, nous ne devons pas le laisser faire», ajoute Simon Collis, en poste depuis quatre ans à Damas.