Pour le chef de la diplomatie russe, Sergueï Lavrov, les graves violations des résolutions de l'ONU sur la Libye, perpétrées par certains pays de la coalition, ont causé un préjudice certain à la réputation du Conseil de sécurité. Le ministre russe des Affaires étrangères a même énuméré, à ce sujet, les différents manquements à la légalité internationale. Pour lui, même la résolution 1970 adoptée par consensus pour introduire un embargo total sur les ventes d'armes à la Libye a été violée. D'après Lavrov, des armes ont été livrées par plusieurs pays européens et arabes, et des instructeurs militaires étrangers opéraient sur le territoire libyen et ce, en flagrante contradiction avec la résolution 1973. Le chef de la diplomatie russe évoquera, en outre, la présence des forces spéciales étrangères au sol. En effet, plusieurs médias se sont fait l'écho de la présence de troupes, notamment françaises et britanniques, chargées de planifier et de prendre part aux combats. Le ministre russe relèvera, à juste titre, que ces informations n'ont toujours pas été démenties. A en croire le chef de la diplomatie russe, l'ONU n'est plus cet organe de défense des droits de l'homme : «Nous pensons que la réputation du Conseil de sécurité de l'ONU a subi un préjudice. A mon avis, c'est pour la première fois qu'on viole des décisions aussi brutalement», a-t-il déclaré à l'agence russe Novosti-Ria et à la télévision Rossia. La Russie espère, d'après lui, que le Conseil de sécurité de l'ONU n'adoptera plus à l'avenir des résolutions et des mandats aussi ambigus. «Il est nécessaire que celui qui propose des mesures contraignantes argumente sur leur nécessité», a-t-il souligné, non sans raison. Evoquant, dans le cas d'espèce la résolution 1973, le ministre russe a rappelé que celle-ci avait été adoptée pour protéger les civils, alors qu'elle comporte un paragraphe qui autorise de faire n'importe quoi pour protéger la population. Le mandat délivré par le Conseil de sécurité renferme, selon Lavrov, des indications absolument explicites ; en ce qui concerne notamment les limites de l'usage de la force, jugé unanimement aujourd'hui comme disproportionné. Pour l'homme de la rue arabe, cela fait longtemps déjà que l'ONU est devenue un outil au service exclusif des intérêts occidentaux et ceux d'Israël, le seul Etat-membre dont on ne sait où commencent les frontières et où elles se terminent. La résolution 1973 (lire l'encadré par ailleurs) n'a jamais stipulé que le but était de renverser le guide libyen, Mouaâmmar Kadhafi. Et pourtant ! Pour atteindre celui qui est présenté aujourd'hui comme un dictateur sanguinaire, les forces de l'Otan ne s'embarrassent plus de tuer au passage des dizaines de milliers de Libyens. Le plus grave est qu'elles font le distinguo, à présent, entre les populations civiles libyennes selon leurs affinités ethnico-tribales avec Kadhafi. A ce jeu, les Gueddadfa seraient plutôt mal lotis, car trop proches du leader libyen. Un tel raisonnement macabre ne peut que mener vers un génocide et transformer l'ONU, gardienne de la légalité internationale, en tueuse d'enfants. En effet, les forces de l'Otan ne reculent désormais devant rien. Leur acharnement en Libye est tel qu'aucun régime ne saurait résister à une telle coalition. A une telle armada. A un tel déluge de feu. Non seulement, il s'agit d'ultra haute technologie, d'une formidable puissance de feu mais aussi d'une propagande qui ne veut pas dire son nom. A l'heure où la désinformation bat son plein, il est difficile pour des médias, comme Al Jazeera ou France 24 d'avouer que l'intervention de la coalition armée la plus «puissante» au monde est à présent mise en échec par un groupuscule de forces loyalistes à Kadhafi. Impossible de faire ce pas, ces médias tout aussi «bien intentionnés» que les forces de l'Otan affûtent déjà leurs armes afin d'annoncer que le leader libyen a été enfin tué. Admettons que cela arrive ? Est-ce pour autant que le CNT pourra gouverner sans intervention étrangère ? Rien n'est moins sûr.