L'objet de la présente contribution est de poser objectivement les liens entre la relative aisance financière à travers l'importance des réserves de change et le pouvoir d'achat des Algériens, analyse inséparable de la compréhension des mutations mondiales et de la régulation de l'économie locale. Autre axe : investir dans un partenariat ciblé dans des segments à valeur ajoutée, y compris les services, dans le cadre de la logique des valeurs internationales afin de préparer l'après-hydrocarbures. Mais est-ce que cela est possible avec le retour à une gestion administrée des années 1970, avec la bureaucratisation extrême de la société algérienne qui freine l'initiative de tout entrepreneur, surtout depuis les scandales financiers de bon nombre d'entreprises, y compris Sonatrach? Peut-on se mette au diapason des mutations de l'économie mondiale, les opérateurs paralysés attendant les ordres d'en haut qui souvent ne viennent pas ou avec des mois en retard ? En insistant sur le fait que ce ne sont pas les pays qui ont des réserves de change importantes qui sont les plus développés, souvent c'est le contraire, surtout celles provenant de la rente avec le risque du syndrome hollandais. L'ex-gouvernement communiste roumain avait une dette égale à zéro mais une économie en ruine. Un endettement bien utilisé peut être source de croissance permettant de rembourser les emprunts grâce à la création de la valeur ajoutée permise par le travail. En Algérie, ces réserves de change artificielles, puisque provenant des hydrocarbures, ont-elles contribué à améliorer le pouvoir d'achat des Algériens ? 2. Faiblesse de la régulation, inflation et tensions sociales S'agissant d'un problème aussi complexe que celui du pouvoir d'achat et de l'inflation qui lui est liée, il me semble utile de préciser que ces phénomènes doivent tenir compte de la structure et des particularités de l'économie à laquelle ils sont appliqués, les aspects de structures de l'économie internationale, de l'économie interne résultant de l'option de la stratégie de développement économique, aux schémas de consommation générés en son sein pour des raisons historiques, d'influences socioculturelles et aux composantes des différentes forces sociales pour s'approprier une fraction du revenu national. Pour les petites bourses, le constat est amer. En l'absence de mécanismes de régulation et de contrôle, les prix des produits de large consommation connaissent, comme de coutume, notamment à la veille de chaque mois de Ramadhan, des fêtes religieuses, ainsi qu'à l'approche des rentrées sociales, des augmentations sans précédent, les organisations censées sensibiliser les commerçants ayant peu d'impact, prêchant dans le désert. Selon les données de l'organe officiel de la statistique - l'ONS - le rythme d'inflation annuel a connu une tendance baissière, passant de 3,9 à 3,5 % en juin 2011, contre 3,9% en 2010 et 5,7% en 2009. Or, pour une appréciation correcte, il faut éclater cet indice en reliant le mode d'accumulation, la répartition des revenus et le modèle de consommation par couches sociales. C'est que la réalité pour la majorité des ménages est que l'inflation pour les produits de première nécessité qui a des incidences directes sur le pouvoir d'achat, depuis fin 2007 à nos jours, est de retour en Algérie. La hausse des prix importante est considérée comme l'une des raisons les plus directes à la transformation du malaise latent en émeutes urbaines. Je recense quatre raisons à l'inflation en Algérie (1). La première est la non-proportionnalité entre la dépense publique et les impacts économiques et sociaux : 200 milliards de dollars annoncés entre 2004/2009 (pas de bilan à ce jour) et 286 milliards de dollars (Mds) entre 2010/2014 dont 130 Mds de restes à réaliser des projets de 2004//2009 pour un taux de croissance ne dépassant pas 2/3 % moyenne 2004/2010 (donc 480 milliards de dollars, soit presque le programme de relance US et chinois), alors qu'il aurait dû dépasser 10% en fonction de l'importance de la dépense publique. Cela a évidemment un impact tant sur le taux d'inflation que sur le taux de chômage réel qui est largement supérieur au taux officiel. Une récente étude de l'OCDE montre clairement, parmi certains pays du pourtour méditerranéen, que l'Algérie dépense deux fois plus pour deux fois moins de résultats : projets mal ciblés, les infrastructures ne constituant qu'un moyen, une gouvernance mitigée, l'entreprise et le savoir dévalorisés, mauvaise gestion et surtout la corruption qui s'est socialisée. La deuxième raison, liée à la première, est la faiblesse d'une politique salariale cohérente privilégiant les créateurs de valeur ajoutée, le travail et l'intelligence au profit d'emplois rente, ce qui fait que la productivité globale est l'une des plus faibles au niveau de la région méditerranéenne. Le ratio masse salariale sur le PIB pour 2009/2010 est inférieur à 20% contre plus de 45% à la fin des années 1976/1980, contre une moyenne mondiale supérieure à 60%, démontrant que les augmentations de salaires pour les secteurs à valeur ajoutée (y compris la santé et l'enseignement dont le professeur d'université perçoit la moitié du salaire du député et du sénateur) ne sont pas la cause essentielle de l'inflation mais que celle-ci réside plus dans les emplois improductifs. La troisième raison est l'extension de la sphère informelle qui contrôle 65% des circuits des produits de première nécessité, quatre segments celui des fruits et légumes, de la viande rouge et blanche ; du poisson et du textile /cuir, ce dernier à travers les importations de valises avec plus de 40% de la masse monétaire en circulation, où plus de 80% des transactions se font en cash alors que la base de l'économie moderne repose sur le contrat et le crédit, entraînant une évasion fiscale estimée à plus de 3 milliards de dollars US dans le commerce. L'allongement des circuits de commercialisation à travers leur désorganisation entre le producteur et le consommateur favorise les rentes de monopoles, donc la hausse des prix. Le contrôle s'effectue souvent sur les détaillants où d'ailleurs, selon le recensement 2010 du Centre national du registre du commerce, en dix ans, de 2001 à 2010, le nombre des commerçants déclarés a plus que doublé en Algérie, passant de 697 275 en 2001 à 1 407 449 commerçants en 2011, le nombre de personnes morales (entreprises) s'élevant au 31/12/2010 à 157 158 et pour les personnes physiques (commerçants), elles sont au nombre de 1 325 417 concentrés dans le commerce de détail. Or, le nombre de commerçants non déclarés dépasserait 1,5 million selon l'UGCAA, données de 2009. La mobilisation de 3.000 agents de contrôle prévoyant 7 000 fonctionnaires pour 2014 pour contrôler 1,4 million de commerçants sera-t-elle efficace sans maîtrise des circuits de distribution? Ce qui fait que le décret postulant que le chèque obligatoire qui devait entrer en vigueur le 2 avril 2011 a été abrogé pour toute transaction supérieure à 500 000 dinars comme l'on a abrogé un autre décret en 2008 pour un montant de 50 000 DA. C'est que la sphère informelle favorisant les actions spéculatives est le produit de la bureaucratie et des dysfonctionnements des appareils de l'Etat nourrissent des liens dialectiques entre la sphère informelle et la logique rentière. Il en résulte, en cas de remous sociaux, une mentalité bureaucratique qui laisse croire que des lois et des commissions résoudront les problèmes. (Suivra)