L'ombre des compétitions internationales de football pointe déjà son nez et affûte ses armes pour réussir ses engagements sur les terrains. Il y a trois mois ou plus, l'on se rappelle que Canal+, diffuseur historique, remportait sur les appels d'offres, les lots 1 à 4 tandis que son concurrent Al Jazeera décrochait le lot 5. Une heureuse opération financière qui ouvre les coffres de la LFP pour empocher 510 millions d'euros. Frédéric Bolotny, consultant en économie et marketing du sport qualifie cette belle opération de stratégie réussie «les gens de la Ligue sont arrivés à recréer de la concurrence sur les lots principaux. Même si la segmentation est différente, la Ligue est pour l'instant au-dessus. Pour le président de la LFP Frederic Thiriez, il ne s'agit là que d'un début «nous sommes à la mi-temps du match. La première période s'est bien passée, mais il y a encore du travail». Rien n'est encore joué, le message est clair. Derrière les murs de la fédération, il y a une autre chaîne TV qui ne laisse rien au hasard, très au fait de ce qui se passe dans le monde télévisuel. Après la Coupe du monde 2022 et le Paris Saint Germain, elle continue sa course folle jusqu'à planter son logo sur une majorité des rencontres de football du monde. «Le fait générateur de l'investissement du Qatar dans le monde du sport est l'attribution de la Coupe du monde 2022. Le Qatar a choisi de communiquer au niveau mondial en utilisant le sport comme un média qui n'a pas d'équivalent. La stratégie du Qatar est de se rendre légitime dans le sport après avoir obtenu cette Coupe du monde. C'est un peu comparable à la stratégie des grands sponsors. Avant d'exploiter un sport, il faut se rendre légitime. Orange l'a fait depuis le début des années 2000 où il a investi dans le sponsoring sportif, avant d'exploiter les contenus», estime Frédéric Bolotny. Cette machine à broyer du football, en l'occurrence la chaîne Al Jazeera Sport signera un chèque de 90 millions d'euros, annuellement pour deux rencontres de Ligue 1 hebdomadaires, le vendredi soir et le dimanche après-midi. «Après avoir obtenu, il y a quelques mois, les droits internationaux de diffusion de la Ligue 1, nous sommes heureux aujourd'hui de participer à l'essor du football français et nous tenons à remercier la LFP pour la confiance qui nous est accordée. La Ligue 1 est un championnat passionnant et nous sommes ravis de pouvoir contribuer à offrir aux fans, le football qu'ils aiment», a expliqué Nasser Al-Khelaifi, directeur d'Al Jazeera Sport. Le Groupe, faut-il rappeler, pour mieux confirmer sa force et son pouvoir que lui accorde son budget, se prépare à inaugurer sa chaîne au début 2012 avec à sa tête, Charles Biétry, ancienne figure de proue de l'expertise de Canal+. Laquelle d'ailleurs, se sent un peu plus soulagée. Elle a versé ainsi dans ses programmes, les rencontres du samedi à 17 heures et est en attente sur le pay-per-view. Le tout pour un montant de 420 millions d'euros contre 465 millions d'euros lors du dernier appel d'offres. «A partir de 2012, les téléspectateurs verront à peu près la même chose qu'aujourd'hui, mais en mieux, il y aura notamment un match supplémentaire […] C'est un rendez-vous (le match du samedi 17h) que les abonnés aimaient et que l'on va retrouver à partir de la saison 2012 tous les week-ends», a déclaré Cyril Linette, au micro d'Infosport+. «Ce n'est pas obligatoirement une bonne nouvelle pour Canal+. Al Jazeera pourra proposer une chaîne à un montant inférieur à Canal+. Comme l'a dit Bertrand Méheut, le marché de la télévision payante est totalement différent du marché gratuit. Mais avec les moyens qu'ils ont, s'ils arrivent à «marketer» leur offre, à offrir une vraie distribution à leur chaîne, ce sera une vraie concurrence», estime Frédéric Bolotny. «C'est vital et le football français ne pouvait pas s'en passer. C'est une très bonne nouvelle en attendant une période plus favorable, grâce notamment à l'Euro-2016, aux stades ou au fair-play financier, explique-t-il avant de conclure. Si on arrive à 600-650 millions d'euros, ce sera un succès pour la Ligue». D'ailleurs, la LFP a vite, voire très vite compris que la seule solution pour sauver ce sport, c'est d'aller casser les boites d'archives pour ressortir les vielles promesses, celles de la création de propre chaîne télé qui commencerait d'abord par la diffusion des matchs de L2 puis de la L1. «C'est la seule solution, sinon on est mort», se lamente Frédéric Thiriez, le président de la LFP. Aujourd'hui, il est heureux, les initiatives et les risques payent bien dans toute activité. Rien ne freine les élans qui vont vers des créations même amateurs mais qui prennent vite de l'envol. D'ailleurs, et tout le monde le sait, quelques mois plus tard, le Conseil supérieur de l'Audiovisuel confie à la chaîne CFoot une fréquence de la TNT payante. Ainsi et du coup, la LFP tient là de quoi empêcher le groupe Canal+ de se retrouver seul lors du prochain appel d'offres pour la Ligue 1.