Des dizaines de démocrates ont manifesté devant l'entrée de la Chambre des députés au Bardo où se tenait l'ouverture de la première séance. Brandissant des portraits de leurs fils et de leurs proches, des dizaines de pères et de mères ont scandé des slogans hostiles aux nouveaux dirigeants. « Nous voulons connaître la vérité sur la mort de nos enfants», ont crié les proches et les veuves des «martyrs». Quelques instants après, des familles ont envahi la tribune des responsables, créant un désordre monstre. Ces familles ont rallié Tunis par bus, par train et par d'autres moyens de transport. C'est la deuxième fois où les familles des victimes contestent après qu'elles ont refusé d'être décorées. «Comment peut-on nous inviter à faire la fête lorsque nous n'avons pas fait notre deuil ?» s'étonne Sihem Jeffel, 37 ans, dont le mari Tahar a été abattu sous ses yeux le 13 janvier dans un quartier proche du Palais présidentiel de Carthage. La jeune femme serre contre elle Mohamed Taha, son bébé aux yeux bleus, né trois mois après la mort de son père. «Je suis ici pour lui et pour mes deux autres enfants.» «Nos blessures ne se fermeront pas tant que les assassins de nos enfants ne seront pas connus et punis», affirme Hayet Laroussi, 30 ans, au milieu de femmes agglutinées autour du président de l'Isie qui ne savait plus où donner de la tête. «Mon mari et son frère ont été abattus par balle dans le dos et dans la poitrine devant notre maison le 16 janvier à 2h du matin», se souvient cette diplômée sans emploi. «La scène ne m'a plus quittée», dit-elle en s'étranglant d'émotion. «Nous avons droit à la vérité, je ne renoncerai jamais», sanglote une mère de trois enfants. «Merci à M. Jendoubi, rendre hommage à nos martyrs est un bon geste», tempère toutefois la mère de Bouazizi. Pour une autre mère endeuillée, «les familles en ont ras-le-bol, les gens n'ont pas compris le sens de cet hommage, M. Jendoubi a essuyé la colère mais il n'y est pour rien», raisonne-t-elle. «C'est de l'Assemblée constituante que nous devons exiger la vérité sur le sang versé par nos martyrs», ajoute une femme. Au moment où elle s'apprêtait à rentrer, Souad Abderrahim a été agressée par une manifestante. Cette dernière a été sévèrement critiquée suite à ses déclarations aux médias au sujet de sa position à l'égard des mères célibataires. Elle avait déclaré «qu'il est inconcevable d'élaborer une loi portant protection des mères célibataires dans une société arabo-musulmane, sauf dans le cas où la naissance de l'enfant intervient à la suite d'un viol». Cette dame, élue sur la liste islamiste d'Ennahdha, n'est même pas voilée.