Pour la première fois depuis l'indépendance, le tribunal correctionnel d'Oum El-Bouaghi, wilaya à l'est du pays, a vécu un procès plus ou moins retentissant. Il s'agissait de juger un ex-commis de l'Etat ayant eu rang de wali à El-Tarf en 2004, deux de ses proches collaborateurs, son chef de cabinet et le responsable de l'action sociale ainsi que le président et le trésorier de l'association pour la promotion sociale à Daghoussa dans la daïra de Besbes wilaya d'El-Tarf. Il n'en fallait pas plus pour faire sortir la population de la commune chef-lieu de wilaya Oum E-Bouaghi habituée à un train-train caractérisé par le travail de la terre, l'élevage bovin et ovin et le pâturage. Et lorsque cette même population a été informée que des peines de prison ferme, avec sursis et assorties de 200 000 DA d'amende pour chacun ont sanctionné le procès, elle s'est dit qu'il y avait vraiment matière à discussions sur la place publique et dans les chaumières. Les peines ont été prononcées par le président du tribunal correctionnel de Oum El-Bouaghi. Le magistrat a retenu contre les 5 accusés dont l'ex-wali, les faits intervenus courant 2004 d'abus de confiance, trafic d'influence et l'utilisation frauduleuse des fonds de l'association à des fins personnelles. C'était l'époque où le wali faisait la pluie et le beau temps dans cette wilaya frontalière avec la Tunisie. Malgré son potentiel agricole et touristique, ses richesses halieutiques et l'un des plus importants sites coralifères de la rive Sud de la Méditerranée, El-Tarf n'a jamais connu un quelconque développement. Tous les efforts financiers consentis par l'Etat pour améliorer le quotidien de la population paraissaient vains. Il a fallu la dénonciation d'un vice-président de l'Assemblée populaire de wilaya pour que les causes du marasme soient connues. Dans le lot des affaires à milliards de dinars détournés ou dilapidés au même titre que le patrimoine minier (sablières), il y avait celle des 500 000 DA versés par le Trésor public au profit de l'association pour la promotion sociale de Daghoussa, une localité de la daïra de Besbes. Loin de servir à la promotion des jeunes, cette somme finira dans les poches du wali. Elle lui avait été remise en mains propres par le président et le trésorier de l'association apparemment très influencés. «Que pouvions nous faire si ce n'est qu'obéir à l'ordre de lui ramener les 500 000 DA que la DAS a versé sur le compte de notre association. D'autant qu'il nous a précisé que cette somme est destinée à la campagne électorale du président de la République» a répondu le président de l'association au magistrat qui l'interrogeait de son obéissance à exécuter un ordre qu'il savait contraire à la réglementation. C'est en tous les cas ce qui ressort de l'arrêt de renvoi établi par la chambre d'accusation près le tribunal correctionel de Oum El-Bouaghi. Un acte qui semble avoir fait sortir de ses gongs le représentant du ministère public au point de demander une même peine de 2 années de prison ferme assortie de 200 000 DA pour chacun des 5 accusés. Pour tenter de contrecarrer ce réquisitoire et plaider l'innocence des membres de l'association, chef de cabinet et responsable de la DAS, les avocats de la défense ont argumenté l'abus d'autorité du principal accusé en sa qualité de wali, 1er magistrat de la wilaya et de premier ordonnateur. En ce qui concerne ce dernier et le responsable de l'action sociale, tous deux reconnus coupables d'avoir solidairement détourné 500 000 dinars, le tribunal a suivi le réquisitoire du ministère public, il a par contre attenué la responsabilité des 3 autres mis en cause. Il a prononcé à leur encontre des peines de prison avec sursis assorties du même montant de l'amende. Ce procés de l'ex-wali d'El-Tarf et de plusieurs de ses proches collaborateurs est le début d'une série de plusieurs autres portant sur des affaires similaires. Elles sont appelées à être jugées prochainement par le tribunal de Guelma. Plusieurs de ses affaires ont fait l'objet d'une longue procédure d'instruction. Selon des sources judiciaires, plusieurs experts ont été sollicités par la justice pour déterminer avec exactitude les préjudices financiers commis au détriment du trésor public. Dans ces affaires, se mêlent les détournements, la dilapidation, le trafic d'influence, la passation des marchés contraires à la reglementation, l'utilisation des biens publics à des fins personnelles et le trafic d'influence. Des faits que les enquêteurs tout corps de sécurité confondu ont eu du mal à disséquer de par la complexité des documents versés aux dossiers et le nombre de personnes impliquées. Ce sont des cadres administrateurs dont des membres de l'exécutif de wilaya, des opérateurs économiques, chefs d'établissements scolaires, élus locaux et nationaux. Ils seront une cinquantaine entre accusés, témoins à charge et à décharge à être appelés à la barre très prochainement. Tous auraient obéi au doigt et à l'œil du wali de l'époque qui, s'il dirigeait de main de maître son monde, n'hésitait pas à se servir. Et lorsqu'un élu a osé briser l'omerta en dénonçant ses agissements, il s'est retrouvé avec le toit de sa maison à El Kous, commune de Chatt sur la tête parce qu'il avait refusé de l'évacuer sous la menace d'un bulldozer. L'engin avait été réquisitionné par le wali pour la démolir sous l'argument de construction illicite.