Secrétaire d'Etat puis ministre de la Formation professionnelle de 1997 à 2002, élu à l'Assemblée populaire nationale dont il a été le président de 2002 à juin 2004 et d'où il a démissionné avant de se retirer des activités politiques, Karim Younès symbolise une génération de politiciens à part. C'est ce qu'il a une nouvelle fois prouvé à Annaba dont il a été hôte ce dernier samedi où, devant une assistance nombreuse venue au théâtre régionale d'Annaba, il a présenté son livre De la Numidie à l'Algérie, Grandeurs et Ruptures. Il y raconte le passé, le présent et l'avenir de l'Algérie «à travers l'évocation de sa composition historique, de son essor et de ses turbulences à travers les âges de la Numidie à ce jour». Son œuvre de 558 pages est une suite de faits historiques intervenus dans notre pays. Karim Younès en a donné un aperçu dans sa présentation. Lors de son intervention, il est allé plus loin en mettant en relief ses capacités à faire trembler les politicards d'hier et d'aujourd'hui. Il a déroulé ses propos en dénonçant la toute-puissance des arcanes de la république, en expliquant les causes et les conséquences qu'elle a générées et en relevant les mécanismes qui transforment la démocratie en dictature. Sans pour autant faire de la politique en cette période de veillée de législatives, l'ancien président de l'APN s'est exprimé sans pour autant décrire les fâcheries et les guerres que se livrent les clans qui se partagent le pouvoir. Son livre tient de l'histoire et de l'actuel avec une fraîcheur de ton assez rare et une innocence dans le verbe qui entraînent la sympathie. «Au diable le pouvoir lorsque les risques de porter atteinte à l'intérêt général sont latents», lance Karim Younès à son auditoire des deux sexes et de toutes les couches sociales. Cet homme qui fut commis de l'Etat puis élu du peuple est resté le politicien et le militant du FLN qu'il a toujours été. Vitupérant les acteurs des coulisses de l'Etat, il a appelé les jeunes à résister et à travailler pour l'avenir de l'Algérie. «Comme l'ont fait vos ancêtres qui firent de Béjaïa la capitale du pays bien avant que les civilisations égéennes, grecques et proches-orientales n'aient appareillé sur ses beaux rivages des siècles et des siècles avant notre ère», dira-t-il aux jeunes des deux sexes venus nombreux assister à cette manifestation culturelle. Du coup, la présentation de son livre a pris la direction du déballage politico-médiatique attendu par certains mais nié par l'auteur qui précisera : «Les lecteurs qui peuvent penser que je mets à profit cet espace de liberté pour solder des comptes seront déçus…» En fait, en écrivant son œuvre, l'ancien président de l'APN a manié sa plume avec une liberté pareille à celle qui l'avait inspiré pour rédiger sa lettre de démission du poste de président de l'APN. Sa bibliographie remonte à très loin. Elle est en relation étroite avec l'histoire de notre pays. Une nomenclature s'il en est où de grands noms d'historiens dont des acteurs directs et indirects d'une Algérie à travers les âges et les civilisations. S'il n'a rien dit dans son livre sur ce qui l'avait contraint à descendre du perchoir pour aller s'assoir dans la «travée» comme député, Karim Younès l'a révélé à mots couverts. «Je m'adresse à la jeunesse algérienne d'aujourd'hui et de demain pour leur dire que les lions ont libéré l'Algérie du joug colonial, il ne faut pas que les loups la dévorent». Un axiome d'autant plus remarquable qu'il émane d'un homme qui fut le 3e personnage constitutionnel de la république. Lui qui fut durant 2 années, de juin 2002 à juin 2004, le président de l'Assemblée populaire nationale, prestigieux poste d'où il a démissionné pour une question de principe, il n'admet pas les dérapages imprévus auxquels incite l'ambiguïté politique. Rien en ce personnage n'indique la suffisance habituelle que l'on décèle chez ceux qui l'ont précédé ou succédé au perchoir avec leur manie de vouloir toujours paraître. Aujourd'hui, avec du recul, il les montre tels qu'ils sont, dans son livre : «…Bien entendu, il s'en trouvera toujours parmi les tenants du bendir chauffé en permanence à pousser des cris d'orfraie à la lecture de ce point de vue. Je demeure persuadé, quant à moi, qu'il existe dans notre pays suffisamment de raison et d'intelligence pour savoir que depuis l'aube des temps, un bendir, aussi bruyant soit-il, n'a jamais trouvé sa place dans un orchestre symphonique». Des aveux déguisés en réflexions de sagesse de l'auteur de la Numidie à l'Algérie, il en a exprimés plusieurs. Il faut dire que de la politesse, Karim Younès en a à revendre. Par contre, point de vassalité dans le comportement et les propos de celui dont l'intégrité morale est sans reproche, comme en témoigne du reste Lamine Bechichi lorsqu'il précise dans sa leçon d'histoire contenue dans le même livre : «Gravissant les échelons de la vie politique grâce à sa propreté morale et sa compétence, il arrive à occuper le prestigieux poste de président de l'Assemblée nationale avant que les principes moraux ne soient dévoyés. Il quitte alors ce poste sans regret, aussi intègre à sa sortie qu'à sa rentrée». Ce qui lui a permis de se préparer à un autre challenge : celui d'écrire sur l'Algérie en employant tous les temps. Ainsi s'attachant à sa première œuvre, l'auteur livre une multitude d'informations oubliées. Il y dessine aussi la personnalité de Abdelaziz Bouteflika, le président de la république, en espérant que celui-ci lèguera aux générations futures le capital de son expérience sur les inconnues de notre guerre de libération, sur son exercice du pouvoir sous Benbella et Boumediene, son analyse distante qu'il faisait de l'Algérie des années quatre- vingts jusqu'à son retour au pays. Karim Younès conclura ce chapitre en affirmant : «… Là aussi, il est honnête de reconnaître sans effort que Bouteflika est un des derniers témoins de l'histore non seulement de l'Algérie contemporaine, mais aussi du mouvement de libération afro-asiatique et des relents de la guerre froide ».