Contrairement aux autres dérivés de la musique andalouse, interpréter une nouba andalouse «exige une grande concentration», comme dirait Beihdja Rahal, célèbre interprète de cette musique séculaire qui compte à son actif plus de vingt albums dans les douze modes, enregistrés depuis 1995. Nombreuses sont les jeunes femmes dont l'âge ne dépasse pas la trentaine, aux capacités vocales prometteuses, qui ont relevé le défi sur les pas de leurs aînées pour perpétuer la nouba andalouse, depuis Mâalma Yamna et Chikha Titma, jusqu'à Beihdja Rahal, Nassima Chaabane et Zakia Kara Terki, pour les contemporaines. Toutes «forgées», dès l'enfance, dans des associations de musique andalouse, des passionnées de la musique et de la poésie typiques à El-Andalus ont décidé d'enregistrer une nouba andalouse complète en album, aussi bien pour contribuer à la sauvegarde de cet art que pour «goûter à la vie d'artiste», comme aime à le dire Kahina Boussafeur, médecin résidente qui a sorti, en 2008, une nouba dans le mode mezmoum. Soucieuses pour l'avenir de ce patrimoine national face à une technologie conquérante qui a fortement imprégné tous les domaines de l'art, ces jeunes interprètes de la musique andalouse, appelée aussi musique classique algérienne, s'inquiètent en outre du nombre réduit, selon elles, des artistes femmes spécialisées dans l'interprétation de la nouba, ainsi qu'elle l'ont confié à l'APS. Pour elles, ce manque d'engouement est dû à la «pression familiale ou sociale», quand ce n'est pas au choix délibéré de se spécialiser dans des styles dérivés, «propices à l'animation des fêtes» ou encore «plus faciles» à interpréter. Des voix mélodieuses aux timbres différents et une interprétation juste et cadencée, sont les premières remarques qui viennent à l'esprit de celui qui écoute Kahina Boussafeur, Imène Sahir et Lila Borsali, trois jeunes femmes au talent prometteur qui se sont distinguées récemment dans les milieux très select de la musique andalouse pour mieux continuer l'héritage des pionniers et pionnières de cette musique et art de vivre. Encouragées, conseillées et encadrées Lila Borsali, interprète de musique andalouse selon les règles du gharnati (école de Tlemcen), qui a déjà à son actif un album cent pour cent hawzi, intitulé Frak Lehbab (loin des personnes chères), prépare une nouba dans le mode Rasd Eddil, qu'elle interprète souvent. Elle estime que la nouvelle génération de femmes artistes en musique andalouse est encouragée par les associations de musique spécialisées. Pour elle, le fait de voir un nombre important de jeunes débutantes jouer de tous les instruments et interpréter des solos, ne peut être que de bon augure pour l'avenir de l'andalou et de la nouba. Imène Sahir, 24 ans, et déjà un album nouba ghrib, n'a pas de difficulté dans l'interprétation d'une nouba du moment que les préceptes et les fondements de l'interprétation sont acquis, sauf dans le choix des textes à chanter et l'art de transmettre des sentiments à travers le chant, ce qui nécessite un encadrement adéquat tout autant que des encouragements. Sur ce point, Kahina Boussafeur reproche aux puristes et «conservateurs» de cette musique d'exiger des élèves un long apprentissage de pas moins de vingt ans au sein d'une association, avant de se lancer dans l'interprétation de la nouba. Toutefois, ces jeunes interprètes sont unanimes à reconnaître l'importance d'un travail rigoureux et patient, s'agissant d'une musique savante dont la transmission basée sur l'oralité requiert une parfaite maîtrise. Beihdja Rahal, une référence parmi les spécialistes de la nouba andalouse, se dit pour sa part fière de voir autant de jeunes personnes, des femmes artistes notamment, s'investir et se passionner pour ce style musical antique. Pour elle, cela prouve en tout cas que le patrimoine musical andalou «se porte bien» et que les risques de le perdre s'éloignent indubitablement.