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Un facteur de tensions planétaires et de guerres en 2040/2050 ?
Publié dans La Nouvelle République le 26 - 03 - 2012

L'eau c'est la vie, dit l'adage. Cette modeste contribution est une synthèse de nombreux rapports internationaux qui posent la problématique de la gestion de l'eau qui peut être un facteur de tensions planétaires, voire de graves conflits, au milieu du XXIe siècle.
Niveau des réserves et de consommation dans le monde L'eau est indiscutablement une ressource naturelle vitale. Selon les études du groupe intergouvernemental d'experts des Nations unies sur l'évolution du climat, de l'Institut international pour la gestion de l'eau, de l'Organisation des Nations unies pour l'alimentation et l'agriculture et de l'Unesco, soixante-dix pour cent de la surface de la Terre est recouverte d'eau, mais 97,5 % de cette eau est salée. Des 2,5 % restants d'eau douce, 68,7 % est gelée dans les calottes glaciaires et les glaciers. Moins de 1 % de cette eau douce est disponible pour être utilisée par les humains. Aujourd'hui, à l'échelle mondiale, les hommes prélèvent environ 4 000 kilomètres cubes d'eau douce chaque année pour leurs différents usages. A l'échelle de la planète, on estime qu'environ 40 000 km3 d'eau douce s'écoulent chaque année sur les terres émergées, lesquels, partagés entre les 7 milliards d'individus, devraient fournir 5 700 m3 d'eau douce à chacun, soit près de 16 000 litres d'eau par jour. Nous sommes largement en-dessous de ce quota et les réserves d'eau douce sont théoriquement globalement suffisantes pour répondre à l'ensemble des besoins s'il y avait une répartition égalitaire et une utilisation rationnelle de cette ressource renvoyant à l'économique et à la pression démographique. En effet, la surface totale des terres irriguées a été multipliée par cinq depuis le début du XXe siècle. Elle a quasiment doublé depuis 1960, principalement en Asie (Chine, Inde, Pakistan) et aux Etats-Unis. Comment ne pas rappeler qu'environ 1 500 litres d'eau douce sont aujourd'hui nécessaires pour la récolte d'un seul kilogramme de blé alors que 80% des nouveaux besoins alimentaires planétaires, induits par la croissance démographique d'ici à l'an 2030, devront être satisfaits par l'agriculture irriguée qui monopolise déjà 70% des potentialités hydriques mondiales du tourisme, de l'industrie et de l'irrigation. Avec le réchauffement climatique, l'atmosphère présente une modification importante dans la distribution géographique de sa température globale pouvant entraîner une nouvelle répartition des climats de la planète. La température risque de diminuer dans une région et augmenter dans une autre avec, comme résultat, une hausse ou une baisse des chutes de pluie. Ainsi, les zones humides peuvent connaître des inondations catastrophiques par suite de l'intensification des pluies et les zones arides et semi-arides risquent de subir le phénomène de désertification à cause de la raréfaction des pluies. L'Algérie, pays méditerranéen, glisse vers la semi-aridité et les risques de désertification restent très élevés. Cela présage des conditions naturelles singulièrement plus difficiles qu'aujourd'hui, dont les conséquences commencent à se faire sentir dans beaucoup de régions d'Algérie. D'où l'importance de la gouvernance et de la politique dans le domaine de l'eau intimement liée à la politique socio-économique globale. Le défi majeur du XXIe siècle en matière d'eau sera donc d'assurer la rentabilité de la gestion de l'eau tout en garantissant aux plus pauvres le droit d'accéder à cette ressource vitale. D'énormes investissements seront donc nécessaires pour moderniser l'existant et créer de nouveaux équipements (usines de production, réseaux de distribution, stations d'assainissement), mais aussi pour développer de nouveaux systèmes d'irrigation. Ces investissements ont été évalués par le Conseil mondial de l'eau à 180 milliards de dollars par an pour les 25 prochaines années, contre 75 milliards actuellement investis chaque année. D'où l'importance d'institutions internationales de régulation et d'un marché mondial de l'eau régulé, évitant un calcul monétaire de rentabilité immédiate. Ce seront donc les décisions politiques, au niveau national et international et des agences de financement, qui joueront un rôle déterminant dans la gestion future du risque de pénurie d'eau douce. Pour l'Afrique du Nord, dont le Maghreb, des actions coordonnées doivent être mises en œuvre pour également éviter des tensions futures. Quelles sont les mesures à prendre ? J'en vois quatre. Premièrement la réduction de l'envasement des barrages qui, pour de nombreux pays comme l'Algérie, devient préoccupant. Deuxièmement, le traitement approprié des eaux usées qui nécessitent la maîtrise technologique. Troisièmement, une lutte contre le gaspillage. Globalement, seuls 55 % des prélèvements en eau sont réellement consommés, les 45% restants sont soit perdus, par drainage, fuite et évaporation lors de l'irrigation et par fuite dans les réseaux de distribution d'eau potable, soit restitués au milieu après usage, ce qui est le cas, par exemple, de l'eau utilisée pour le refroidissement des centrales électriques. Dans certaines grandes villes d'Afrique, d'Asie ou d'Amérique latine comme Le Caire ou Mexico, jusqu'à 70% de l'eau distribuée est perdue par fuite dans les réseaux. Autre exemple : plus de la moitié de l'eau requise par les modes traditionnels d'irrigation encore les plus couramment utilisés est perdue par évaporation Par ailleurs, à la différence des cours d'eau, les nappes souterraines sont des réservoirs qui se renouvellent très lentement et ne peuvent donc rapidement combler les emprunts. Or, certaines nappes, qui, pourtant, ne se renouvellent plus ou quasiment plus à l'échelle humaine, sont fortement exploitées, notamment à des fins d'irrigation. Les experts estiment que les seuils correspondant à ce qu'il est possible de prélever au milieu naturel sont déjà dépassés en de nombreux lieux. Ils prévoient même l'épuisement, dans les 30 ans à venir, de plusieurs nappes importantes, dont l'exploitation s'est intensifiée. En Algérie, selon les calculs de la Banque mondiale, le taux de pertes moyen est de 32% réparties sur un réseau de distribution de 40 000 km3. En d'autres termes, il faut produire 625.000 m3 pour vendre un volume de 425 000 m3. De toutes les capitales méditerranéennes, Alger passe pour posséder les réseaux de distribution les plus vétustes, enfin des projets de dessalement d'eau. Quatrième mesure, le dessalement de l'eau de mer pour la production d'eau mais en combinant le gaz et le solaire Cette opération possible est financièrement coûteuse en 2012 mais tout dépendra, d'une part, de l'évolution des prix des différentes sources d'énergie et, d'autre part, d'une production à grande échelle afin de diminuer à moyen terme les coûts. Les problèmes d'énergie sont prépondérants, ce qui place le prix du mètre cube d'eau à un prix actuellement excessivement cher. D'une manière générale, les mesures évoquées précédemment demanderont d'énormes investissements. Pour le gouvernement algérien, l'Algérie a augmenté en dix ans les dotations en eau des grands périmètres irrigués tout en multipliant par deux leur superficie globale. La superficie irriguée en petite et moyenne hydraulique a également progressé de 180%, passant de 350 000 hectares en 2000 à 980.000 ha en 2011, grâce, notamment, au parc des retenues collinaires qui compte aujourd'hui 444 ouvrages à travers le territoire national. Enfin, le plan quinquennal 2010-2014, qui réserve au secteur des ressources en eau une enveloppe budgétaire de 870 milliards de dinars, prévoit la réalisation et l'équipement de plusieurs grands périmètres irrigués ainsi que la réalisation de 137 nouvelles retenues collinaires. L'Algérie a accompli, il faut le reconnaître, d'importants progrès dans ce domaine, le ratio national par habitant étant de 600 mètres cubes pour une dotation quotidienne par habitant de 170 litres et ayant prévu la construction de 15 nouveaux barrages. Ainsi, la capacité de mobilisation en 2012 est de 7,4 milliards de mètres cubes, devant passer à 9,1 m3 en 2014, les potentialités hydriques avoisinant 17 milliards de mètres cubes. Pourtant, les ratios évoqués sont globaux. Par ailleurs, au moment où l'on parle de développement de gaz de schiste, sous réserve de la maîtrise technologique du forage horizontal, la consommation eau est de un million de mètres cubes pour un milliard de mètres cubes gazeux sans compter les effets négatifs sur l'environnement. Si la stratégie future devrait être axée sur le dessalement, l'Algérie étant un pays semi-aride, d'où l'importance de dénoncer le mythe de l'autosuffisance alimentaire, il y aurait lieu de revoir la politique de l'eau, notamment par une politique des prix appropriée afin d‘éviter le gaspillage et de penser à une réorganisation gouvernementale couplant l'énergie et l'eau. (A suivre)

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