L'affaire de Maurice Audin, militant pro-algérien pendant la guerre, tué dans des circonstances obscures, vient de rejaillir. En effet, la veuve du mathématicien français, Josette Audin, en appelle au chef de l'Etat français pour faire éclater la vérité sur la mort de son mari par les parachutistes en juin 1957 à Alger. Dans un entretien accordé au Nouvel Observateur, Josette Audin, s'appuyant sur un document manuscrit écrit de la main de Gérart Garcet (désigné par le colonel Godard), auteur présumé de l'assassinat de son mari. Dans ce cadre, elle déclare : «Parce que, d'après le texte de Godard, celui qui aurait tué mon mari est un militaire de carrière qui a agi sur ordre de ses supérieurs hiérarchiques. Il faut que les pouvoirs publics et l'armée française s'expliquent. Il faut qu'ils reconnaissent enfin la responsabilité des officiers en poste pendant la guerre d'Algérie : Massu, Godard, ou encore Bigeard dont l'Etat a voulu transférer les cendres aux Invalides, comme s'il était un héros national.» Plus loin, Josette Audin, reconnaît que «Jacques Chirac, lors de son discours du Vél'd'Hiv en 1995, a reconnu les responsabilités de Vichy dans la déportation de la communauté juive. J'attends de son successeur la même attitude par rapport aux exactions de la guerre d'Algérie. Le gouvernement de l'époque avait fait voter les pouvoirs spéciaux et le transfert des pouvoirs de police au général Massu et aux parachutistes. Est-ce que cela signifiait que l'armée pouvait décider de qui devait mourir ? Les veuves et orphelins des milliers de disparus de la bataille d'Alger, probablement exécutés arbitrairement, sont en droit de savoir enfin la vérité.» A la question de savoir qu'«après toutes ces années, vous croyez encore qu'une réaction est possible ?», Josette Audin réponds : «Je ne sais pas.» Mais jusqu'à présent l'hypothèse le plus souvent évoquée pour la disparition de Maurice était celle d'une «bavure» sous la torture : le lieutenant André Charbonnier, en poste au centre d'interrogatoire d'El-Biar, où il a été emmené, l'aurait étranglé dans un accès de colère. C'est ce que soutenait l'historien Pierre Vidal-Naquet, lui aussi décédé. Aujourd'hui, avec ce document, un autre nom, mais surtout un autre scénario est évoqué : l'exécution sur ordre. L'intérêt de rendre public le nom de l'«agent d'exécution », c'est de mettre au jour une chaîne de responsabilités qui conduit jusqu'au gouvernement français. «Il faut que la vérité soit dite.»