Les dirigeants d'Ennahda ont décidé d'abandonner le projet visant à faire de la charia l'unique source d'inspiration dans la nouvelle Constitution. Al-Ghanouchi, qui pourtant a admis cet état de fait, a indiqué que l'application de la charia ne devrait pas être imposée d'en haut, mais c'est aux citoyens de la réclamer. La décision a été prise par deux tiers sur un total de plus de 120 membres du comité constitutif d'Ennahda et ce, après un long débat au sein de cette instance dirigeante. Le vote a donné lieu à 52 voix pour une douzaine contre et entre 7 et 8 abstentions. Dans une conférence de presse, Rached Al-Ghanouchi a indiqué : «Au vu de l'ampleur des divergences constatées autour de cette question et afin de barrer la route à ceux qui tentent de diviser le peuple tunisien entre partisans et opposants à la charia, nous avons opté pour cette formule stipulant que le Parti d'Ennahda se contente de l'inscription de l'article premier : La Tunisie est un pays libre, indépendant, souverain, ayant pour religion l'islam, pour langue l'arabe et pour système la République. Je vous demande d'arrêter de parler de terme charia, car pour nous la charia c'est l'islam», a-t-il ajouté. Le patron d'Ennahda a conclu : «Tout le monde est d'accord que près de 90% de nos lois et autres textes législatifs sont tirés ou ont pour source la charia. Et aussi, nous ne voulons pas que la charia soit imposée par les Tunisiens d'en haut.» Au contraire, il faut que ce soit les citoyens qui la réclament. A entendre la conclusion d'El-Ghanouchi, n'importe qui pourrait comprendre que ce dernier incite les citoyens à sortir dans la rue pour réclamer l'instauration de la charia dans le pays. Cet état de fait a fait réagir l'ensemble de la classe politique tunisienne qui reste toutefois divisée à ce sujet. La première réaction est venue de l'autre parti islamiste d'El-Aridha qui, par la voix de son président Mohammed El-Hachemi El-Hamdi a accusé Ennahda d'avoir trahi ses électeurs. «C'est une trahison pour les références du mouvement islamiste en Tunisie, pour lesquelles ses militants ont fait de nombreux sacrifices pendant la dictature», a-t-il indiqué. Ce dernier a saisi cette occasion pour appeler les élus d'Ennahda de quitter ce parti et de se joindre au bloc parlementaire d'Al-Aridha, afin de créer un grand groupe capable de défendre sa position et respecter les principes pour lesquels les électeurs les ont élus. Quelques heures seulement avant cette surprenante décision d'Ennahda, des milliers d'islamistes ont occupé la rue, réclamant l'application de la charia et menaçant ceux qui les contrarient. Des appels au meurtre ont été lancés contre des personnalités et des hommes politiques qui s'opposent à leur projet. Les fanatiques ont même appelé à assassiner l'ex-Premier ministre du gouvernement provisoire. La foule rassemblée au niveau de l'avenue Bourguiba a scandé en masse «La illah ila Allah, Essebssi Adou Allah [Dieu est unique et Essebsi est l'ennemi de Dieu]». En somme, la nouvelle sortie des dirigeants du parti Ennahda pourrait-elle faire cesser la violence qui sévit ces derniers jours dans la rue tunisienne ? Attendons pour voir.