Comme à chaque rendez-vous hebdomadaire, le club des médias de la salle Atlas de Bab El-Oued a accueilli, mercredi dernier, l'artiste plasticien Karim Sergoua. Organisé par l'Office national de la culture et de l'information, sous le patronage du ministère de la culture, «Maw'id maâ l'kalima» offre aux artistes et intellectuels algériens une tribune d'expression libre autour des préoccupations artistiques et créatives. Usant d'un langage direct, Karim Sergoua a, lors de son intervention, fait part de son immense tristesse de constater que peu de véritables galeries d'art permettent aux artistes algériens de montrer leur travail. «Il est triste et lamentable de voir à peine treize galeries d'art en Algérie, alors que les espaces ne manquent pas. Mais, je le dis en toute franchise, ce peu d'espaces d'exposition m'a aidé, comme d'autres artistes, à être plus créatif. Cette situation nous a permis de trouver des subterfuges et de créer nos propres espaces, à notre manière», a-t-il indiqué, ajoutant, par ailleurs qu'il est triste «de voir les galeries d'art en activité transformées en salles d'accrochage de toiles, dont certaines sont hyper luxueuses». Pour Karim Sergoua, «les artistes demandent à évoluer dans des lieux simples, modestes et d'intérêt pratique», jugeant, de ce fait, «ridicule que la moquette et des rideaux en soie soient installés dans une résidence d'artistes». Aussi, lancera-t-il, une nouvelle fois, un appel à qui de droit pour la mise à la disposition des artistes de ces espaces improbables comme les caves, voûtes, abattoirs et autres briqueteries, qui se déclinent en millions de mètres carrés et qui, après restauration, pourraient servir, entre autres, «la culture et les arts dans toute leur diversité», affirmera-t-il. Pour lui, il est nécessaire de mettre «à la disposition des artistes, sans budget ni aides financières, ces lieux de la capitale qui se trouvent aujourd'hui à l'état d'abandon et tombent peu à peu en ruine, pour en faire des espaces d'expression et de créativité artistiques». A propos de son futur grand projet, le plasticien a souligné qu'il y travaille depuis deux ans, ce sera une sorte de «passerelle d'arts plastiques alternatives» (PaPa). Il aura lieu à Alger, au mois de novembre prochain. Le projet consistera en des expositions, spectacles de danse, poésie et littérature. «J'ai réservé tout un espace pour rendre hommage aux jeunes qui ont apporté leur aide lors des inondations de 2001 et du séisme de 2003», a souligné Sergoua. Véritable «agitateur de talents», Karim Sergoua s'est toujours fait remarquer par ses expositions organisées dans des «lieux improbables». Il confiera, lors de son intervention qu'en 2008, il a initié une exposition de 3 jours dans un chantier. Le premier jour, il a organisé un concert de jazz, le deuxième, il y a eu une qaâda politique et le troisième a été consacré à une rencontre sur les critiques d'art. «J'ai reçu 800 invités qui se sont assis sur des parpaings. C'était très bien». Il ajoutera aussi qu'à l'occasion d'une autre performance organisée à Sidi Yahia, il avait mis du foin sur le sol pour rappeler la nature. Karim Sergoua, né le 21 mars 1960, sort diplômé de l'Ecole nationale des beaux-arts d'Alger en 1985. Son travail tourne autour de la passion pour les matériaux de création traditionnels et les matériaux plus modernes, plus contemporains, voire insolites, comme les chaussures ou les visages. Il est l'un des créateurs de courants artistiques algériens comme «Base 3 + 1» ou encore «Essebaghine». En outre, il a fondé avec d'autres artistes le groupe d'art P'Art-ci P'Art-là, et est membre du Comité international de la Biennale des jeunes créateurs de l'Europe méditerranéenne. A l'instar d'autres artistes, il semble considérer la création comme un ensemble d'expériences et d'associations. Il organisera bientôt une exposition en face du musée d'art moderne d'Alger pour montrer qu'un autre art est possible. Un art plus libre, plus moderne, plus en phase avec le monde d'aujourd'hui. Aujourd'hui, enseignant à l'Ecole supérieure des beaux-arts (ESBA), il partage son temps entre ses cours et ses expositions qui le mènent aux quatre coins du monde. En effet, le plasticien a déjà présenté son travail dans plusieurs grandes villes comme Paris, Lisbonne, Milan ou encore Sarajevo.