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Les discours utopiques des candidats aux élections législatives du 10 mai
Publié dans La Nouvelle République le 30 - 04 - 2012

Cette modeste analyse se veut une contribution au débat national qui engage l'avenir de l'Algérie. L'histoire étant le fondement de toute connaissance et actions, au lieu de se livrer à des discours chauvinistes hystériques d'un autre âge et aux promesses utopiques auxquelles plus personne ne croit, les candidats aux élections législatives du 10 mai 2012 ont-ils analysé réellement les politiques socioécono-miques de 1963-2012 afin d'en tirer les leçons pour l'avenir ?
Les forces sociales conservatrices et réformistes souvent antagoniques, tenant compte du poids de l'Histoire, sont le moteur de la dynamique ou de la léthargie de toute société. Comment ne pas se remémorer les promesses des dirigeants politiques algériens qui ont présidé aux destinées du pays au nom de la légitimité historique – encore – quand certains évoquaient récemment, pour ceux qui veulent bien les entendre, la fin de «l'Etat de la mamelle», puis celle de la légitimité révolutionnaire. Cela signifie surtout que le pouvoir bienfaisant comme contrat politique implicite par les tenants du «socialisme de la mamelle» afin de légitimer l'échange d'une partie de la rente contre la dépendance et la soumission politique – et qui efface tout esprit de citoyenneté active –, ce pouvoir doit céder la place à un pouvoir où c'est la norme du droit qui doit - dans les actes et non les discours – reprendre sa place pour légitimer le véritable statut de la citoyenneté. Les discours triomphants des années 1960 à 1985 Souvenons-nous : en 1962, de la domination idéologique du communisme, l'hymne à la liberté chanté dans les rues de l'ensemble de l'Algérie indépendante, les espoirs suscités par le socialisme spécifique à l'algérienne, l'autogestion des domaines des colons qui devait élever la production, rétablir les paysans dans leur dignité, lutter contre l'injustice sociale, mais aussi les luttes de pouvoir entre l'intérieur et l'extérieur des différents clans. En juin 1965, c'est le discours du sursaut révolutionnaire, du fait que l'Algérie serait au bord de la faillite. Il fallait la redresser, grâce à un pouvoir fort qui résiste aux événements et aux hommes, à travers trois axes : la révolution industrielle, la révolution agraire, et la révolution culturelle, en prenant comme base le plan économique du programme de Tripoli qui repose sur la dominance du secteur d'Etat, comme fer de (re)lance de l'économie nationale, à travers les grosses sociétés nationales. Ce sont les discours triomphants de constructions des usines les plus importantes du monde, du bienfait de la révolution agraire, garantie de l'indépendance alimentaire, de l'école et de la santé pour tous et de la promesse solennelle que nous deviendrions, à l'horizon 1980, le Japon de l'Afrique, avec les lancements du plan triennal 1967-1969, du premier quadriennal 1970-1973 et du second quadriennal 1974-1977. Rappelons-nous ces discours sur la vertu des fameuses industries industrialisantes et, au niveau international, la vision de l'Algérie, leader du nouvel ordre économique international dans sa lutte contre l'impérialisme, cause fondamentale du développement du sous-développement. Et voilà qu'après la mort du Président après une longue maladie et une lutte de pouvoir qui se terminera par un compromis, et la venue d'un nouveau président, qu'en 1980, nous apprenons que cette expérience a échoué. Du fait de la compression de la demande sociale durant la période précédente et surtout grâce au cours élevé du pétrole, les réalisations porteront sur les infrastructures, la construction de logements et l'importation de biens de consommation finale avec le programme anti-pénurie, et la construction sur tout le territoire national de souks el fellah. L'Algérie ne connaît pas de crise économique, selon les propos télévisés un d'ex-Premier ministre, crise qui touchait à l'époque les pays développés avec un baril équivalent à 80/90 dollars, en termes de parité de pouvoir d'achat 2010. C'est alors l'application mécanique des théories de l'organisation, car les grosses sociétés nationales ne seraient pas maîtrisables dans le temps et l'espace. 1986 : l'effondrement des recettes des hydrocarbures et crise politique 1989/1990 Mais la population algérienne con-temple, en 1986, l'effondrement du cours du pétrole, les listes d'attente et l'interminable pénurie : et c'est toujours la faute de l'extérieur. Et voilà que nous avons un autre discours : les Algériens font trop d'enfants, ne travaillent pas assez. L'on fait appel à la solidarité de l'émigration que l'on avait oubliée. Il s'ensuit l'effondrement du dinar dont on découvre par magie que la parité est fonction du cours du dollar et du baril de pétrole, et non du travail et de l'intelligence, seules sources permanentes de la richesse. On loue alors les vertus du travail, de la terre, l'on dénonce les méfaits de l'urbanisation, du déséquilibre entre la ville et la campagne, la priorité devant être donnée à l'agriculture car on constate le niveau alarmant de la facture alimentaire. Et c'est le slogan de «l'homme qu'il faut à la place qu'il faut et au moment qu'il faut», thème reproduit également aujourd'hui. Octobre I988. Conséquence de la crise de 1986 qui a vu s'effondrer les recettes des hydrocarbures des deux tiers, contredisant les discours populistes, on assiste au début timide d'une presse libre et d'un multipartisme que l'on tente de maîtriser par l'éclosion de partis (une famille pouvant fonder un parti avec des subventions de l'Etat) avec la naissance d'une nouvelle Constitution en 1989, qui introduit des changements fondamentaux dans notre système politique monocratique depuis l'indépendance, en consacrant l'existence du multipartisme, conférant ainsi à notre système politique un caractère pluraliste, du moins dans les textes. Sur le plan économique, entre 1989-1990, c'est l'application des réformes avec l'autonomie de la Banque centrale, la tendance à la convertibilité du dinar, la libéralisation du commerce extérieur, une tendance à l'autonomie des entreprises et l'appel, très timide, à l'investissement privé national et international sous le slogan «secteur privé, facteur complémentaire du secteur d'Etat», après le socialisme spécifique, de l'économie de marché spécifique à l'algérienne avec la dominance du secteur d'Etat soumis à la gestion privée, des lois portant autonomie des entreprises publiques. Effet de la crise économique, nous assistons à une crise politique sans précédent qui commencera entre 1989/1990, crise accélérée par des élections législatives, coordonnées par un nouveau chef de gouvernement issu des hydrocarbures, des émeutes dont l'aboutissement sera la démission du Président après plus d'une décennie de pouvoir. Le procès est fait cette fois à la décennie noire de 1980-1990. Et c'est la valse interminable de chefs de gouvernement et de ministres, changements successifs dus à la profonde crise qui secoue le pays. C'est la naissance du Haut Comité d'Etat (HCE), la venue d'une historique et charismatique figure, qui donnera une première lueur d'espoir, présidera à peine une année le HCE avant d'être assassiné, son remplacement par un autre membre du HCE, avec parallèlement, un Conseil consultatif faisant œuvre de Parlement désigné. L'on rappellera comme chef de gouvernement le père de l'industrie lourde des années 1970, qui prônera l'économie de guerre mais avec son départ rapide du fait de la cessation de paiement. Lui succédera un Premier ministre membre du HCE, artisan du programme de Tripoli, qui signera l'accord de rééchelonnement avec le FMI, démissionnant tout juste après, l'Algérie étant en cessation de paiement, n'ayant pas de quoi acheter un kilo de farine, alors que certains responsables politiques clamaient haut et fort à la télévision et dans la presse que l'Algérie n'irait pas au rééchelonnement. Les accords avec le FMI entraîneront une baisse drastique de la valeur du dinar, dévalué. La période qui suit verra un chef d'Etat avec un Parlement de transition, à savoir le CNT (Conseil national de transition), combinaison d'associations et de partis politiques. Viendront les élections de ce Président axé sur le rassemblement, pour sortir le pays de la crise, et une nouvelle Constitution (1996). Elle crée la seconde chambre, dite Conseil de la nation, et par le truchement de l'article 120, lui donne pratiquement le pouvoir de bloquer un texte de loi voté par l'APN. Mais, fait nouveau et important, elle limite à deux le mandat présidentiel, étalé sur cinq années. Mais nous sommes toujours dans la même ambiguïté politique en maintenant le caractère dual de l'Exécutif (ni régime parlementaire, ni régime présidentiel), tout en consolidant le système de Conseils existants dont l'institution d'un Haut Conseil islamique et d'un Haut Conseil de sécurité présidé par le président de la République. C'est à cette période que naît le parti du Rassemblement national démocratique (R.N.D.) dont le fondement du discours est la lutte antiterroriste, et qui raflera presque tous les sièges après seulement huit mois d'existence, tant de l'APN que du Sénat, au détriment du parti FLN, succès qui provoquera par la suite des protestations interminables et une commission sur la fraude électorale dont les conclusions ne verront jamais le jour. Les parlementaires du fait de la situation sécuritaire de l'époque, auront surtout pour souci de voter pour eux-mêmes des rémunérations dépassant 15 fois le SMIG de l'époque, alors que la misère se généralise, oubliant naturellement, du fait de la généralisation des emplois de rente, qu'un parlementaire aussitôt sa mission terminée retourne à son travail d'origine, et qu'une retraite automatique revient à afficher un mépris total pour une population meurtrie. Dans la foulée, la venue de deux chefs de gouvernement. Le premier, technicien, pratiquera le statu quo; le second, par l'application des accords du FMI, aura à son actif le cadre macroéconomique stabilisé mais des retombées sociales négatives du fait de la douleur de cet ajustement. Ce président démissionne et des élections sont programmées le 8 avril 1999 avec l'élection d'un nouveau président qui promet de rétablir l'Algérie sur la scène internationale, de mettre fin à l'effusion de sang et de relancer la croissance économique pour atténuer les tensions sociales – ce qui sera matérialisé plus tard par le référendum sur la réconciliation nationale, avec un vote massif en faveur de la paix. (A suivre)

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