Le débat très virulent qui a opposé François Hollande à Nicolas Sarkozy, mercredi, a tourné à l'avantage du socialiste, puisque le président candidat, en position de challenger, n'est pas parvenu à bousculer, estimaient, jeudi, la plupart des commentateurs étrangers. Les deux finalistes ont débattu d'emblée de façon très offensive, François Hollande accusant Nicolas Sarkozy d'avoir divisé les Français, le président sortant reprochant à la gauche ses agressions verbales. Le ton est resté virulent jusqu'à la fin. Le face-à-face a été excitant. Ce débat si ritualisé va-t-il faire un peu trébucher l'un des prétendants, de préférence celui qu'on repousse ? C'est la loi antique des duels, on attend un vainqueur et un vaincu. Pour cela, il faudra ce soir. Mercredi, la technicité a pris le pas sur l'émotion. Ce fut une soirée convenue, un balayage consciencieux de fin de campagne, chiffres contre chiffres, avec des avalanches de taux et de situations comparés. On avait davantage l'impression d'entendre des chefs de gouvernement faisant assaut de démonstrations que des candidats à la présidence de la République. Alors que le système présidentiel français donne un poids considérable à l'homme, sa culture, ses convictions, ses tripes, chacun a repris doctement ses dossiers, quitte à répéter ce qu'il avait dit lors des meetings au cas où un citoyen distrait aurait manqué une épisode. Un jeu de fond de cours là on aurait aimé des montées au filet. Il fallut attendre longtemps pour que François Hollande et Nicolas Sarkozy exposent avec flamme leur conception de la présidence. Qui a été supérieur à l'autre ? Vaine question. On ne départage pas en trois heures de ping-pong verbal deux hommes du même âge, deux débatteurs, rodés, agiles, habiles, qui connaissent toutes les ficelles de la vie politique. La forme du débat y est pour beaucoup. Les deux candidats se répondaient l'un et l'autre sans arbitrage extérieur, les deux journalistes étant cantonnés au rôle de chronométreurs officiels de l'équipe de France, et même sur l'Europe et l'immigration, les projets de société ont eu du mal à aller au-delà de l'inventaire classique, droite contre gauche. L'an dernier, Nicolas Sarkozy serait tombé des nues si on lui avait annoncé qu'il allait affronter François Hollande en un combat serré. Il y a un an, à pareille époque, le sémillant Dominique Strauss-Kahn faisait des cachotteries pour mieux distiller son envie d'emménager à l'Elysée. Evoquer ce passé encore chaud, c'est rappeler que l'actualité ne cesse de multiplier les brèches et les bifurcations. Les impondérables venus de loin ont transformé la campagne électorale. Et si la Grèce, l'Irlande, l'Espagne et quelques autres n'étaient pas fragiles à l'extrême, il est probable que la thématique européenne aurait été expédiée en quatrième vitesse. La crise est là, le monde est poreux et néanmoins cette campagne s'est singularisée par ses obsessions nationales. Le registre hexagonal, plus connu et plus commode, a été encensé comme jamais. Si certains candidats avaient pu le sanctuariser, ils se seraient battus pour réinventer glorieusement les remparts, les douves, les herses et les mâchicoulis. On n'a jamais brandi autant de drapeaux tricolores qu'en ces temps où la France baisse pavillon en matière de croissance. Une certitude se dégage pourtant, l'avenir de la France ne se joue pas en champs clos. Il est aberrant d'aborder les problèmes de 2012 dans le cadre restreint des frontières de 1918. On a trop éludé, esquivé, procrastiné. «Quand le sage montre la lune, l'imbécile regarde le doigt», dit le proverbe. Ils n'est plus temps de demander la lune, mais au moins, que les Français cessent de regarder le doigt ou, ce qui n'est pas mieux, leur nombril. Le face-à-face des candidats du second tour est utile, il est bon qu'il ait lieu, mais il ne faut pas en attendre plus qu'il ne peut donner. C'est plus une vérification qu'une découverte.