Toute l'Egypte retient son souffle, à quelques heures de l'annonce officielle des résultats des élections présidentielles. Les observateurs redoutent de graves dérives, dans l'hypothèse d'une victoire d'Ahmed Chafik, candidat supposé proche de l'armée au pouvoir depuis la démission du président Hosni Moubarek en janvier 2011. Les résultats de l'élection présidentielle en Egypte entre Mohamed Morsi, candidat des Frères musulmans et Ahmad Chafiq, ancien Premier ministre de Hosni Moubarak, seront annoncés dimanche, a déclaré samedi le secrétaire général de la commission électorale, Hasan Bagato, au lendemain des manifestations à l'appel des Frères musulmans qui réclament la reconnaissance de la victoire de leur candidat. Quelques irréductibles partisans de la confrérie ont encore passé la nuit à la place Tahrir, jurant de ne pas la quitter avant l'annonce de la victoire de M. Morsi, contestée par son rival Ahmed Chafiq, qui a lui aussi affirmé avoir remporté le scrutin. La commission électorale qui devait annoncer jeudi les résultats du second tour des 16 et 17 juin, a demandé plus de temps pour examiner les multiples recours présentés par les deux camps. Ce climat d'indécision est refleté par la presse locale. Ainsi, le quotidien indépendant proche des courants dits «révolutionnaires», annonce à la Une : « Morsi va être déclaré vainqueur aujourd'hui. Sauf si... », tandis que le quotidien libéral Al Wafd titrait : «Chafiq s'approche du palais présidentiel.» Les déclarations hostiles se multiplient entre les Frères musulmans et les militaires, leurs rivaux historiques. Mais selon des sources médiatiques, les deux parties sont en privé engagées dans des discussions pour gérer les tensions. On parle même d'un «deal» passé entre les deux parties pour mener la transition, en cas de victoire du candidat islamiste, Mohamed Morsi, qui consisterait à partager les pouvoirs, après la dissolution du Parlement, dominé par les islamistes. Pour l'instant, le Conseil suprême des forces armées (CSFA), au pouvoir depuis la chute de M. Moubarak en février 2011, est surtout préoccupé par l'évolution de la situation qui risque de déboucher sur des troubles graves. Il a donc lancé vendredi un avertissement voilé aux Frères musulmans, affirmant qu'il agirait «avec la plus grande fermeté face à toute tentative de porter atteinte aux intérêts publics et privés». Les militaires ont aussi appelé toutes les «parties à éviter toute action qui mettrait en danger la sécurité du pays» et critiqué l'annonce de résultats non officiels par les deux candidats, à l'origine selon l'armée des «tensions et divisions sur la scène politique». La confrérie a répliqué qu'elle ne cherchait pas «la confrontation ou la violence» mais qu'elle se battrait contre toute falsification des résultats du scrutin. Une simple profession de foi, disent les observateurs les plus avertis. Les plus sceptiques évoquent d'ores et déjà un scénario «à l'algérienne», dans le cas où le candidat islamiste serait privé de la victoire qu'il réclame depuis une semaine. Un scénario qui verrait l'aile radicale de la confrérie, et d'autres courants fonda mentalistes, basculer dans la violence, au nom de la défense de «la légitimité spoliée.»