Positionné depuis sa création en 2005 comme un laboratoire d'expérience pour les musiques urbaines métissées, le festival parisien New Bled Festival propose après une pause en 2011, sa septième édition. Au côté des noms de talentueux innovateurs comme celui de Smadj, apparaissent sur l'affiche ceux de Mohamed Mazouni, une des stars de la chanson immigrée des années 1960/70 ou un Balgérie célébrant 50 ans de musiques partagées. Voyage au cœur d'un festival qui ne craint pas de se confronter au temps. Longtemps enraciné dans l'Est parisien, New Bled s'est imposé en quelques années et au fil d'une audacieuse programmation en salle comme un lieu de rencontres et d'échanges entre activistes des musiques métissées, un pied dans la tradition, un autre dans le monde d'aujourd'hui. Avides de rencontres musicales et humaines, les organisateurs de ce festival ont en cette année marquée par le cinquantenaire de l'Indépendance algérienne, tenu à célébrer à leur manière l'événement sans rien perdre de ce qui fait l'originalité de ce festival. Mohamed Mazouni, quand la chanson algérienne s'inventait en France Sur trois jours et dans trois lieux parisiens, New Bled joue l'itinérance. Pour son ouverture, le festival invite Smadj au Satellit Café. Compagnon de route déjà croisé par le passé sur les tablettes de New Bled avec DuOuD (un duo avec Mehdi Haddab), Smadj revient en trio sous le nom de Smadj Q. Pour ce nouveau projet, le joueur de oud, un temps installé à Istanbul, prolonge ses expérimentations en croisant sensualité orientale et grooves discoïdes. Le lendemain, le festival passe sur la rive gauche, invitant à l'Institut du monde arabe quelques jeunes pousses de la chanson (le band pop-rock Caméléon et la chanteuse kabyle Thanina) à partager l'affiche avec Mohamed Mazouni. Né à Blida en 1940, Mohamed Mazouni est l'auteur de succès qui restent ancrés à tout jamais dans le cœur des immigrés et de leurs enfants. On lui doit, entre autres, Camarade, un titre que Rachid Taha a inscrit au track-listing de son album de reprises, Di-wan ; Adieu la France, Bonjour l'Algérie, remis au goût du jour par les Toulousains Mouss et Hakim (Zebda) sur leur Origines Contrôlées, Chérie Madame que s'approprie Zenzila en 2002 ou Tu n'es plus comme avant chanté par l'Orchestre national de Barbès. «En 1969, j'ai quitté l'Algérie pour venir en France. J'avais envie de changer d'air, de découvrir de nouveaux univers artistiques», raconte celui qui commençait à composer ses premières chansons ici en s'inspirant de la vague yéyé, après s'être fait un petit nom au pays avec un répertoire folklorique bédouin. «J'avais une petite voix, j'ai composé avec !» explique-t-il au téléphone depuis Blida, en Algérie, où il est retourné depuis plus de deux décennies. «Je chantais pour les gens qui comme moi connaissaient l'exil. J'étais et je suis toujours resté très attaché à mon pays, l'Algérie. Pour moi, il n'y a pas de Constantinois, d'Oranais ou d'Algérois, mais juste des Algériens. Je chante autant en arabe classique ou dialectal, en français et en kabyle". Pour autant, Mohamed Mazouni n'est pas kabyle, même s'il a chanté la Kabylie (Kabylie, mon Pays). Mohamed Mazouni a un peu tout chanté, ce que certains lui reprochent d'ailleurs, le qualifiant de «chanteur polaroïd». Car s'il a loué de sa voix les mérites de l'indépendance, les peines de l'exil, il a aussi dessiné en musique le portrait de François Mitterrand ou de l'Iman Khomeini, s'est interrogé sur la longueur des jupes, sur le service militaire ou a condamné les excès de vitesse. Balgérie, des tubes des deux rives «Plus de 10 millions de nos compatriotes, de nos collègues, amis ou voisins ont ainsi avec ce pays une relation joyeuse ou grave, revendiquée ou intime, quotidienne ou enfouie dans leur mémoire» commente Mohand Haddar à la tête de ce festival. Il était important de rassembler pour le dernier soir du festival les peuples des deux rives en ce cinquantenaire de la fin de la guerre, en cet anniversaire de l'indépendance algérienne, et de partager des tubes des 50 dernières années qui nous ont tous fait danser. Animée par le légendaire Paris Bal Rock, ex-Grand Orchestre du Bal de l'Elysée-Montmartre, ce Balgérie est un moment de musique partagée, le ciment d'une identité croisée.