Fondée le 17 février 1989 à Marrakech, l'UMA ne cesse, depuis, de faire du surplace. Les responsables des cinq pays membres (Algérie, Libye, Maroc, Mauritanie, Tunisie) continuent certes de se rencontrer périodiquement et de développer une coopération bilatérale dans plusieurs domaines, mais sans amélioration substantielle sur le plan des échanges économiques. Le produit intérieur brut de l'ensemble des pays du Maghreb a été évalué en 2011(voir tableau en annexe) par le FMI à 409,445 milliards de dollars en 2011 contre 387,712 milliards en 2010. Ce PIB global est artificiellement gonflé par la Libye et l'Algérie du fait du poids des hydrocarbures et des phosphates pour le Maroc. Ainsi, en 2011, le PIB du Maghreb représente 0,57 % du PIB mondial, 2,40 % du PIB de la communauté économique européenne et 2,72 % du PIB américain et est légèrement supérieur au PIB de la Grèce qui connaît une très gave crise d'endettement pour environ 12 millions d'habitants. Comparé à la population et aux PIB allemand (3.328 milliards de dollars pour 82 millions d'habitants) et français (2.808 milliards de dollars pour 65 millions d'habitants), on mesure l'important écart. Le PIB maghrébin doit à l'horizon 2020 quadrupler (1.550 milliards de dollars à prix constants 2010) au minimum si l'on veut éviter des tensions sociales de plus en plus vives au niveau de l'espace Maghreb. Il s'agira de relancer le projet de la Banque d'investissement maghrébine avalisé en 2010 par l'UMA, une base pour concrétiser l'interconnexion bancaire entre les pays du Maghreb tout en harmonisant le cadre légal entre les diverses banques de la région, objet de la prochaine réunion des chefs maghrébins d'Etat en octobre 2O12 à Tunis, d'unifier les tarifs douaniers, de prévoir la création d'une grande université euro-maghrébine, d'une banque centrale et d'une bourse magrébines, support d'une monnaie maghrébine, ces structures devant s'insérer à l'horizon 2020 dans le cadre d'une banque centrale et d'une bourse euro-méditerranéenne, ce qui suppose la résolution préalable des taux de change. Le PIB maghrébin doit être multiplié par cinq à l' horizon 2020 ou quadruplé (environ 2.000 milliards de dollars à prix constants 2012) au minimum si l'on veut éviter des tensions sociales de plus en plus vives au niveau du Maghreb. Comme conséquence de cette non-intégration, le faible attrait des investissements directs étrangers (IDE). Selon le rapport de la Conférence des Nations unies sur le commerce et le développement (CNUCED) publié le 26 juillet 2011 sur l'investissement dans le monde, en termes de flux d'IDE, l'Algérie a drainé 2, 594 milliards de dollars en 2008, 2,761 milliards en 2009 et 2,291 milliards en 2010 mais essentiellement concentré dans les hydrocarbures. Le Maroc n'a drainé respectivement durant les mêmes années que 2,487 milliards de dollars, 1,952 milliard et 1,304 milliard . Pour la Tunisie, ils sont de l'ordre de 2,758 milliards de dollars en 2008, 1,688 en 2009 et 1,513 en 2010 et la Libye 4,111 milliards, 2,674 et 3,833 en 2010 principalement par la relance de son secteur hydrocarbures. Ainsi, le total des IDE pour ces quatre pays du Maghreb totalisent 8, 941 milliards de dollars soit 0,6 % des IDE estimés à 1.500 milliards de dollars et devant aller à plus de 2.000 milliards à l'horizon 2013. Cela a des répercussions sur le niveau du chômage souvent surestimé par les données officielles. Il s'ensuit un taux de chômage inquiétant et une dominance de la sphère informelle au Maghreb. Certes, selon une étude de l'OCDE, le PIB par habitant moyenne 2009/2012 a connu une certaine amélioration Mais un indicateur global peut voiler d'importantes disparités régionales qu'une concentration excessive du revenu national au profit d'une minorité croissance peut ne pas signifier développement, d'où l'importance d'enquêtes plus précises et d'analyses qualitatives pertinentes. Ainsi, les statistiques officielles sur le taux de chômage au Maghreb sont souvent biaisées. Selon les données du BIT et de la Banque mondiale, si l'Algérie, le Maroc et la Tunisie ont réussi ces dix dernières années à ramener le chômage à des niveaux assez bas, 9,1 % au Maroc, 10,2 % en Algérie et 13,3 % en Tunisie en 2009 contre respectivement 13,4 %, 30 % et 15,7 % en 2000, cela ne concerne pas nécessairement des emplois productifs surtout dans des pays rentiers comme la Libye et l'Algérie grâce à la rente des hydrocarbures où nous assistons souvent à des versements de traitements sans contreparties productives pour calmer le front social. Les rapports du FMI et de la Banque mondiale montrent que le chômage des jeunes diplômés est beaucoup plus important que celui des non-instruits. L'étude conclut qu'au Maghreb le chômage touche beaucoup plus la frange des universitaires, plus exigeants quant à leur emploi et leur salaire, que ceux qui n'ont pas poursuivi de cursus scolaire. Ainsi, le taux de chômage au Maghreb est supérieur à 40 % en tenant compte des emplois précaires et en soustrayant la sphère informelle marchande, existant une sphère informelle productive mais marginale. En effet, la sphère informelle est dominante au Maghreb. Et bien que jouant comme facteur de tampon social et constituée de jeunes entrepreneurs dynamiques qu'il s'agit d'intégrer d'une manière intelligente, sur le moyen terme, la dynamisation de l'intégration maghrébine passe par l'intégration de la sphère informelle et la création d'entreprises dynamiques dans la sphère réelle s‘insérant dans le cadre des valeurs internationales d'autant plus que le Maroc, la Tunisie et l'Algérie ont signé l'accord de libre-échange avec l'Union européenne impliquant à l'horizon 2017/2020 d'importants dégrèvements tarifaires, ce qui peut pousser ceux opérant dans la sphère réelle à amplifier la sphère informelle d'autant plus que la plupart des entreprises dans la sphère réelle sont peu initiées au management stratégique et sont à dominance familiale avec une gestion autoritaire ignorant les mutations internationales, freinent en tant que lobbys l'ouverture par des pressions protectionnistes et prospèrent (ou déclinent) grâce à des parts de marché que leur attribuent l'Etat via la dépense publique. La sphère informelle est le produit des dysfonctionnements des appareils de l'Etat et du poids de la bureaucratie. Lorsque un Etat, par des actions autoritaires, émet des lois qui ne correspondent pas à l'état de la société, celle-ci enfante ses propres lois qui lui permettent de fonctionner, sphère qui ouvre la voie à l'Etat de non-droit et à la corruption par la domination du cash alors que l'économie moderne repose sur deux postulats, le contrat et le crédit. Pour les agents économiques opérant dans la sphère informelle, dans leur conscience, ils fonctionnent dans un espace qui est leur droit avec des codifications précises entretenant des relations complexes avec la sphère réelle. L'économie informelle est réglée par des normes et des prescriptions qui déterminent les droits et les obligations de ses agents économiques ainsi que les procédures en cas de conflits ayant sa propre logique de fonctionnement qui ne sont pas ceux de l'Etat, nous retrouvant devant un pluralisme institutionnel et juridique contredisant la vision moniste du droit enseigné aux étudiants. Les économies maghrébines en transition sont en effet confrontées à une double évolution. D'abord économique, avec la transition d'un système d'économie planifiée, ou de fort interventionnisme étatique, à celui d'une économie de marché. Ensuite politique, avec le passage d'un système non démocratique vers un système plus démocratique. C'est dans ce cadre que des enquêtes précises sur le terrain concernant les économies méditerranéennes et des pays de l'ex-camp communiste montrent clairement les interdépendances entre institutions formelles et institutions informelles, de nombreuses règles formelles n'étant qu'une validation ex-post de règles informelles issues de la tradition ou de la coutume. Réciproquement, une institution formelle peut être prolongée, voire modifiée par une institution informelle. Aussi, pour les économistes qui doivent éviter le juridisme, dans chacun de ces cas de figure, ayant des incidences réelles sur le comportement des investisseurs, nous assistons à des logiques différentes tant pour la formation du salaire et du rapport salarial, du crédit, du taux d'intérêt, de la formation profits et des prix qui dépendent dans une large mesure de la forme de la concurrence sur les différents marchés. Cette dualité se retrouve, par exemple, avec la différenciation du taux de change officiel et celui du marché parallèle, le rapport à la fiscalité qui conditionne la nature des dépenses et recettes publiques, en fait par rapport à l'Etat, le paiement de l'impôt direct étant un signe d'une plus grande citoyenneté, les impôts indirects étant injustes par définition puisqu'étant supportés par tous les citoyens riches ou pauvres. Selon le ministre du Travail algérien, l'informel contribue à 25 % du PIB en 2010 et plus de 30 % emplois Selon les derniers chiffres du Haut-Commissariat au plan au Maroc, l'économie informelle représente 14,3 % du PIB et 37,3 % de l'emploi non agricole. Pour l'Algérie, la sphère informelle contrôle 40 % de la masse monétaire en circulation, à savoir environ 13 milliards de dollars. Le nombre de commerçants qui travaillent au noir est passé en 2011 à 1 million contre quelque 600.000 en 2010. Ce sont là des chiffres avancés par l'Union nationale des commerçants et des artisans algériens (UGCAA). Cette augmentation est, selon lui, l'effet de la décision prise par le gouvernement après les émeutes de janvier de ne pas s'attaquer à l'informel. Pour le Dr Deborah Harrold, professeur au Bryn Mawr Collège (Colombia), spécialiste du Maghreb, l'économie informelle représente les 50 % de la taille de l'économie nationale algérienne. Nous avons approximativement la même taille au Maroc. Selon une enquête du Soir du Maroc en date du 20 décembre 2010, la part de l'informel représenterait entre 50 à 70 %. L'économie informelle génère au Maroc quelque 280 milliards de dirhams par an, augmentant de 40.000 unités de production chaque année, selon les estimations publiées en décembre 2009 dans un rapport du Haut-Commissariat au plan. Cinquante-sept pour cent des entreprises de ce secteur sont des commerces de détail et 20 % travaillent dans le secteur des services. Ce rapport estime également que le nombre des entreprises non enregistrées est passé de 1,23 million en 1999 à 1,55 million en 2007, soit une augmentation de près de 18 %t. Qu'en est-il pour la Tunisie, la Libye et la Mauritanie ? Une place énorme au Maghreb comparée aux autres pays où ce secteur ne dépasse pas les 20 % et un manque à gagner considérable pour l'Etat - alors qu'elle représente dans des sociétés organisées comme la Suisse (8 % de l'économie globale), le Canada (15 %) ou encore la Norvège (20 %). L'Italie, pays de la «combinazione», affiche, quant à elle, avant son intégration à l'Union européenne où ce taux dépassait 50%, un taux de 27 %. Les actions pour des filières dynamiques intégratrices que peuvent réaliser à court terme les pays du Maghreb ensemble ? Problématique : quelle politique de développement pour le Maghreb face à la mondialisation ? Toute étude de marché sérieuse, si l'on veut éviter le gaspillage des ressources financières, suppose que l'on réponde au moins à cinq questions qui concernent d'ailleurs l'ensemble de la politique industrielle future que l'on ne saurait isoler de la politique globale. Quel est le choix des secteurs en fonction de la demande solvable des Maghrébins sachant que le marché local est un marché instable. Quelle est la stratégie des filières par rapport aux mutations mondiales? La restructuration du secteur public industriel et marchand permettra-t-elle des programmes d'investissement, pour les transformer en véritables leviers économiques favorisant l'émergence de secteurs dynamiques compétitifs dans le cadre des avantages comparatifs mondiaux dont la prise en compte des industries écologiques ? Construit-on actuellement des projets pour un marché local régional ou mondial afin de garantir la rentabilité financière face à la concurrence internationale ? Les filières ne sont-elles pas internationalisées avec des sous-segments éparpillés à travers le monde ? Un partenariat stratégique n'est-il pas la condition fondamentale pour à la fois des projets fiables et pénétrer le marché mondial ? La production locale sera-t-elle concurrentielle en termes du couple coûts-qualité dans le cadre de la logique des valeurs internationales ? L'urgence d'un système financier adéquat qui réponde à la nouvelle logique industrielle, car sans réformes de ce système, actuellement se limitant à une redistribution de la rente donc un enjeu de pouvoir, impulser des secteurs. (A suivre)