La prison dites-vous ? Elle ne compte pas que des journalistes. Elle claquemure aussi la liberté d'expression. Amendons ces idéologies rétrogrades. En partant de cela, la peine d'emprisonnement est la solution de dissuasion qui se pratique dans la wilaya de Mascara où le magistrat n'est pas lié à la véracité ou à la fausseté des faits relatés, mais seul ne comptent pour lui que l'honneur et la considération de la personne qui se plaint. «La condamnation du journaliste Manseur Si Mohamed par le tribunal de Mascara dépasse le domaine journalistique, c'est devenu une affaire politique où tous les coups sont permis... C'est un véritable déni de justice», déplore Me Youcef Dilem, avocat au barreau d'Alger et défenseur au Syndicat national des journalistes. La dépénalisation des délits de presse, conçue et promue par le président de la République, Abdelaziz Bouteflika, pour donner un contenu plus objectif à la liberté de la presse, qui ne pontifie ni l'irresponsabilité ni la déresponsabilisation, encore moins l'impunité, ne semble pas être prise en considération par la justice dans la wilaya de Mascara. Au contraire, elle accorde au journaliste une implication accrue. Pour rappel, l'affaire du journaliste Manseur Si Mohamed, chef de bureau de la Nouvelle République accrédité dans la wilaya de Mascara dans l'affaire l'opposant à Mme Ibelaid Naima épouse Laimeche, directrice des impôts de la wilaya de Mascara, qui a déposé plainte pour un article jugé diffamatoire intitulé «Un conseil d'Etat, pourquoi faire ?» paru en date du 20 décembre 2011. Le reportage en question, où il n'y a rien de diffamatoire, avait pour fond la question des décisions de justice émanant de la Cour suprême et du conseil d'Etat, qui sont bafouées et détournées par ceux-là mêmes qui sont censées les appliquer, a l'exemple de la directrice des impôts de Mascara dans l'affaire de l'inspecteur principal Chaâbane Mohamed dit Hamid. Au cours de l'audience qui s'est tenue en date du 6 mai au tribunal de Mascara, dans son réquisitoire des plus enflammés, le substitut du procureur avait requis six mois de prison ferme, en plus d'une forte amende de 50 000 DA. Le 13 juin dernier, en rendant sa délibération dans le contexte de cette navrante affaire, le tribunal a adouci à sa manière la peine pour la réduire à deux mois de prison ferme tout en maintenant la forte amende. Cette condamnation, où statistiquement dans la wilaya de Mascara, les journalistes et les correspondants de presse en procès sont vaguement disculpés, n'a pas étonné les divers observateurs nationaux et étrangers. Cependant, les divers acteurs qui nous ont contactés, y compris les professionnels des médias, ont été consternés par une condamnation des plus étranges, quand on sait que le président de la République avait dépénalisé les délits de presse, et ce, conformément à la loi n°12/05 relative à la loi sur l'information adoptée fin 2011 par l'APN. Le procès ipso facto intenté contre Manseur Si Mohamed a fait réagir les différentes organisations internationales, spécialement Reporters sans frontières, mais aussi le Syndicat national des journalistes comme étant une escalade préméditée qui s'apparente à un excès de zèle, et ce, malgré les dispositions du nouveau code de l'information qui ne prévoient plus des peines d'emprisonnement pour délit de presse. Cette sentence est en contradiction avec l'engagement pris par le président de la République, excluant toute peine de prison pour des délits de presse où la justice dans la wilaya de Mascara semble avoir jusqu'ici ignoré ce changement de direction opérée par le président de la République, vu que les dispositions du code pénal restent en vigueur. Le 11 juillet, le procès en appel qui normalement devait se ternir vers 15 h, ne sera effectif que vers 17h, dans une salle complètement vidé, ce qui s'apparentait étrangement à un procès à huis clos, et ce, paraît-il, vu que le dossier n'a pas été étudié ou examiné par les magistrats de la cour de Mascara. Vers 17h15, le président de la cour, en appelant à la barre Manseur Si Mohamed, fera en sorte d'interroger notre journaliste sur le but de ce reportage et le pourquoi surtout d'avoir focalisé le thème sur la Direction des impôts et pourquoi pas une autre institution où les décisions de justice ne sont pas respectées ? Ensuite, il lui demande si le mot touriste a une connotation «injurieuse». Le cœur du problème semble être, outre l'étymologie des termes, le statut de fait et démontrable. Là où la linguistique prétexte l'idée d'une valeur de vérité de l'insulte, injure et autres atteintes à la personne, c'est au contraire pour la loi l'un des critères les plus probants pour analyser et éventuellement punir. Pour le procureur, c'est une autre vision irréconciliable où la notion de vérité semble au cœur du raisonnement du magistrat lorsque la distinction entre injure, outrage et diffamation entre en scène, ou tout l'argumentaire repose sur l'accomplissement ou non d'un fait clair, démontrable. Le procureur, au cours de son double réquisitoire, a remis en cause notre journaliste pour ses divers écrits sur le mode de gestion de la directrice des impôts et sur ce qui se passait dans cette institution, via des communiqués dûment émargés au Snapap Direction des impôts. Pourtant, les écrits en question n'étaient pas le sujet de cette plainte de la directrice, qui avait focalisé sa complainte sur la phrase «un comportement de touriste». D'ailleurs, maintenu par les services du procureur comme étant une diffamation ( ?!). Pour la directrice des impôts de la wilaya de Mascara, Mme Ibelaid Naima épouse Laimeche, représenté par une avocate ayant son cabinet au chef-lieu de wilaya et connue sur la place publique, a fait en sorte de traduire l'article du français à l'arabe, et ce, pour étayer le choix de la qualification du délit de diffamation «entre les lignes» où la prudence d'Aristote n'est plus de mise dans cette incroyable affaire . La plainte ou comment caractériser un crime de langue via une traduction des plus hilarantes où le passage de l'action a la qualité, voire à l'Etat, marqué ici à l'attribut, est bien entendu toujours possible, même si intuitivement on sent qu'il y a des nuances non négligeables où les intérêts priment sur les enjeux d'un procès des plus biscornus. L'avocat de notre journaliste, Me Djabbeur Abdelkader du barreau de Mascara, agréé auprès de la Cour suprême, n'a pas mâché ses mots pour dénoncer le caractère diffus d'un procès qui prête à équivoque avec la politique des deux poids deux mesures. Maître Djabbeur Abdelkader, qui a présenté une longue plaidoirie, n'a pas manqué de rappeler les véritables desseins de cette affaire, et dont le journaliste avait déposé une plainte le 20 décembre 2011 et qui sera inscrite que le 29 du mois, sans toutefois être jugée ou classée, et ce, à l'heure où nous mettons sous presse. C'est-à-dire presque sept mois d'attente inutile pour une affaire de menace de mort par téléphone. Le 20 décembre 2011, le jour de la parution du reportage intitulé «Un conseil d'Etat pourquoi faire ?», la directrice des impôts de la wilaya de Mascara n'a pas trouvé mieux que de se défouler par téléphone sur notre journaliste, o ù des propos orduriers ont été tenus. Voici exactement ce que cache ce procès presque à huis clos, où avec ce simple détail on sent tout de suite la rigueur avec laquelle on a étudié en un temps record le dossier. Malgré l'annulation de la peine de deux mois de prison ferme, notre journaliste demeure toujours condamné ! Cinquante années après l'indépendance de notre pays, la liberté de la presse demeure incertaine, pour ne pas dire utopique.