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Le processus inflationniste en Algérie (II)
Publié dans La Nouvelle République le 24 - 08 - 2012

Au moment où une fraction du pouvoir, pas tous heureusement, car conscients de l'impasse actuelle, s'enorgueillit des 190 milliards de dollars de réserves de change dus aux hydrocarbures, préoccupée par les élections locales et surtout anticipant l' élection présidentielle d'avril 2014, la majorité de la population algérienne, dont 70% perçoit moins de 30 000 DA net par mois, assiste à la détérioration de son pouvoir d'achat : dépenses pendant le Ramadhan et courtes vacances. Avec la rentrée scolaire pour bientôt puis l'Aïd El-Adha, les humbles ménages algériens, y compris les couches moyennes, en voie de régression, directement et indirectement productives (secteur économique, éducation, santé) représentant 75 à 80% de la population, ne voient pas le bout du tunnel.
La deuxième raison de l'inflation est la non-proportionnalité entre les dépenses monétaires et les impacts. La dépense publique est passée successivement de 55 milliards de dollars en 2004, à 100 milliards de dollars en 2005 puis à 140 milliards de dollars fin 2006 et qui a été clôturée entre 2004/2009 à 200 milliards de dollars, mais faute de bilan, on ne sait pas si l'intégralité de ce montant a été dépensée. Dans un Conseil des ministres le dernier trimestre 2011, le Président de la République a affirmé qu'entre 2004/2013 plus de 500 milliards de dollars seront mobilisés. Pour un programme d'investissements publics 2010/2014, le gouvernement a retenu des engagements financiers de l'ordre de 286 milliards de dollars et concerne deux volets, à savoir le parachèvement des grands projets déjà entamés entre 2004/2009, l'équivalent de 130 milliards de dollars (46%) et l'engagement de projets nouveaux pour un montant de près de 156 milliards de dollars. D'une manière générale, selon un rapport pour la région MENA 2010, l'Algérie pour des pays similaires dépense deux fois plus pour avoir deux fois moins de résultats, démontrant une mauvaise gestion pour ne pas dire une corruption socialisée. Et l'Etat algérien continue de dépenser sans compter en lançant des projets non fiables à terme économiquement, souvent pour des raisons de prestige. Tant qu'il y a la rente ! Mais l'Algérie peut-elle continuer de vivre de l'illusion de la rente sur la base d'un cours de 70 dollars pour le budget de fonctionnement et 40/50 dollars pour le budget d'équipement si le cours des hydrocarbures baisse au risque d'une hyperinflation ? Peut-on continuer dans cette voie suicidaire des assainissement répétées des entreprises publiques, plus de 50 milliards de dollars entre 1971 et 2011, avec des recapitalisations répétées des banques publiques contrôlant 90% du crédit global, avec des clients souvent non bancables, dont plus de 70% des entreprises publiques sont revenues à la case départ, et sans relèvement des taux d'intérêt, d'une faillite du système bancaire freinant l'investissement ? Cette masse monétaire sans contreparties productives alimente le processus inflationniste. La troisième raison du processus inflationniste est la dévaluation rampante du dinar, 70-75% des besoins des ménages et des entreprises publiques et privées étant importés et la distorsion entre le taux de change officiel et celui sur le marché parallèle, les vendeurs s'alignant souvent sur le cours du marché parallèle. En effet, depuis plus de deux années, il existe une différence entre le cours du dinar sur le marché parallèle. Le tarissement de l'épargne de notre émigration ou certains voyages ponctuels vers l'étranger, du fait de l'allocation devises limitée, souvent invoqués ne sont pas les seules explications. On peut établir un coefficient de corrélation entre la cotation du dinar et l'évolution du cours des hydrocarbures pour un taux d'environ 70%, 30% étant dues aux phénomènes spéculatifs et aux sections hors hydrocarbures bien que limitées et que sans hydrocarbures la cotation du dinar s'établirait à entre 300/400 dinars un euro, selon l'offre et la demande, l'économie algérienne étant une économie totalement rentière. En effet, se pose le problème de la cotation du dinar qui n'obéit pas toujours aux règles économiques. Ces mesures ponctuelles sans vision stratégique sont souvent édictées principalement pour freiner les importations suite à l'importante augmentation des salaires et ont des répercussions négatives tant pour les opérateurs que sur le pouvoir d'achat des citoyens. La quatrième raison du processus inflationniste est la dominance de la sphère informelle produit des dysfonctionnements des appareils de l'Etat, en fait à la nature du système rentier où existent des liens dialectiques entre cette sphère et la logique rentière avec des situations monopolistiques et oligopolistiques de rente avec des liens extérieurs, non intéressées par l'émergence d'entreprises productives, expliquant d'ailleurs la marginalisation du savoir et des compétences. Cette sphère informelle en Algérie contrôle 65/70% des segments de produits de première nécessité auxquels plus de 70% des ménages consacrent presque l'intégralité de leurs revenus (marché fruits et légumes, poisson, viande rouge et blanche, textile et cuir) et sans compter les factures de plus en plus élevées de l'eau et de l'électricité qui absorbent une fraction importante du revenu des ménages pauvres et moyens, accroissant leur endettement. La masse monétaire a été évaluée dans le rapport de la Banque d'Algérie à 2.439 milliards de dinars fin 2010, 33,87 milliards de dollars dont 40% contrôlée par la sphère informelle soit 13,55 milliards de dollars limitant la politique monétaire de la Banque centrale avec une importante intermédiation financière informelle mais avec des taux d'usure accroissant l'endettement des ménages qui s'adressent à cette sphère. L'importance de cette masse monétaire captée, favorise une concentration du revenu au niveau de cette sphère avec des tendances monopolistiques et souvent oligopolistiques (quelques offreurs pour une multitude de demandeurs) et alimente comme analysé précédemment, la demande au niveau du marché de la devise parallèle et l'évasion fiscale évaluée à environ 3 milliards de dollars par an. Le constat en Algérie est l'absence d'une véritable concurrence, avec une tendance monopolistique, faisant que les circuits entre le producteur et le consommateur (les grossistes informels) ont tendance à se rallonger, la marge commerciale pouvant représenter 2 à 3 fois le prix de production (surtout dans le domaine agricole), ce qui ne peut que décourager le producteur immédiat et l'orienter vers des activités spéculatives et fait que la politique d'encadrement des prix peut s'avérer d'une efficacité limitée, en fonction des moyens mis en œuvre, dans la mesure où le contrôle des prix repose sur le détaillant qui ne fait que répercuter ces surcoûts de distribution. Quelle conclusion ? On ne peut analyser correctement le processus de l'inflation en occultant son essence, à savoir la faiblesse de la sphère réelle, la sphère informelle et ses incidences sur le pouvoir d'achat des Algériens. Le malaise social s'amplifie à travers toutes les régions et la majorité des catégories sociales. La grande démobilisation aux dernières élections législatives du 10 mai 2012, malgré des dépenses sans précédent, où taux d'abstention, bulletins nuls et non inscrits ont représenté environ 75% de la population en âge de voter en est le témoignage vivant. La même tendance risque de se reproduire pour les élections locales, montrant le désintérêt de la population confrontée à la dure réalité quotidienne. Le processus inflationniste que l'on comprime artificiellement par des subventions montre l'absence de régulation ne s'attaquant aux fondamentaux renvoyant au manque de cohérence et de visibilité de la politique socioéconomique pour préparer l'après-hydrocarbures, l'épuisement étant dans au maximum 16 ans pour le pétrole, dans 25 ans pour le gaz conventionnel, avec une population de 50 millions. Comme ces réserves de change estimées à 190 milliards de dollars au 1er juillet 2012, richesse virtuelle provenant des hydrocarbures dont la facilité est de les placer pour 83% à l'étranger ,en partie en bons du Trésor américains et en obligations européennes, à des rendements pres-que négatifs pondéré par l'inflation mondiale, alors qu'il s'agit de les transformer en richesse réelle. Force est de constater que depuis 1986, l'Algérie est dans une interminable transition, n'étant ni une économie étatisée, ni une véritable économie de marché con-currentielle, dans le cadre de l'interdépendance mondiale, à l'instar des pays émergents, expli- quant le peu d'efficacité tant de la régulation politique, sociale et économique. Il s'agit essentiellement d'éviter cette illusion bureaucratique, ce juridisme, en s'attaquant au fonctionnement de la société, en fait de réaliser de véritables réformes promises mais non réalisées à ce jour. Le statu quo actuel où il semble que certains responsables soient tétanisés par les évènements extérieurs, (cours des hydrocarbures, Syrie, Sahel), qui seront déterminants pour leur avenir personnel, pas forcément celui de l'Algérie, est néfaste pour le pays. Face à cette situation, l'inquiétude vis-à-vis de l'avenir, l'absence de morale et la faiblesse de la gouvernance tant centrale que locale, avec ce retour accéléré de l'inflation, qui contribue à une concentration du revenu au profit d'une minorité rentière, la majorité des Algériens veulent tous et immédiatement leur part de rente, reflet du divorce Etat/citoyens, quitte à conduire l'Algérie au suicide collectif. (Suite et fin)

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