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Décision du Premier ministre algérien d'ajourner la production à l'horizon 2040
Publié dans La Nouvelle République le 25 - 11 - 2012

Le Premier ministre algérien Abdelmalek Sellal vient de prendre, certainement après consultation des différentes sphères du pouvoir, la sage décision privilégiant les intérêts supérieurs du pays, en date du 22 novembre 2012, d'ajourner la production du gaz schiste en Algérie.
Je le cite : «On ne va pas pomper aujourd'hui le gaz de schiste mais à échéance très lointaine allant à l'horizon 2040». Je tiens à me réjouir de cette décision puisque j'ai eu à prendre une position ni pour ni contre mais un large débat national (voir mes contributions dans les magazines internationaux Jeune Afrique et les Afriques Paris-Genève et dans de nombreux sites et quotidiens algériens), thème que j'ai eu l'occasion d'aborder sur le même sujet au séminaire international à l'aéroport d'Orly de Paris le 6 novembre 2012 en présence de nombreux opérateurs, experts internationaux en énergie, dont l'ancien président directeur général du FMI Michel Camdessus et plusieurs ministres africains. La problématique du gaz schiste L'introduction du gaz non conventionnel sur le marché mondial a eu pour conséquence principale une déconnexion prononcée entre les prix du gaz et ceux du pétrole, elle est liée à la progression de production de gaz non conventionnel aux Etats-Unis et à la surabondance de l'offre de GNL. Le repositionnement qui s'opère aux Etats-Unis vers le gaz non conventionnel au détriment du GNL va modifier la donne au plan mondial qui risque d'être rejoint par de nombreux pays comme la Chine et la Russie, expliquant la baisse vertigineuse du prix du gaz sur le marché libre spot et paradoxalement segmentant encore plus le marché qui devient de plus en plus local. Cette nouvelle donne aura un impact non négligeable sur le marché américain et sur le marché mondial. Pour l'Algérie, il s'agit de poser objectivement l'opportunité de cette option. Le problème se pose avec le risque de pollution des nappes phréatiques, la nappe d'eau étant l'Albien. De nombreux gisements sont enfouis sous des nappes phréatiques et, avec la remontée du gaz, le liquide de facturation peut parfois atteindre ces nappes et se mêler à l'eau, qui devient alors impropre à la consommation. A-t-on prévu les moyens de lutte contre la détérioration de l'environnement ? A-t-on fait les extrapolations d'arbitrage entre la consommation d'eau des populations, des secteurs économiques et l'utilisation de ce gaz ? En Algérie, évitant des positions tranchées pour ou contre, un large débat national s'imposant, et on ne saurait minimiser les risques de pollution des nappes phréatiques au Sud du pays, 200 produits chimiques injectés dont 20%, selon un rapport du département américain, pouvant provoquer le cancer qui doivent préserver l'environnement et mettre en place des techniques adéquates. Comme doivent être pris en compte les coûts (en plus de l'achat des brevets) devant forer plusieurs centaines de puits pour un milliard de mètres cubes gazeux. Sans compter la durée courte de la vie de ces gisements, environ cinq années pouvant récupérer une moyenne de 20/25% contre 85/90% pour les gisements de gaz conventionnel car, en l'absence de techniques alternatives à la facturation hydraulique, grande consommatrice d'eau douce, l'impact de cette exploitation sur la ressource en eau demeure l'une des principales préoccupations pour l'Algérie parce que, dans le climat aride ou semi-aride de l'Algérie, le rechargement des nappes phréatiques est faible. C'est donc dans les nappes profondes que les exploitants iraient pomper l'eau nécessaire à l'exploitation du gaz, un milliard de mètres cubes gazeux nécessitant 1 million de mètres cubes d'eau douce. Par ailleurs, l'utilisation massive d'eau par l'Algérie pourrait être à l'origine de tensions avec ses voisins. Certains bassins hydrographiques complexes sont en effet partagés, comme celui de Mjradah Wadi, commun à la Tunisie et à l'Algérie, ou celui de Deraa qui alimente également le Maroc sans compter les bassins communs avec la Libye. Par ailleurs se pose cette question stratégique : quelles sont les réserves du gaz schiste et sa rentabilité et surtout beaucoup d'imprécisions sur les réserves rentables financièrement ? On peut, comme pour le gaz conventionnel, découvrir des milliers de gisements mais non rentables financièrement. La rentabilité économique et, par-là, le calcul des réserves sont fonction de la croissance de l'économie mondiale et de son modèle de consommation, de la consommation intérieure, des coûts d'extraction et du transport, des concurrents et des énergies substituables. Selon les dernières estimations établies par l'Agence internationale de l'énergie (AIE) en 2011, nous avons les réserves mondiales de gaz de schistes récupérables suivantes (en milliards de mètres cubes gazeux) : Chine : 36.120 ; USA : 29.500 ; Argentine : 21.900 ; Mexique : 19.300 ; Afrique du Sud : 13.700 ; Libye : 8.200 ; Algérie : 6.500 (c'est-à-dire à peine 25% des réserves des USA). Ceci les gisements prouvés. Pour l'AIE, cette nouvelle évaluation majorerait les réserves de gaz techniquement extractibles dans le monde de 40% et les porterait à 640.000 milliards de mètres cubes, soit plus du triple des réserves mondiales de gaz conventionnel dont d'ailleurs des découvertes importantes se font chaque jour avec une concurrence accrue. C'est que l'Algérie n'est pas seule sur le marché mondial. Par ailleurs, il conviendra d'inclure dans le coût par l'achat du savoir-faire, l'avantage de certains pays comme les USA, c'est la disponibilité d'un réseau de transport de gaz pratiquement sur l'ensemble du territoire en plus du fait que les gisements ne sont pas profonds. Qu'en sera-t-il des coûts des canalisations additionnels pour l'Algérie ? C'est que la gestion de l'exploitation est complexe, les forages perdant 80% de la productivité au bout de cinq ans. Sans compter la maîtrise technologique qui demande une formation pointue dans la ressource humaine, inexistante en Algérie. Pour l'Algérie, l'appel à des groupes internationaux est nécessaire du fait de la déperdition des cadres de Sonatrach. Comme se pose l'opportunité d'investissement par des grands groupes internationaux de l'exploitation du gaz de schiste avec la règle restrictive imposée par le gouvernement algérien des 49/51%. La reformulation de la loi des hydrocarbures permettra-t-elle de relancer l'exploration sur des bases opérationnelles? Quelle stratégie pour lutter contre l'épuisement des réserves en hydrocarbures ? Selon le rapport du centre de prévisions internationales IHS Global Insight du 12 novembre 2012, l'Algérie va traverser, dès 2013, une période des plus difficiles et affrontera les effets, très redoutables, de la crise économique qui a secoué le monde, particulièrement le continent européen. Ce rapport est d'autant plus alarmant qu'il a été rédigé avant celui de l'AIE qui annonce un profond bouleversement géostratégique énergétique où les USA deviendraient en 2020 le premier exportateur de pétrole au monde avant l'Arabie saoudite et pour le gaz avant la Russie à l'horizon 2025/2030 réduisant les marchés pour l'Algérie. Contrairement aux prévisions du FMI, le taux de croissance va connaître un léger recul en 2013 à 2,2% après celui enregistré en 2012 (2,4%). Cela résultera, toujours selon le rapport de la baisse de la valeur, les exportations d'hydrocarbures passant de 75,8 milliards de dollars en 2012 à 67,5 milliards en 2013, 66,6 milliards en 2014 et 64,4 milliards en 2015 pour remonter à 67,9 milliards. Il en résultera que le taux de croissance sera de 3% en 2014, 3,5% en 2015 et 4,1% en 2016. Ainsi, le baril devrait glisser à 93 dollars en 2013 et atteindre un plus bas niveau à 85 dollars en 2015 avant de remonter légèrement pour frôler les 90 dollars à l'horizon 2020. Or, le budget de l'Etat algérien repose sur une dépense publique variant entre 105 et 115 dollars, et, comme le fait remarquer le dernier rapport du FMI, l'Algérie dépense sans compter au lieu au lieu de gérer optimalement cette rente éphémère où la facilité de placer les 86% des réserves de change estimées à 193 milliards de dollars à l'étranger à un taux presque nul tenant compte de l'inflation mondiale. Qu'en sera-t-il dans 30 ans avec une population de 50 millions sans hydrocarbures traditionnels ? D'où l'importance, dès aujourd'hui, de prévoir pour l'Algérie d'autres sources d'énergie et d'imaginer un nouveau modèle de consommation énergétique. Avec plus de 3.000 heures d'ensoleillement par an, l'Algérie a tout ce qu'il faut, ou presque, pour développer l'utilisation de l'énergie solaire. Mais le soleil tout seul ne suffit pas, il faut la technologie et les équipements pour transformer ce don du ciel en énergie électrique. Le taux d'électrification du pays est à 97% alors que le taux de couverture en gaz est de 57%. 96% de la production d'électricité est produite à partir du gaz naturel, 3% à partir du diesel (pour les régions isolées du Sud algérien) et 1% à partir de l'eau (centrale hydraulique de 100 MW). Quant à la production d'électricité à partir des ENR, elle est très faible, à savoir 1MW. Le prix du KWh est environ de 4 DA pour les clients domestiques et industriels alors que le prix de cession bas, entraînant d'ailleurs du gaspillage, est de 0,068 DA le mètre cube. Ainsi, il est prévu que Sonelgaz investisse, d'ici à 2030, 60 milliards de dollars dont une grande partie doit être consacrée aux énergies renouvelables. Car tenant compte de l'évolution des coûts croissants, des nouvelles mutations énergétiques mondiales et de la concurrence de nouveaux producteurs, des exportations et de la forte consommation intérieure (70% des exportations prévues), favorisée par des bas prix, et des dernières décisions de doubler la capacité d'électricité à partir des turbines de gaz, des mini-centrales fonctionnant au gasoil dans le Sud, l'Algérie, avec 1% des réserves mondiales, sera importatrice de pétrole dans 15 ou 16 ans et de gaz conventionnel (2,2% des réserves mondiales) dans 25 ans. Concernant les énergies renouvelables, sur les 22.000 MW programmés pour les deux prochaines décennies, l'Algérie ambitionne d'exporter 10.000 MW, alors que les 12.000 MW restants seraient destinés pour couvrir la demande nationale. Une fois réalisé, ce programme permettra d'économiser
près de 600 milliards de mètres cubes de gaz sur une période de 25 années. L'Algérie a réceptionné en mi-juillet 2011 la première centrale électrique hybride à Hassi R'mel d'une capacité globale de 150 MW, dont 30 MW provenant de la combinaison du gaz et du solaire, solution raisonnable à court et moyen terme et donc d'autres projets similaires, devant par ailleurs parallèlement développer à grandes échelles toutes les technologies relatives à l'industrie de l'énergie renouvelable (solaire-thermique et photovoltaïque, éolien). En résumé, toute décision stratégique sur l'énergie relevant de la sécurité nationale devra être prise en Conseil national de l'énergie après un large débat national. Je rappelle que le Conseil national de l'énergie a été créé par décret présidentiel le 19 avril 1995 et son article 6 stipule qu'il se réunit périodiquement sur convocation de son président, le président de la République et que le secrétariat (article 5) est assuré par le ministre de l'Energie et est composé des ministres dits de souveraineté (Défense nationale, Affaires étrangères, Energie et Finances), du gouverneur de la Banque d'Algérie et du délégué à la planification. L'article 6 stipule que «le Conseil national de l'énergie est chargé d'assurer le suivi et l'évaluation de la politique énergétique nationale à long terme, notamment la mise en œuvre d'un plan à long terme destiné à garantir l'avenir énergétique du pays, d'un modèle de consommation énergétique en fonction des ressources énergétiques nationales, des engagements extérieurs et des objectifs stratégiques à long terme du pays, de la préservation des réserves stratégiques du pays en matière d'énergie, des stratégies à long terme de renouvellement et de développement des réserves nationales en hydrocarbures et leur valorisation, de l'introduction et du développement des énergies renouvelables, des schémas d'alliances stratégiques avec les partenaires étrangers intervenants dans le secteur de l'énergie et des engagements commerciaux à long terme». La décision du Premier ministre algérien Abdelmalek Sellal traduit la détermination des pouvoirs publics algériens à, certes, développer les ressources en hydrocarbures classiques, ne devant pas être utopiques d'où les amendements de la loi des hydrocarbures actuellement en discussion ; cela sera l'essentiel des rentrées en devises pendant encore de longues années mais, parallèlement, d'autres sources d'énergie et pourquoi pas le gaz schiste lorsque les conditions techniques avec de nouveaux procédés de protection de l'environnement et de rentabilité seront remplies ? A l'horizon 2040 pour l'Algérie peut-être ? A court et moyen terme du fait des avantages comparatifs de l'Algérie, pourquoi ne pas miser sur les énergies renouvelables qui sont des énergies flux inépuisables par rapport aux «énergies stock» tirées des gisements de combustibles fossiles en voie de raréfaction et surtout ce que l'on oublie souvent génèrent des emplois à forte valeur ajoutée. La production à grande échelle qui permettrait de réduire les coûts tout en favorisant à l'aval une multitude de PMI-PME renforçant le tissu industriel à partir des énergies propres.


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