La fête de l'Achoura, 10e jour du premier mois hégirien moharem, est toujours célébrée à Tissemsilt, selon un rite ancestral. Conformément à la sunna, les Algériens ont fêté la Achoura en jeûnant les 9 et 10 du Moharrem. Ces traditions héritées de père en fils diffèrent toutefois d'une couche sociale à l'autre et d'une région à l'autre. Les habitants de Tissemsilt, qui fut par le passé un pôle commercial incontesté, ont hérité de coutumes et traditions où l'activité commerciale est prédominante. Après plusieurs années d'éclipse, les rituels de la célébration de la fête de l'Achoura ont refait surface en renouant avec certaines pratiques, notamment en matière d'entraide et de solidarité. En pareille occasion, les artères et ruelles commerçantes de la ville connaissent une activité intense. Les vendeurs exposent leurs marchandises à même le sol, transformant ces quartiers en un gigantesque marché, attirant un grand nombre de chalands, particulièrement la gente féminine. C'est l'embarras du choix pour les ménagères venues s'approvisionner en tous genres de produits, henné et cosmétiques en particulier. Pour les commerçants, l'Achoura constitue une aubaine pour exposer, à la vente, des stocks de marchandises à des prix raisonnables et alléchants. Au-delà du désir de voir leurs marchandises vite écoulées, des commerçants réduisent les prix, une manière de contribuer à la zakat au profit des personnes démunies. Ne ratant pas cette aubaine, les pauvres et les défavorisés affluent vers les quartiers commerciaux pour, en plus de la collecte d'aumône, s'approvisionner en divers articles et effets vestimentaires (tissus, souliers...) cédés à des prix accessibles à toutes les bourses. La célébration de cette fête religieuse est marquée également par une activité particulière au niveau des zaouïas. Les adeptes des confréries intensifient, le jour de l'Achoura, leurs cercles de hadhras où le dhikr est à l'honneur. Le volet folklorique comporte des représentations attractives interprétées par un groupe de personnes en quête de la baraka du saint-patron Sidi M'hamed Bentamra. Dans les foyers, la fête de l'Achoura exige des ménagères, tradition oblige, la préparation de mets traditionnels à base de viande séchée et conservée depuis l'Aïd el-Adha, servie dans un plat appelé kheli'e. Ce jour est également l'occasion pour les fidèles de jeûner, se référant à la sunna du prophète Mohammed (QSSSL). Le soir venu, toutes les familles se retrouvent autour d'un repas copieux, comme le veut la tradition. Avec les incontournables plats de couscous garnis de viande ou simplement de berkoukes, le repas de l'Achoura reste un fort moment de convivialité et de retrouvailles que la maîtresse de maison ne veut, en aucun cas, rater ou ignorer. Le bonheur est de se retrouver autour d'une table commune, loin des tracasseries quotidiennes. Railla est maman de dix enfants. Son aînée est une fille qu'elle a mariée l'an dernier. Pour cette fête, Railla a convié sa fille et son gendre pour se joindre à eux et partager avec eux leur repas qui sera à la hauteur du convive et de l'évènement. Elle va même exceller dans la préparation du repas qui sera suivi par l'incontournable thé à la menthe. Là aussi, c'est un autre cérémonial qui fait valoir le savoir-faire des familles algériennes. Ainsi, les traditionnels gâteaux à base de semoule sont les rois de la table. Des beignets (bagherir) sont autant de recettes du terroir, perpétuées à travers les âges. Dans la région de l'Ouarsenis, la célébration de la fête de l'Achoura est marquée par l'organisation du traditionnel repas de famille. En général, on fait le rougag, ce sont des feuilles de msemen cuites dans un tadjine en fonte, que l'on découpe grossièrement et que l'on arrose de sauce au poulet et aux légumes pimentée. Cette fête est accompagnée d'autres pratiques comme des repas en famille, visite aux défunts, distribution de friandises. C'est une fête placée surtout sous le signe des réjouissances familiales qu'elles soient matérielles ou spirituelles, et cela, nul ne peut l'oublier ou le délaisser. L'autre tradition qui revient à chaque Achoura ici, comme ailleurs aussi, est d'«offrir» sa première coupe de cheveux aux enfants. Un nombre non négligeable de parents, si ce ne sont pas tous, attend toujours la fête d'Achoura afin de couper, pour la première fois, les cheveux de leurs enfants cadets. Ceci confère à l'événement une touche de joie, dans la mesure où l'enfant devient le centre d'intérêt de tout le voisinage.