Plusieurs dizaines de milliers de membres de la minorité sunnite irakienne ont manifesté vendredi contre la politique du Premier ministre chiite Nouri al Maliki, une démonstration de force susceptible de raviver les tensions religieuses. Soixante-mille personnes se sont rassemblées à Falloudja, 50 km à l'ouest de Bagdad, sur le principal axe routier est-ouest bloqué depuis une semaine. «L'Iran dehors ! Baghdad doit rester libre !», ont scandé les manifestants, qui ont brûlé des drapeaux de la République islamique. Le mouvement a débuté la semaine dernière après l'arrestation de gardes du corps du ministre des Finances, un sunnite. Beaucoup de ses coreligionnaires, qui ont dominé l'Irak jusqu'au renversement de Saddam Hussein, accusent le chef du gouvernement de s'opposer au partage du pouvoir et le jugent trop proche de l'Iran chiite et non arabe. Le Premier ministre avait déjà ordonné l'arrestation du vice-président sunnite Tarek Hachémi, qu'il accuse de diriger des escadrons de la mort, juste après le retrait des troupes américaines d'Irak, en décembre 2011. Un an après ce retrait, les tensions religieuses qui s'ajoutent aux contentieux entre Arabes et Kurdes, notamment sur le partage des revenus pétroliers, menacent à nouveau la stabilité de l'Irak, où les violences intercommunautaires ont culminé entre 2005 et 2007. Les manifestants réclament l'abrogation d'une législation antiterroriste qu'ils jugent pénalisante pour les sunnites, et la remise en liberté de détenus. «Je suis venu à Falloudja pour exprimer mon soutien à leurs revendications. J'espère que nous irons à Baghdad», a déclaré l'un d'eux. D'autres rassemblements ont eu lieu à Mossoul et à Samara, dans le Nord, où le slogan-phare du printemps arabe, «Le peuple veut la chute du régime !», a retenti. «Il n'est pas acceptable de s'exprimer en bloquant des routes, en incitant à la sédition et au sectarisme, en tuant, en sonnant la charge et en divisant l'Irak», a déclaré le chef du gouvernement, lors d'une conférence sur la réconciliation nationale retransmise à la télévision. Ces derniers jours, des manifestants sunnites ont brandi le drapeau irakien en vigueur sous le règne de Saddam Hussein et celui des rebelles syriens, qui combattent un gouvernement lui aussi proche de l'Iran. Des activistes d'Al-Qaïda se regrouperaient dans la province occidentale d'Anbar, majoritairement sunnite, et passeraient la frontière syrienne pour aller prêter main forte aux insurgés. A Ramadi, chef-lieu de la province, des manifestants ont défilé avec le portrait du Premier ministre turc Recep Tayyip Erdogan, qui a pris fait et cause pour l'insurrection syrienne et affiche de plus en plus ses divergences avec son homologue irakien. Un modeste rassemblement contre le chef du gouvernement turc a en revanche eu lieu à Nadjaf, ville sainte chiite située à 160 km au sud de la capitale. L'influent imam chiite Moktada Sadr, rival du chef du gouvernement, a toutefois exprimé son soutien aux manifestants sunnites et a condamné la «politique sectaire» de Nouri al Maliki.