Il y a une semaine, le 30 décembre 2012, l'émissaire international pour la Syrie Lakhdar Brahimi faisait savoir urbi et orbi qu'il avait «un plan», «une proposition de règlement politique du conflit en Syrie, acceptable par la communauté internationale». Pour dramatiser davantage une situation qui n'en avait pas besoin, il avait indiqué la veille, au terme d'un entretien à Moscou avec Sergueï Lavrov, que, faute d'une solution négociée, la Syrie connaîtra «l'enfer». Il semble avoir échappé à Lakhdar Brahimi, lorsqu'il emploie le futur à propos de la Syrie, que, au moins pour les Syriens aspirant au respect, à la dignité et à la liberté, l'enfer est depuis plusieurs mois une réalité quotidienne. Cette erreur d'appréciation n'a pas contribué à améliorer l'image déplorable qui est la sienne parmi les contestataires. Que son plan soit «acceptable» par la communauté internationale est une chose dont on pourra se réjouir. A condition, évidemment, qu'il le soit aussi, d'abord et avant tout, par les Syriens eux-mêmes. Or le caractère «acceptable» de ce plan est étroitement lié au flou qui continue d'entourer - le point essentiel aujourd'hui en débat dans tout plan de paix : le départ ou le maintien en place pour une durée indéterminée du chef de l'Etat-. Négociateur chevronné, Lakhdar Brahimi sait depuis longtemps qu'on ne sort de l'ambiguïté qu'à son propre détriment. Les Russes ont désormais reconnu qu'ils sont démunis, impuissants... et pour tout dire abouliques face à l'entêtement de Bachar Al Assad, accroché à son pouvoir comme à une planche de salut chaque jour davantage vermoulue. C'est dire qu'ils ont renoncé, s'ils y ont un jour pensé, à exercer sur lui la moindre pression. La nomination au secrétariat d'Etat du sénateur John Kerry, vieil habitué des visites à Damas et interlocuteur de longue date de son «cher ami» Bachar Al Assad, ne devrait pas infléchir de manière notable la politique américaine, mélange d'indécision et d'hésitation sur fond de préservation des intérêts israéliens et de hantise sans cesse renouvelée pour l'extension des activités d'Al-Qaïda. Les Etats arabes du Golfe ne disposent pas, dans cette affaire... non plus, de réelle liberté de manœuvre. Quant à l'Union européenne, elle s'est montrée jusqu'ici beaucoup plus apte à imposer des sanctions, censées faire mal au régime, que désireuses d'apporter à la population syrienne en révolte les aides de toutes natures qu'elle réclame sans succès depuis un an et demi. L'Iran en revanche, dont les détracteurs les plus acharnés des Etats arabes du Golfe et des puissances occidentales mettent rarement en doute la pureté des intentions et ignorent tout de l'activisme politique, économique, éducatif, culturel, social et religieux déployé en Syrie depuis l'accession au pouvoir de Bachar Al Assad, y est allée de son «plan» de règlement du conflit. Après s'être «rapprochés de l'opposition syrienne» - selon Le Figaro... en rencontrant à Genève le Dr Haytham Manna, président de la Coordination nationale pour le Changement démocratique (CNCD) à l'extérieur, les Iraniens ont hébergé à Téhéran, le 16 décembre, une «réunion pour le dialogue national en Syrie». Les noms des participants ont été tenus secrets pour préserver ce qui pouvait l'être encore de leur réputation dans leur pays. Les mêmes Iraniens se sont donc fait fort, quelques jours plus tard, de solutionner le problème syrien en proposant leur «plan de sortie de crise». Négligeant le fait qu'ils entretenaient en Syrie des dizaines et peut-être des centaines de conseillers sécuritaires, de membres des Gardiens de la Révolution et d'autres militaires, ils ont affirmé, sans rire, que «c'est aux Syriens et à eux seuls de décider de leurs sort et de l'avenir de leur pays». Ils ont donc suggéré : «l'arrêt immédiat des violences et des actions armées sous la supervision de l'ONU», à laquelle les Russes donneraient évidemment cette fois-ci leur aval ; «l'acheminement des aides, sans exception aucune, à tous les réfugiés et rescapés des violences», une formule permettant d'englober les partisans alaouites du régime «réfugiés» dans leur réduit et les victimes des massacres imputés aux «terroristes» ; «l'entame d'un dialogue débouchant sur la mise en place d'un comité de réconciliation»; «l'établissement d'un gouvernement de transition». La Russie, la Chine et les autres pays du Brics seraient les garants de la mise en application de ce plan, dont on ne s'étonnera guère qu'il passe sous silence la situation du chef de l'Etat. Sa légitimité ne fait guère plus de doute aux yeux des Iraniens que celle de leur actuel président.