Si la Russie a toujours été considérée comme un acteur-clé pour dénouer la crise, ce rôle a encore été mis en lumière, ces derniers jours, par la prise de distance de Moscou vis-à-vis de son allié Bachar al-Assad.$ Après avoir rencontré jeudi à Damas le président syrien, l'émissaire de l'ONU, en qui la communauté internationale espère avoir trouvé le faiseur de paix dans cette Syrie ravagée par une guerre qui menace de sortir de ses frontières, négocie avec les Russes à Moscou depuis hier. La transition proposée par l'ambassadeur algérien achoppe toujours sur le sort de Bachar al-Assad. Le centre de gravité diplomatique du conflit syrien s'est ainsi déplacé en Russie où l'émissaire de l'ONU et de la Ligue arabe tente de “vendre" à ses interlocuteurs, le projet d'un gouvernement de transition susceptible de mettre un terme au conflit meurtrier qui, en 21 mois, a fait 45 000 morts. Le diplomate algérien aura été précédé jeudi dans la capitale russe par le vice-ministre syrien des Affaires étrangères, Fayçal Mokdad. Le nouveau chef de la rébellion lui a décliné l'invitation des Russes exigeant d'eux des “excuses" ! Manière pour lui de faire monter les enchères, à l'initiative certainement de la France qui suspecte son rejet du dossier par les Russes et les Américains, en accord apparemment sur la conclusion de la crise syrienne. En effet, la diplomatie russe commence à mettre la pression sur le président Bachar al-Assad et la Russie bouge depuis la rencontre américano-russe à Genève, en début du mois, rencontre qui a réanimé la mission de Lakhdar Brahimi. Les 6 et 9 décembre, celui-ci a participé à deux réunions cruciales, à Dublin et à Genève, entre Russes et Américains. Il ne s'agit pas d'une volte-face russe, mais d'une forme de réveil après un long hiver diplomatique. Seule grande puissance dont les relations sont restées étroites avec le régime syrien, la Russie met la pression depuis quelques jours sur le président Bachar al-Assad afin d'ouvrir “le dialogue avec l'opposition". L'appel à un accord “historique" entre le régime de Damas et les rebelles lancé le 18 décembre par l'ex-chef de la diplomatie syrienne, Farouk al-Charaa, possiblement avec l'aval de Moscou, a lui aussi souligné l'épicentre diplomatique russe. Une première pour un pays qui ne voulait pas, jusqu'à présent, apporter la moindre légitimité aux rebelles syriens. “L'ours russe", selon la formule consacrée durant la guerre froide, a ainsi multiplié les contacts avec les principaux acteurs du dossier. Le ministre russe des Affaires étrangères, Sergueï Lavrov, après son entretien avec la délégation syrienne dirigée par le vice-ministre des Affaires étrangères, a reçu le chef de la diplomatie égyptienne, Mohamed Amr et, samedi, il rencontrait Lakhdar Brahimi. La Russie n'appelle certes pas encore à la démission de Bachar al-Assad, mais fait un pas en direction de la rébellion syrienne. Son réveil devrait aller jusqu'à un accord avec les Etats-Unis pour un départ négocié du chef de l'Etat syrien du pouvoir. Mais, au jour d'aujourd'hui, il est très difficile de comprendre ce que font et ce que veulent les Américains. Il faudrait effectivement qu'Obama joue un rôle actif pour permettre une période de transition, mais il semble, pour l'instant, plutôt à l'écoute des puissances locales que sont le Qatar, l'Arabie Saoudite et même l'Egypte, lesquelles prônent d'une seule voix le départ de Bachar al-Assad. Pour autant, les scénarios de sortie de crise en Syrie sont pour le moins opaques. Bachar al-Assad ne peut plus gouverner, c'est une évidence même aux yeux de Moscou, mais une population surarmée et des groupes jihadistes à foison ne présagent rien de bon, surtout que la coalition de la rébellion ne maîtrise pas le terrain. Les jours qui viennent apporteront peut-être un peu d'espoir si des négociations avancent effectivement en coulisses. Les efforts engagés par le poids lourd russe peuvent-ils mener à brève échéance à une sortie de crise ? Les Russes sont de plus en plus embêtés, car ils savent très bien que Bachar n'a aucun avenir. Mais pas question pour le Kremlin de voir Damas tomber dans l'orbite des monarchies, principautés et sultanats du Golfe, de l'Arabie Saoudite et du Qatar notamment. D. B